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Partie III complémentaire : Cas d’un verger de producteur (870 m)

2.2. Evaluation des Coccinelles et de leur proies

Les arbres de la parcelle 1 et 2 ont été suivis à raison de 10 rameaux par arbres et de cinq arbres par parcelle tirée à chaque date au hasard parmi 20 sur 15 dates entre septembre 2015 et novembre 2016, en moyenne tous les 30 jours. Un comptage systématique des Coccinelles, adultes et larves, a été effectué. Le nombre des Pucerons a été évalué sur chaque rameau avec une précision variable allant d’un comptage exact pour un nombre d’individus allant jusque 25, puis par estimation visuelle sans comptage avec une précision estimée à ± 25 individus au-delà de 25 individus. Les nombres d’individus ont ensuite été additionnés par bloc pour chaque date.

3. Résultats

3.1. Couvert végétal

Trente-neuf espèces végétales au total ont été relevées dans les quadrats prélevés sur le verger (26 pour P1 et 32 pour P2). Suite aux résultats observés sur la parcelle expérimentale de Bassin-Plat dans la partie précédente, les biomasses des espèces végétales ont été additionnées par famille. Les résultats sont présentés Figure 1. Les valeurs sur les diagrammes représentent les biomasses moyennes (en g.m-2) des familles végétales prélevées sur les parcelles P1 et P2 lors des trois sessions de prélèvement. Nous constatons premièrement que le couvert de la parcelle P1 est en moyenne plus abondant que celui de la parcelle P2 sans qu’il n’y ait de différence significative (660 g.m-2 versus 457 g.m-2 respectivement, analyse de variance : p>0.05). Au sein de ces couverts, nous constatons une dominance des Asteraceae pour le couvert de la parcelle P1 et une dominance des Poaceae pour la parcelle P2. La parcelle P1 contient significativement plus d’Asteraceae que la parcelle P2 : (analyse de variance : P1 : 574 ± 201 g.m-² ; P2 : 164 ± 75 g.m-², p=0.03). A l’inverse, il y a en moyenne plus de

147 Poaceae dans la parcelle P2 (319 ± 245 g.m-²) que dans la parcelle P1 (136 ± 197 g.m-²) sans que cela ne soit significatif.

Figure 1 Biomasse moyenne des familles végétales composant les couverts de la parcelle 1 (en haut) et 2 (en bas) en

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3.2. Evaluation des Coccinelles et de leur proies

L’espèce de Coccinelles majoritaire sur le verger est Exochomus laeviusculus Weise avec 73 % des effectifs observés, suivie de Cheilomenes sulphurea (Olivier, 1791) en représentant 12 % puis d’ Olla-v-nigrum (Mulsant, 1866) avec 9 %, toutes trois aphidiphages. La Figure 2 présente les abondances de population de Pucerons et de Coccinelles observées sur les parcelles P1 (en haut) et P2 (en bas) dans le temps. Nous constatons une différence d’abondance des populations de Coccinelles entre les parcelles : elles semblent plus souvent présentes sur les arbres de P2 que sur les arbres de P1, indépendamment de la présence des pucerons. Sur la Parcelle P2, des coccinelles sont observées sur les arbres en novembre 2015 et en juillet 2016 sans que leurs proies n’y aient été observées. Ce phénomène n’est pas visible sur la Parcelle 1. Le tableau 1 indique les résultats des abondances moyennes des Coccinelles et des Pucerons pour les parcelles P1 et P2. Les pucerons sont présents en quantités comparables sur les deux parcelles dans la période de temps étudiée alors que les coccinelles sont significativement plus abondantes pour la Parcelle P2 (97 coccinelles au total contre 44 pour P1).

Tableau 1 Abondances moyennes de Pucerons et de Coccinelles pour les 15 suivis compris entre le 15/09/2015 et le 03/11/2016 pour la Parcelle 1 et la Parcelle 2 avec analyses de variance (anova) associées. N est le nombre de rameaux suivis. Parcelle P1 Parcelle P2 anova N / parcelle Pucerons 4.7 ± 28.5 4.7 ± 22.7 0.99 ns 750

Coccinelles 0.06 ± 0.26b 0.13 ± 0.45a 1.5e-04

***

149 Figure 2 Abondances des populations de Pucerons (vert) et de Coccinelles (noir) pour les parcelles P1 et P2. Chaque point représente le nombre d’individus observés sur 10 rameaux par arbre pour cinq arbres par parcelle.

