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Etude des sensibilités individuelles sur la perception d’un mélange accord (Exp. 2)

CHAPITRE 2 - DIFFÉRENCES INTERINDIVIDUELLES DE PERCEPTION DES MÉLANGES D’ODORANTS:

II. R ÉSULTATS

2. Etude des sensibilités individuelles sur la perception d’un mélange accord (Exp. 2)

2)

2.1. Test de typicité

Le test de typicité a été réalisé pour permettre de déterminer la stratégie perceptive individuelle (synthétique ou analytique) vis-à-vis de l’accord AB et donc de catégoriser les

b) a)

95 sujets participant à l’expérience en 2 groupes (synthétique ou analytique). Sur la totalité des sujets recrutés, le calcul le calcul des écarts de typicité a mis en évidence qu'environ la moitié de la population (53%; n = 67) percevait le mélange AB de façon synthétique (∆typA et B > 20%), contre 47% de façon analytique (n = 60). Cette répartition n'était pas liée au genre du sujet, puisque les groupes analytique et synthétique étaient équilibrés en femmes et hommes (respectivement 29/31 et 35/ 32). Elle n'était pas non plus expliquée par le facteur âge (F[1, 125] = 0,13 ; p = 0,72), ni par des capacités olfactives au vu des résultats du test ETOC (F[1, 125] = 0,58 ; p = 0,45).

2.2. Résultats globaux : Analyse en composante principale liant mode de perception, seuils et constantes de Stevens

Pour avoir une idée globale du lien potentiel entre les seuils, les exposants de Stevens et la répartition des sujets en groupes analytique et synthétique, une ACP a été réalisée sur l’ensemble des données. Elle aboutit à deux dimensions qui expliquent 48,34% de la variance totale (Figure 28).

Cette représentation montre que les deux groupes de sujets ne semblent pas être discriminés par les constantes de la loi de Stevens (n et k), car les ellipses représentants les intervalles de confiance à 95% sont fortement recouvrantes (Figure 28a). Par ailleurs, les vecteurs représentant les seuils (Figure 28b) sont dirigés dans le même sens que l’ellipse du groupe analytique (E), notamment sur la partie de l’ellipse qui ne recoupe pas avec celle du groupe synthétique. Les sujets du groupe analytique auraient donc potentiellement des seuils à A et à B plus élevés que le groupe synthétique.

Ainsi, seul le seuil de détection pourrait constituer un facteur susceptible d'influencer l'orientation analytique/synthétique de la perception du mélange AB par les sujets.

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Figure 28

Résultats de l'Analyse en Composante Principale pointant: a) la distribution des individus du groupe analytique (E; bleu foncé) et du groupe synthétique (S; bleu clair); et b) les variables explicatives constituées par le seuil de perception du constituant A (isobutyrate d'éthyle, seuil_A), le seuil de perception du constituant B (ethyle maltol, seuil_B), l’exposant de Stevens de A (n_A), l’exposant de Stevens de B (n_B), la constante k de la loi de Stevens pour A (k_A ) et pour B (k_B). La dimension 1 explique la repartition des individus à 28,0% et la dimension 2 à 20,3%.

2.3. Analyse détaillée des seuils de détection

Notre première hypothèse (HYP1) était que les sujets percevant le mélange de manière synthétique auraient des seuils de détection à A et B plus élevés que les individus percevant le mélange de manière analytique.

Les résultats ont révélé que les sujets du groupe analytique avaient en moyenne un seuil à A de 0,0018 ± 0,0024 et un seuil à B de 0,0042 ± 0,0037 (les seuils sont exprimés sous la forme de niveaux de dilution). Les sujets du groupe synthétique avaient eux un seuil moyen à A de 0,0011 ± 0,0017 et un seuil à B de 0,0031 ± 0,0024 (Figure 29). Une ANOVA à un facteur (groupe) sur les valeurs de seuils, réalisée séparément sur les deux constituants A et B, a montré un effet significatif du groupe sur le seuil de détection au constituant B (F[1, 125] = 4,12, p = 0,045) et une tendance pour le constituant A (F[1, 125] = 2,83 ; p = 0,09). Les sujets classés dans le groupe synthétique avaient un seuil moyen plus faible à B et étaient donc en moyenne plus sensibles à cet odorant que les sujets du groupe analytique. De même, des analyses de corrélations entre la moyenne des ∆typA et ∆typB et le seuil de détection individuel à A ou à B ont été réalisées. Une seule corrélation s'est avérée significative, une corrélation négative entre la moyenne des ∆typ et le seuil à B (r = -0,20 ; S = 389921 ; p =

