• Aucun résultat trouvé

Etude préliminaire du transfert en phase aqueuse des hybrides BiFe

1-Introduction

1-1-Contexte

Dans le domaine biomédical, l’utilisation de nanomatériaux hybrides présentant des propriétés attrayantes (magnétiques, optiques), facilement fonctionnalisables et capables d’interagir au niveau moléculaire dans le corps humain présentent un potentiel énorme pour des applications thérapeutiques et diagnostiques. Par exemple, les nanoparticules magnétiques, et plus communément les nanoparticules superparamagnétiques d’oxydes de fer (SPION, SuperParamagnetic Iron Oxyde Nanoparticle) sont des hybrides IO, très bons candidats pour des applications in vitro et in vivo comme par exemple le marquage de biomolécules pour dosage, comme agent de contraste en IRM (Imagerie par Résonance Magnétique) ou comme agent thérapeutique pour l’hyperthermie.1, 2 De plus, les SPION enrobés de dextrane (polysaccharide) ont même étés approuvés par la FDA (US Food and Drug Administration), l’équivalent de l’ANSM en France, pour des applications biomédicales, les études réalisées in vitro et in vivo ne présentent pas de sévères effets toxiques, le fer étant naturellement présent dans l’organisme.3

1-2-Plateformes multimodales

Actuellement, l’un des axes majeurs est le développement d’hybrides IIO permettant à la fois le diagnostique, le ciblage, et la thérapie (théranostic).4

Parfois l’utilisation d’une seule technique d’imagerie ne permet pas d’obtenir suffisamment d’informations sur l’état du patient ou sur les marqueurs préfigurant une maladie, motivant la recherche de plateformes multimodales (par exemple : imagerie IRM couplée à l’imagerie de fluorescence ou à l’imagerie par rayons X). Nous retiendrons dans le cadre de cette étude, l’intérêt pour des hybrides combinant en leur sein, un domaine permettant le diagnostique par IRM, la capacité d’absorber les RX et bien entendu la possibilité de modifier la couche organique (pour augmenter la stabilité en milieu physiologique et vectoriser l’hybride spécifiquement sur des cellules ou des tissus).

L’un des systèmes hybrides IIO de ce type, décrit dans la littérature comme étant le plus prometteur, est celui combinant l’or et le fer. Ces deux métaux présentent tous deux une bonne biocompatibilité et sont respectivement des hybrides IO prometteurs en imagerie de

rayons X (plus précisément en imagerie par tomographie axiale assistée par ordinateur ou CT, Cf. annexe VI) et en IRM. De plus, les nanoparticules d’or présentent une chimie de surface bien connue et peuvent être fonctionnalisées notamment à l’aide de ligands thiolés.

Rappelons que depuis les années 50, c’est l’iode sous forme moléculaire qui est couramment utilisé pour améliorer le contraste CT. Néanmoins, l’absorption des RX par cet élément reste limitée, de même que le temps de rétention de cet élément dans l’organisme (pouvant causer des problèmes rénaux) et enfin le contraste est limité sur des patients souffrant d’obésité. L’or, 2,7 fois plus absorbant que l’iode (à 100 keV), devrait permettre de réduire la dose de RX infligée au patient. L’étude comparative, menée par Hainfield et al., entre des nanoparticules d’or de 1,9 nm de diamètre et un agent de contraste moléculaire iodé a clairement montré un gain de contraste sur une durée plus longue (tests d’imagerie d’absorption des RX in vivo sur la souris)5. Plus récemment, Kim et al. ont rapporté la synthèse et l’étude d’hétérodimères Fe3O4-Au en tant qu’agent multimodal IRM/CT. Là

encore, les études réalisées en imagerie CT montrent clairement une amélioration du contraste par rapport aux agents iodés commerciaux. Son efficacité en IRM, ainsi que les tests réalisés in vitro sur des souris suggèrent que cet hétérodimère est un bon candidat pour la détection multimodale du cancer du foie.6

Alternativement, les alliages FePt, combinant le superparamagnétisme et l’absorption des RX par le platine, ont été envisagés par Chou et al.. Des hybrides FePt de 3, 6 et 12 nm ont été synthétisés par le procédé polyol en décomposant Pt(acac)2 et Fe(CO)5 entre 240 et 297°C.

