3) Les EVAH dans le domaine dentaire
Comme nous lavons vu dans le chapitre précédent, 1a formation en implantologie est
basée sur lutilisation de mâchoire en plastique, de cadavre (animal ou humain) et de
compagnonnage. Lutilisation de la réalité virtuelle est encore très peu développée dans ce
domaine de formation (Luciano, Banerjee et DeFanti, 2009). Par conséquent, nous allons
élargir notre revue de littérature sur lutilisation de la réalité virtuelle au domaine dentaire
(limplantologie étant une technique dentaire). Pour une revue de littérature des simulateurs
médicaux voir (Lui et al., 2003).
Jusquau début des années 2000, le domaine dentaire a exclusivement utilisé des
méthodes classiques en termes de formation (Smith, 2009). En effet, la grande majorité des
travaux pratiques se déroulait sur des simulateurs anatomiques (mannequin composé de dents
et dune mâchoire en plastique) comme le système « DSEplus » de Kavo
17(Figure 27). Ce
système simule un patient et une unité complète de soins dentaires. Létudiant peut régler le
positionnement du patient, dispose dun module daspiration, dune alimentation deau, de
lensemble de la trousse implantaire et dune commande à pied permettant dactiver le moteur
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Trois degré de liberté permet au périphérique haptique dappliquer des forces sur les axes de
translation. Six degré de liberté permet au périphérique haptique dappliquer des forces sur les axes de rotation et
de translation.
16Images issues du site internet de la société Immersion :
http://www.immersion.fr/index.php?option=com_virtuemart&page=shop.browse&category_id=83&Itemid=5&l
ang=fr visité le 08/06/11
17
du contre-angle. Le mannequin est réalisé en caoutchouc et comprend une mâchoire et des
dents en plastique sur lesquelles létudiant peut sexercer.
Figure 27 : Illustration du système « DSEplus » de la société Kavo
Cependant depuis une dizaine dannées, des applications utilisant la technologie de la
réalité virtuelle ont vu le jour dans le domaine dentaire (Smith, 2009). De nombreux auteurs
(Johnson, Thomas, Dow et Stanford, 2000 ; Silveira, 2004 ; Luciano et al., 2009 ; Soumya et
Ramachandra, 2011) saccordent pour utiliser une classification des EVAH en trois
catégories : 1) EVAH interaction « clavier-souris » ; 2) EVAH interaction « modèle
physique » ; 3) EVAH interaction « haptique »18.
Dans cette partie, nous définirons ces trois catégories et présenterons des exemples
dEVAH. Pour chaque EVAH présenté, nous détaillerons ses caractéristiques et les
apprentissages réalisés.
3.1) EVAH interaction « clavier-souris »
Les EVAH basés sur une interaction « clavier-souris » offrent très peu dinteraction
avec l'opérateur (clavier-souris), excepté une interface 3D pour la visualisation des données.
Lobjectif de ces EVAH est de sentraîner à la prise de décision, et de résoudre des situations
problèmes.
18
Remarque, généralement dans le domaine de la réalité virtuelle, le terme « modèle physique » permet
de désigner un modèle numérique qui simule les lois de la physique dans lenvironnement virtuel. De plus, les
systèmes haptiques (bras à retour deffort) se basent sur ses modèles physiques pour produire des interactions
réalistes avec les objets de lenvironnement virtuel. Or dans la classification que nous utilisons, le terme
« modèle physique » renvoie à lutilisation de matériel réel. Par conséquent, lutilisateur interagit avec de vrais
instruments comme par exemple lutilisation dune fraise dentaire sur les dents en plastique dun mannequin. Et
Dans le domaine dentaire, des projets pédagogiques ont été réalisés dans
lenvironnement virtuel en ligne Second Life19, notamment le projet Dental Education
développé par (Phillips et Berge, 2009). Cet environnement en trois dimensions simule un
vaste monde (cabinet dentaire, faculté dentaire, laboratoire préclinique, campus universitaire,
ville, etc.) (Figure 28). Il permet de combiner les nouvelles technologies de simulation avec
les avantages des jeux de rôles, dans le but daméliorer le diagnostic et le traitement des
patients. Lobjectif de ce projet est donc de permettre des apprentissages dans le domaine
dentaire via un enseignement à distance. Cet enseignement porte principalement sur la
résolution de situations problèmes (par exemple, patient ayant des maladies rares) et sur la
communication entre le dentiste et le patient (par exemple, argumenter pour pousser un
patient à arrêter de fumer). Dental Education est particulièrement utile pendant la première
moitié du programme dentaire lorsque les élèves nont pas de soins à réaliser sur de vrais
patients. Lapprentissage dans Second Life permet également aux étudiants de collaborer que
ce soit avec des étudiants du campus ou des étudiants à lautre bout du monde. De plus,
Second Life inclut la possibilité d'utiliser des casques et des micros pour que les utilisateurs
puissent entendre les autres avatars de l'environnement d'apprentissage. Par conséquent, des
conférenciers peuvent être invités pour expliquer et promouvoir des techniques dentaires.
