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Le 31 janvier 2020, le Royaume-Uni a concrétisé sa sortie de l’Union européenne, à l’issue d’un processus long et difficile. Les conséquences s’en font sentir en Europe et en Grande-Bretagne, et pourraient s’avérer considérables. Au-delà de la sphère économique, elles affectent le devenir politique en Europe.

En janvier 2013, le Premier ministre britannique David Cameron a annoncé la tenue d’un référendum sur le main-tien du Royaume-Uni dans l’Union européenne. Il s’y sentait contraint pour lutter contre les opposants à l’UE au sein de son parti conservateur et de l’UKIP eurosceptique. Mais il ne s’attendait pas à ce que les Britanniques décident, le 23 juin 2016, à une majorité de 51,9 %, de quitter l’Union européenne. Le jour même, Cameron annonçait sa démis-sion. Theresa May lui a ensuite succédé au poste de Premier ministre. Après avoir échoué à plusieurs reprises avec sa proposition d’accord sur le Brexit auprès du Parlement britannique, elle a également quitté ses fonctions en mars

2019. En juillet 2019, Boris Johnson, ancien ministre des Affaires étrangères, l’a remplacée. Johnson a misé sur une sortie qui se ferait si nécessaire sans accord avec l’UE («Brexit dur»). Le point d’achoppement résidait dans le

«backstop», qui devait permettre d’éviter de rétablir des contrôles aux frontières entre la République d’Irlande (pays membre de l’UE) et l’Irlande du Nord (appartenant au Royaume-Uni) après le Brexit. Après que les parlements britannique et européen ont finalement approuvé l’accord en janvier 2020, le Royaume-Uni a quitté l’UE le 31 janvier 2020, après 47 ans en tant que pays membre.

Conséquences politiques et économiques du Brexit pour l’Europe

Conséquences politiques et économiques du Brexit pour l’Europe

Phase transitoire post-Brexit

Durant une phase transitoire de février au 31 décembre 2020, le Royaume-Uni devait continuer à respecter les règles de l’UE. Le risque d’un Brexit dur n’était cependant pas encore totalement exclu. Les négociations portant sur les points encore en débat malgré la ratification de l’accord de sortie se sont avérées extrêmement épineuses et por-taient, en décembre 2020, avant tout sur les trois théma-tiques de la concurrence loyale, des fonctions douanières et de la pêche. La veille de Noël, les deux instances ont cependant fini par se mettre d’accord sur des modalités de libre-échange et par exclure la possibilité d’un Brexit dur chaotique. Après un examen qui a duré plusieurs mois, le Parlement européen a approuvé l’accord commercial le 27 avril 2021. Ce dernier a pour principal objectif de garantir les échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l’UE, ainsi que d’éviter les droits de douane.

Répercussions économiques du Brexit

Les répercussions des laborieuses négociations relatives au Brexit étaient déjà palpables au milieu du mois de décembre 2020. Le chaos régnait aux frontières, avec d’interminables embouteillages de camions à Douvres. De nombreuses entreprises britanniques n’étaient pas préparées à gérer le surplus de procédures administratives et les nouvelles formalités frontalières. D’après les données d’Eurostat (autorité statistique de l’UE), les exportations européennes vers la Grande-Bretagne ont diminué de 20,2 % en janvier et février de cette année, chutant à 39,8 milliards d’euros.

Les exportations britanniques vers l’UE ont quant à elles baissé de 47 % pendant la même période à 16,6 milliards d’euros. D’après le Kieler Institut für Weltwirtschaft (IfW), ces reculs devraient s’atténuer dans les mois qui suivront.