Puis après lavage dans l’éthanol, des anticorps de souris ont été greffés sur les particules. Les tests réalisés in vitro suggèrent une bonne compatibilité cellules/hybrides FePt. Les tests in vivo sur les souris montrent d’une part une élimination totale des particules une semaine après injection et d’autre part, que les hybrides fonctionnalisés peuvent cibler préférentiellement des cellules spécifiques largement plus exprimées dans les lésions tumorales et améliore le contraste en IRM et en CT.7

1-3-Avantages et inconvénients du système Bi@Fe

Dans ce contexte, les hybrides à cœur Bi@Fe présentent de nombreux avantages, liés à leur structure de cœur originale et à leur surface fonctionnalisable.

Le bismuth absorbe les RX plus efficacement que l’iode et pourrait permettre, tout comme les agents de contraste à base d’or, d’améliorer les performances de la CT. Peu toxique et moins

cher que l’or, le bismuth est pressenti pour de nombreuses applications médicales et présente également l’avantage d’avoir une chimie de biocoordination largement documentée. Ainsi, Bi3+ peut se lier aux protéines (transferrine, lactoferrine) mais également aux peptides (cystéine, glutathione), cette potentialité de fonctionnalisation est un atout pour permettre une vectorisation des hybrides.8, 9 Toutefois, il existe encore peu d’exemples impliquant le bismuth comme agent de contraste. Rabin et al. ont rapporté la synthèse de sulfure de bismuth (Bi2S3) à cette fin. Ainsi, des nanoparticules de Bi2S3 de forme parallélépipédique (10 à 50

nm de côté et de 3 à 4 nm d’épaisseur) ont été tout d’abord synthétisées par précipitation de citrate de bismuth et de NaS en présence de ligands thiolés. Dans un deuxième temps, les nanocristaux ont été recouverts d’un polymère, la polyvinylpyrrolidone (PVP), qui a pour effet de solubiliser les particules en milieu physiologique et de stabiliser la solution pendant des mois. Des tests in vivo sur des souris, ont permis de déterminer un temps de rétention dans le sang (demi-vie) de 140 min pour ces hybrides (10 min pour les composés moléculaires iodés commerciaux). Après deux mois, aucune trace de bismuth n’a pu être observée chez la souris par CT.10 Une autre méthode pour obtenir des nanoparticules de Bi2S3 monodisperses

de 3 nm a été reprise par Ai et al., et consiste à injecter un mélange de thioacétamide et d’oléylamine dans une solution à 150 °C de neodécanoate de bismuth, d’octadécane et d’acide oléique. De même que dans l’exemple précédent, l’adsorption de la PVP à la surface des nanoparticules permet d’obtenir des hybrides IIO solubles et stables dans du sérum physiologique pendant plus d’un mois, aucune lixiviation de Bi3+ n’a pu être détectée par ICP- MS. Les tests in vitro et in vivo présentent un meilleur contraste par rapport à l’Iobitridol (agent de contraste iodé). La faible toxicité vis-à-vis des cellules a été mise en évidence et aucun signe de lésions n’a pu être décelé sur les principaux organes des souris à moyen termes (1 mois après injection des nanoparticules Bi2S3-PVP).11

La CT est une technique puissante mais le diagnostic est parfois rendu difficile par la présence de fortes atténuations dues à des phénomènes autres qu’une réelle anomalie physiologique (e.g. dépôts de calcium). Pour palier ce problème, le développement récent de la tomographie spectrale (CT en couleur) offre une meilleure sensibilité grâce à la distinction des seuils K de différents éléments. De plus, cette nouvelle CT permet notamment de détecter sélectivement le bismuth, comme montré dans le cas des hybrides formés de complexes de n- décanoate de bismuth encapsulés par une membrane de tensioactifs : les NanoK,12 renforçant encore l’intérêt de cet élément en diagnostic.