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4. Discussion

Sur la parcelle d’un producteur, nous avons pu constater que les populations de Coccinelles aphidiphages étaient plus abondantes sur les arbres dont le couvert végétal était dominé par les Poaceae. Ce résultat ne semble pas lié aux abondances de population de pucerons présents sur la canopée des agrumes. En effet, nous observons sur la parcelle riche en Poaceae des Coccinelles en quantité substantielle en l’absence de pucerons. Les coccinelles ne sont par contre présentes qu’en présence de proies sur les arbres de la parcelle moins riche en Poaceae. Ces résultats viennent renforcer ceux observés sur la parcelle expérimentale où la présence de Poaceae semble impacter l’abondance des Coccinelles. Les deux parcelles étudiées dans ce verger Producteur étaient longées par une bordure arborée peu dense à même distance de la parcelle P1 que de la parcelle P2. Les différences d’abondance de Coccinellidae observées entre les deux parties du verger ne sont donc pas directement liées à un potentiel effet puit ou réservoir de cette bordure. Le fait que des Coccinellidae puissent être présentes sur les arbres en l’absence de Pucerons sur la Parcelle P2 rappelle les observations faites à Bassin-Plat suggérant une rétention des Coccinelles par le couvert qui, pour ce verger, ne serait efficace que pour le couvert riche en Poaceae. L’abondance de cette famille végétale semble au moins contribuer à faire du couvert végétal un habitat favorable à la présence de ces prédateurs. Une répétition de l’étude dans un verger non traité est encore nécessaire pour vérifier ce lien. De même l’étude simultanée des populations de Coccinellidae sur le couvert végétal et sur la canopée permettrait de mieux comprendre les déplacements inter-strates de ces prédateurs au sein du verger.

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Chapitre IV

Elaboration d’un outil d’aide à la décision pour la conception de

vergers agroécologiques

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Chapitre IV : Elaboration d’un outil d’aide à la décision pour la

conception de vergers agroécologiques

1. Introduction

Avec la compréhension grandissante des processus sous-jacents aux fonctions d’intérêts dans les agrosystèmes, comme la lutte biologique par conservation, s’ouvre la possibilité d’imaginer des systèmes de culture innovants et d’en prédire les performances. Un tel travail de conception nécessite outre la phase de conception, une phase d’évaluation des systèmes. L’impossibilité dans la pratique de multiplier les travaux qui mesurent directement les effets comme ceux menés dans les chapitres précédents oblige le recours à des indicateurs. Un indicateur est une grandeur qui fournit une information au sujet d’une variable plus difficile d’accès ou d’un système plus complexe, afin d’aider un utilisateur dans son action (prise de décision, construction d’un programme d’action, modélisation, etc.). Il est basé sur une référence relative (Ex : valeur initiale) ou absolue (seuil, norme, etc.) qui lui donne un sens et le différencie d’une valeur brute d’une variable. Il peut résulter d’une mesure, d’une observation, d’une donnée statistique, d’un calcul, d’une sortie de modèle dans le cas d’indicateurs simples ou d’une agrégation de variables pour des indicateurs composites (Bockstaller et al., 2008; Ricou, 2014). Parmi la diversité des types d’indicateurs, les indicateurs prédictifs sont basés sur des sorties de modèles opérationnels utilisant un nombre limité de variables accessibles, ou sur des modèles complexes. Ils peuvent être utilisés pour prédire l'effet du système simulé et sont nécessaires au travail des agronomes sur la conception de cultures innovantes (Bockstaller et al., 2011). Ils peuvent prendre la forme d’arbres de décision qui suivent des règles linguistiques « si alors » dont chaque extrémité (feuille) indique l’appartenance à une classe. Ces outils permettent la génération de règles logiques et simples de classification et une extraction de connaissance explicite d’un ensemble de données. La principale limite de ces arbres réside dans l’effet de seuil qui provient de la division en classes et le fait que deux valeurs proches dans la réalité peuvent être dirigées dans des branches différentes de l’arbre et amener à des résultats de sortie très différents. Pour pallier cet inconvénient, nous avons associé aux arbres de décision la logique floue, utilisée depuis un certain nombre d’années en sciences de l’environnement (van der Werf and Zimmer, 1998; Cornelissen et al., 2001; Phillis and Andriantiatsaholiniaina, 2001; Prato, 2005; Ferraro, 2009; Fragoulis et al., 2009; Sattler et al., 2010; Lindahl and Bockstaller, 2012; Sami et al., 2014) dans (Bockstaller et al., 2017).

153 L’objectif de ce dernier chapitre est de présenter un indicateur prédictif basé sur un modèle opérationnel, évaluant l’effet de la gestion des couverts sur la végétation et ses conséquences sur la lutte biologique. La construction du modèle s’appuiera avant tout sur les connaissances acquises dans les chapitres précédents. Le développement de cet indicateur permet d’initier un outil d’aide à la décision pour la conception de vergers agroécologiques. Il sera destiné aux conseillers sur le terrain et aux chercheurs travaillant à la conception de systèmes innovants.

2. Matériels et méthodes