On peut cependant craindre que le volume des activités commerciales ne revienne jamais au niveau observé avant le Brexit. De nombreuses entreprises britanniques ont res-tructuré leurs chaînes d’approvisionnement et de multiples PME ont mis un terme à leurs trans actions avec l’Union européenne. En Irlande du Nord, la modification des condi-tions-cadres a même occasionné en début d’année des

Évolution politique après le Brexit

Après 23 ans de paix en Irlande du Nord à la suite de l’Ac-cord de Belfast signé le 10 avril 1998 entre la République d’Irlande, le Royaume-Uni et les partis d’Irlande du Nord, de nouvelles violences risquent de se produire. Lors d’émeutes qui ont duré quelques jours au printemps de cette année, plus de 70 agents de police ont été blessés, et un bus a été volé et incendié. Ces débordements sont liés au «Protocole sur l’Irlande du Nord». Cette partie de l’accord sur le Brexit doit empêcher les contrôles aux fron-tières entre la partie nord de l’île et la République, membre de l’UE. Dans les faits, l’Irlande du Nord continue ainsi à faire partie du marché intérieur européen. En contrepartie, des barrières commerciales ont été mises en place entre cette région et le reste du Royaume-Uni. Les partis unio-nistes d’Irlande du Nord craignent désormais que cette dernière ne se rapproche de la République en raison de ces récents événements. À long terme, ils y voient la possibili-té d’une ouverture à une réunification. Les tensions en Irlande du Nord ont également conduit Arlene Foster, cheffe du gouvernement nord-irlandais, à quitter son poste de dirigeante du parti Democratic Unionist Party (DUP) et ses fonctions gouvernementales à la tête de cette province britannique.

L’une des répercussions politiques importantes du Brexit concerne en outre la possible indépendance de l’Écosse.

En 2014, un référendum s’y était déjà tenu et une majo-rité d’Écossais s’étaient prononcés en faveur d’un maintien au sein du Royaume-Uni. Les discussions relatives à l’in-dépendance se sont cependant poursuivies. Le choix du Brexit en 2016 a renforcé en Écosse la demande d’un nou-veau référendum populaire, d’autant plus qu’environ 62 % de la population de la région s’est déclarée favorable à un maintien dans l’UE. Le nouveau référendum sur l’indépen-dance est soutenu par le Parti national (SNP) et le Parti vert écossais. Nicola Sturgeon, cheffe du gouvernement écossais et présidente du SNP, souhaite organiser un nou-veau référendum sur l’indépendance, suite à la victoire électorale de son parti au mois de mai de cette année.

Brexit: depuis le 31 janvier 2020, l’Union européenne et la Grande-Bretagne empruntent des voies séparées (photo: le premier ministre britannique Boris Johnson et la chancelière allemande Angela Merkel).

Conséquences politiques et économiques du Brexit pour l’Europe

Cette décision s’avère cependant compliquée, dans la me-sure où elle nécessite l’accord du gouvernement britan-nique. Boris Johnson a déjà annoncé qu’il rejetterait la tenue d’un référendum. Dans ce cas, la Cour suprême du Royaume-Uni pourrait être amenée à prendre une décision.

Nous devons par conséquent attendre de voir si Nicola Sturgeon parviendra à imposer la volonté de son parti et à mettre en place un nouveau référendum. Les sondages actuels montrent que le nombre de partisans et d’oppo-sants est à peu près équivalent.

Répercussions sur l’Union européenne

Avec la sortie du Royaume-Uni, l’Union européenne perd un membre important. En 2019, le pays était le deuxième plus grand contributeur net au budget européen (environ 6,8 milliards d’euros), après l’Allemagne (environ 14,3 milliards d’euros). Dans les années à venir, les 27 États membres restants devront combler ce manque à gagner financier. À n’en pas douter, la contribution nette de l’Alle-magne devrait augmenter. Sur le plan politique, le Brexit soulève également des questions délicates pour l’UE. Cette dernière doit par exemple faire preuve de prudence quant à la question de l’indépendance écossaise. Il s’agit d’un conflit de politique interne, dans lequel l’UE ne doit pas se laisser entraîner. L’éventuelle tenue d’un deuxième référendum doit faire l’objet de négociations entre les gouvernements écossais et britannique, et éventuellement être tranchée par un tribunal. Du point de vue de l’UE, il est important que celui-ci se déroule conformément à la constitution et que l’indépendance soit déclarée en accord avec le gouvernement britannique. Dans le cas contraire, cela pourrait donner du grain à moudre aux mouvements séparatistes, comme en Espagne (Cata-logne). Une évo lution qu’il serait préférable d’éviter du point de vue européen. ■

Par Rolf Wetzer, analyste financier, et Corina Hennig, senior investment advisor

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