D’autre part, et comme cité précédemment, les hybrides magnétiques à base de fer, et notamment les SPION, sont de bons agents de contraste en IRM. Sous un champ magnétique extérieur constant, ils induisent localement un champ magnétique inhomogène qui perturbe la relaxation des protons aux alentours. Ceci a pour effet de diminuer les temps de relaxation longitudinal, T1, et transversal, T2 (en fonction de la taille et de l’état de surface des SPION) et d’augmenter le contraste plus efficacement que les complexes chélates de gadolinium utilisés couramment comme agent de contraste de type T1. Cette efficacité est quantifiée en comparant les relaxivités longitudinale et transversale (respectivement R1 et R2 en mmol-1.s-1)

induites. Ri est inversement proportionnelle au temps de relaxation Ti. R2 peut notamment

être défini selon l’équation ci-dessous, où NA est le nombre d’Avogadro, M est la

concentration molaire (mole.L-1), µc est le moment magnétique de la nanoparticule, D le coefficient de diffusion des molécules d’eau, r le rayon de la nanoparticule et γ le rapport gyromagnétique nucléaire du proton.

Ainsi, la relaxivité transversale est directement reliée au carré du moment magnétique de la nanoparticule et est inversement proportionnelle à son rayon. Le moment magnétique augmentant avec le volume de la nanoparticule (donc avec le rayon au cube), la relaxivité R2 augmente avec la taille de celle-ci.1 Les tailles de SPION étudiées pour les applications in vivo varient entre 3 et 20 nm. Par exemple, l’effet de taille des SPION sur le temps de relaxation T2 a été étudié par Jun et al. sur des nanoparticules monodisperses de Fe3O4 de

tailles comprises entre 4 et 12 nm synthétisées à partir de Fe(acac)3 selon le procédé polyol.

L’aimantation à saturation est dépendante de la taille et varie entre 25 et 120 A.m2.kgFe-1, ce

qui induit une dépendance sur le temps de relaxation T2. Ainsi plus l’aimantation augmente plus T2 diminue et meilleur est le contraste. A 1,5 T, la relaxivité R2 augmente avec la taille et est comprise entre 78 et 218 mmol-1.s-1.13

Une autre approche pour améliorer le contraste et la sensibilité consiste à préparer des nanoclusters par une agglomération de petites particules magnétiques, augmentant ainsi la taille magnétique de l’objet. Ainsi, des SPION de 4 nm encapsulées dans des micelles polymériques de 17 nm d’une relaxivité initiale R2 de 25,1 mmole-1.s-1 à 1,5 T, voient leur relaxivité augmenter de presque sept fois, une fois encapsulées dans des micelles

polymériques de 75 nm.14 De même la relaxivité transversale augmente avec la taille des clusters : des clusters constitués de nanoparticules d’oxyde de fer de 6,3 nm voient leur valeur de R2 doubler lorsque la taille des clusters passe de 70 à 170 nm.15

De par leur forte aimantation, les nanoparticules de fer métallique sont de bons candidats comme agent de contraste pour l’imagerie pondérée en T2. Cela dit, elles sont très instables à l’air et s’oxydent directement en magnétite, puis en maghemite. Récemment, des hybrides IIO de type cœur-coquille Fe@Fe3O4 stables à l’air ont été décrits. Ces nanoparticules présentent

des propriétés superparamagnétiques ou ferromagnétiques douces à température ambiante et des champs coercitifs faibles.16, 17 De ce fait, les interactions dipolaires entre les nanoparticules sont faibles et permettent d’obtenir des solutions colloïdales stables dans l’eau après une fonctionnalisation de surface adéquate. Leurs valeurs d’aimantation à saturation sont évidemment plus fortes que pour les SPION, ce qui entraîne une augmentation de la relaxivité R2.