97 0,027). Cela indique que les sujets qui ont évalué le mélange comme étant plus typique de l’ananas comparativement au constituant B (∆typ élevé), étaient plus sensibles au constituant B (seuil de détection bas pour B). Notre hypothèse n’a donc pas été vérifiée, mais au contraire c’est le résultat inverse qui a été obtenu, les sujets synthétiques ayant un seuil plus bas à B.

Figure 29

Seuils de détectionn (M±IC 95%) de l’isobutyrate d’éthyle (A) et de l’éthyl maltol (B) pour les groupes de sujets préalablement catégorisés comme percevant le mélange AB de façon analytique (bleu foncé) ou synthétique (bleu clair).

Notre deuxième hypothèse (HYP2) portait sur le fait qu’un ratio particulier des seuils A/B pourrait favoriser l'un ou l'autre des modes de perception.

Dans les faits, il s'est avéré que le groupe analytique avait un ratio de seuil (A/B) de 0,42 ± 0,56, alors que pour le groupe synthétique ce ratio était de 0,72 ± 2,43. Comparés par une ANOVA, ces ratios ne se sont pas révélés différents (F [1, 125] = 0,85 ; p = 0,36). Ainsi, notre seconde hypothèse n’est pas validée. De façon étonnante l’erreur standard sur la mesure pour le groupe synthétique est beaucoup plus importante que pour le groupe analytique, ce qui va à l’encontre de notre hypothèse prédisant un ratio particulier de seuils pour tous les sujets du groupe synthétique.

98 2.4. Analyse détaillée des exposants de Stevens

Notre troisième hypothèse (HYP 3) visait à expliquer le type de perception du mélange AB par l’acuité des sujets à percevoir les variations de concentration des odorants estimées par l’exposant de Stevens (n). Cette hypothèse stipulait que les sujets synthétiques auraient un exposant plus faible comparativement aux sujets analytiques et percevraient donc moins les variations de concentrations comme des variations d’intensité.

La modélisation par régression non-linéaire des données d’intensité perçue a aboutit pour l'odorant A à un exposant (n) de 0,22 (k = 60,1) chez les sujets analytiques, et de 0,20 (k = 63,4) chez les synthétiques. Dans le cas de l'odorant B, il était respectivement de 0,17 (k = 21,3) et 0,20 (k = 25,5) chez les analytiques et les synthétiques (Figure 30). Une ANOVA à 3 facteurs (modèle mixte, lme ;groupe et odorant en effets fixes et sujet en effet aléatoire) a été réalisée sur les valeurs d’exposants de Stevens, mais a révélé qu’aucun des deux facteurs groupe et

odorant n’était significatif (F[1, 125] < 1,44 ; p > 0,23). Une ANOVA identique, mais réalisée sur les valeurs de la constante k de la loi de Stevens, a montré un effet significatif du facteur

odorant: l’odorant A présentait une constante k plus élevée que l’odorant B et ceci indépendamment du groupe de perception (F[1, 125] = 267,67 ; p < 0,0001). Cela signifie que pour les mêmes valeurs de concentrations, dans la mesure où l’exposant de Stevens n’a pas été trouvé comme différent, l’intensité perçue de A serait donc systématiquement plus élevée que celle de B (Figure 30)

Au final, il semble que ni l’exposant de Stevens (n), ni la constante k n’expliquent la répartition des sujets au sein des groupes synthétique ou analytique, infirmant donc l’hypothèse 3.

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Figure 30

Droites représentant la perception de la variation d’intensité en fonction d’une variation de concentration de l’odorant A ou de l'odorant B pour les groupes percevant le mélange AB de façon analytique ou synthétique.