Enfin, Dental Education peut être utile pour les patients car il permet dinformer sur les
questions de santé, daméliorer la compréhension des traitements proposés et donc de mieux
les accepter.
Figure 28 : Illustration de lEVAH Second Life (Dental Education)
En implantologie, il existe de nombreux systèmes 3D qui permettent de réaliser de
la planification implantaire, c'est-à-dire de choisir les dimensions et le positionnement de
limplant à poser en fonction des caractéristiques du patient. Ces systèmes sont utilisés à
la fois dans le cadre de traitement de patient et à la fois et dans le cadre de la formation
(utilisation des scanners danciens patients pour mettre les étudiant en situation de
19
planification). Par exemple le système Robodent
20(Jabero et Sarment, 2006) permet, à
partir des informations numériques du scanner dun vrai patient, de visualiser en 2D les
images du scanner selon les trois axes de lespace, ainsi quune représentation 3D de la
mâchoire (Figure 29). Sur ces différentes vues, le dentiste peut repérer les structures
anatomiques importantes et faire des annotations. De plus, le dentiste a accès à une base
de données dimplants quil peut positionner à sa convenance. Une fois la planification
terminée, le système enregistre limage du résultat.
Figure 29 : Illustration du système Robodent
Ainsi, cette catégorie dEVAH à interaction « clavier-souris » fut la première à se
développer, car plus simple dun point de vue informatique. De plus, concernant la
conception, la littérature rapporte uniquement des liens entre expert métier et informaticien.
Enfin, il faut noter que ces EVAH ne permettent pas dapprendre des habiletés motrices. Cest
pourquoi des EVAH basés sur une interaction « modèle physique » ont été créés.
3.2) EVAH interaction « modèle physique »
Les EVAH basés sur une interaction avec un « modèle physique » allient les
avantages des simulateurs anatomiques (immersion et interaction avec environnement
réel, comme des mannequins par exemple) et les avantages des technologies numériques
(capteurs d'effort, de position, de pression, etc.). Ils sont dit « actifs » car ils prennent en
compte les actions de l'opérateur. Enfin, ils augmentent l'immersion de l'opérateur grâce
aux interfaces haptiques, graphiques (visualisation 3D) et acoustiques. Lobjectif de ces
EVAH est dapprendre des habiletés motrices et des connaissances.
20
Dans le monde dentaire, le système DentSim (Figure 210), développé par la
société DenX
21(Buchanan, 2001), correspond à ce type dEVAH. Ce système se compose
dune tête de mannequin, dune pièce à main, dune lumière, dune caméra infrarouge et
deux ordinateurs. Létudiant peut y préparer la planification dune dent, en obtenir une
image virtuelle et la comparer avec la planification idéale de lenseignant. De plus, la tête
de mannequin et la pièce à main contiennent des émetteurs infrarouges. Lordinateur va
donc connaître en temps réel la position et lorientation de la pièce à main et de la tête de
mannequin, ce qui lui permettra dévaluer les actions de lapprenant et de fournir des
feedbacks (Rose, Buchanan et Sarrett, 1999). Le système permet également denregistrer
les actions de lapprenant.
Figure 210 : Illustration du système DentSim développé par DenX
En implantologie, le système IGI (Image Guided Implantology), également
développé par la société DenX, a une double utilité. Dune part, il permet lenseignement
de la pose dimplant dentaire (Buchanan, 2001) sur mannequin en plastique. En effet, ce
système utilise la même technologie que le système DentSim, c'est-à-dire quil connaît la
position de loutil du dentiste et de la tête du mannequin grâce à un système de tracking de
mouvement (caméra infrarouge). Ainsi, lunité IGI est capable dévaluer les actions de
lapprenant en fonction de la planification réalisée. Dautre part, le système IGI est utilisé
sur des patients réels (Casap, Wexler, Persky, Schneider et Lustmann, 2004) pour aider les
dentistes dans leur intervention chirurgicale en améliorant la précision du geste et en
prévenant le dentiste sil séloigne trop de la planification (Figure 211).
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