De même, la structure cristalline peut influer R2, ainsi Lacroix et al. ont pu observer une valeur de R2 trois fois plus grande pour des hybrides Fe-α@Fe3O4 par rapport à

Feamorphe@Fe3O4 de même taille (15-16 nm).18

Ainsi, pour disposer de plateformes bimodales d’imagerie, des hybrides combinant l’absorption du bismuth et le ferrimagnétisme de Fe3O4 ont été développés. Comme évoqué

dans le chapitre 3, Andrés-Vergés et al. ont synthétisé des cœur-coquille magnétite@oxyde de bismuth par co-précipitation de sels de fer et de bismuth. La combinaison de ces deux oxydes au sein d’un même objet offre les caractéristiques requises pour une nouvelle génération d’agents de contraste multimodaux à base bismuth pouvant potentiellement être utilisés en IRM et en CT et ouvrant la porte à la théranostique.4

En comparaison, l’ordre chimique de l’échantillon 3-5 présenté au chapitre 3 est inversé. L’ordre chimique Bi@Fe est idéal pour une application multimodale combinant IRM et CT, la présence de fer à la surface, sous forme d’une agglomération de nanoparticules, offrant potentiellement une diminution du contraste T2 en IRM. Du point de vue de la toxicité, le bismuth faiblement toxique est idéalement placé au cœur de la particule, ainsi le relargage de Bi3+ par lixiviation semble a priori limité. D’autre part, après fonctionnalisation et transfert dans l’eau, on peut attendre la formation d’une coquille de fer oxydée et passivante en surface de ces hybrides. L’oxyde de fer ayant pour caractéristique d’être potentiellement bien toléré par l’organisme, c’est un nouveau point en faveur du développement de cet hybride IIO pour des applications biologiques.

1-4-La partie « O » des hybrides IIO

Malgré leurs avantages, l’avènement et l’utilisation de nanoparticules dans le diagnostic et le traitement des maladies exige de franchir de nombreux obstacles en termes de vectorisation, furtivité ou encore toxicité. Les prérequis pour le développement de nanohybrides destinés aux applications biomédicales sont, notamment, la nécessité de développer des méthodes simples et contrôlables pour modifier leur chimie de surface et minimiser leur toxicité, comprendre la réactivité et les changements subis par les nanoparticules in vitro et in vivo et étudier les effets à long terme sur l’organisme.19

A cet effet, de gros efforts sont actuellement fournis pour fonctionnaliser les nanomatériaux hybrides afin de les rendre solubles en milieu physiologique, améliorer la biosélectivité et la cytotoxicité. En effet, la réponse biologique aux nanomatériaux, notamment le mécanisme d’absorption cellulaire, va dépendre de nombreux paramètres incluant les propriétés physico- chimiques telles que la taille, la forme, la physico-chimie de surface mais également les interactions entre les nanoparticules et les différents types de cellules. In vivo, ces interactions vont être influencées, entre autres, par les protéines plasmatiques (transferrine, albumine, anticorps), les lipides, les sucres.

Dans ce contexte, nous présenterons au cours de ce chapitre notre démarche modeste pour fonctionnaliser les nanoparticules présentées dans ce manuscrit, afin tout d’abord de les rendre solubles dans l’eau.

Les ligands utilisés pour la fonctionnalisation sont des dérivés du galactose synthétisés en collaboration avec l’équipe du professeur Chung-Chen Lin à Taiwan. Les études préliminaires de fonctionnalisation de nanoparticules Fe@Rh et Co@Rh3 conduites dans notre équipe par

Nabil Atamena nous ont permis de sélectionner les caractéristiques idéales pour ces ligands. Alors que ces hybrides IIO, à cœur magnétique de petites tailles (<2 nm), sont à la base de l’étude sur la synthèse de nanoparticules de fer par réduction avec iPr2NHBH3 présentée au

chapitre 2, et présentent un potentiel important pour la catalyse, nous nous focaliserons dans notre cas sur la fonctionnalisation d’un tout autre système : l’hybride IIO Bi@Fe (i.e.

échantillon 3-5) dont la taille (150 nm), la chimie de surface sont différentes et dont les

caractéristiques, comme nous venons de le voir, laissent envisager un potentiel dans le domaine biomédical.

2-Fonctionnalisation des hybrides IO et IIO et