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2-1-Réducteurs pour la synthèse de nanoparticules

De formules RR’NHBH3 (avec R et R’= H ou groupement alkyle) les amine-boranes sont des

adduits de Lewis stables à température ambiante et, pour la plupart, relativement stables à l’air et à l’humidité. L’intérêt pour les amine-boranes tient aussi dans la possibilité de modifier leurs solubilités et leurs réactivités. Ainsi, l’amine borane le plus simple NH3BH3 est

très soluble en milieu polaire et a notamment été utilisé pour produire des agrégats de petites nanoparticules d’oxydes de fer d’environ 3 nm par réduction de FeSO4 dans l’eau.13 A

l’inverse, les amine-boranes alkylés ont l’avantage d’être solubles dans les solvants apolaires. Par exemple Zengh et al. ont utilisé tBuNH2BH3 pour synthétiser des nanoparticules

monodisperses d’or dans le benzène ou le toluène. 14 Ainsi, la réduction de AuPPh3Cl dans le

benzène en présence de ligands thiols donne des nanoparticules d’or monodisperses de tailles ajustables entre 5 nm et 8 nm suivant la température comprise entre 25 °C et 100 °C. Dans le cas de la synthèse de nanoparticules d’or, l’apport des amine- boranes est important en terme de dispersion en taille comparé aux synthèses classiques monophasiques utilisant les borohydrures comme réducteurs. En effet, les amine-boranes sont des réducteurs plus doux que NaBH4 et LiBH4, leurs vitesses de réaction est plus lente ce qui permet un meilleur

contrôle vis-à-vis des étapes de nucléation et de croissance lors de la réduction, conduisant ainsi à l’obtention de nanoparticules monodisperses. La réactivité des amine-boranes peut également être modulée suivant les groupements alkyles greffés sur l’azote. En effet, plus l’amine borane est alkylé plus son pouvoir réducteur va diminuer. Dans le cas de la réduction de AuPPh3Cl, le morpholine-borane a un pouvoir réducteur plus faible que tBuNH2BH3 qui

lui même est moins efficace que NH3BH3.

Récemment, la réactivité de iPr2NHBH3 vis-à-vis de Zn[N(SiMe3)2]2, Zn(Cy)2 et

du complexe Zn[N(SiMe3)2]2 par iPr2NHBH3 a été proposé en se basant d’une part sur les

expériences TEM, WAXS et RMN (1H, {1H}13C, 11B et 19Si) montrant la présence de diisopropylaminoborane (iPr2NBH2) en fin de réaction et d’autre part sur les travaux de

Keaton et al. concernant l’interaction entre le complexe Ni(COD)2 et NH3BH3.15, 16 Nabil

Atamena a également étudié le volume de dihydrogène libéré lors de la réaction entre Fe[N(SiMe3)2]2 et 2 équivalent d’iPr2NHBH3 et ses travaux indiquent qu’un équivalent de H2

est libéré.

Le mécanisme de la réaction entre Fe[N(SiMe3)2]2 et iPr2NHBH3 envisagé ci-dessous (fig. 2-

1) est donc inspiré de ces études et est susceptible d’emprunter deux voies différentes. Soit il y a réaction concertée : l’hydrure de BH3 est transféré sur l’atome de fer et, simultanément,

l’azote est déprotoné libérant ainsi de l’HMDS et du diisopropylamino borane (iPr2NBH2)

pour former le complexe A d’hydrure de fer FeH[N(SiMe3)2]. Soit l’un des groupements

HMDS est substitué par l’amine borane suivi d’un transfert d’hydrure intramoléculaire, la libération de iPr2NBH2 conduisant également au complexe A. Cet intermédiaire réagit avec

un deuxième équivalent d’ iPr2NHBH3 pour former un dihydrure qui, après élimination

réductrice de H2, formera des atomes de fer (0) : briques élémentaires des nanoparticules.

Figure 2-1 : Mécanisme de réaction entre Fe[N(SiMe3)2]2 et iPr2NHBH3 proposé par

Selon ce schéma, le complexe iPr2NHBH3 est donc, a priori, un réducteur « propre »

puisque : 1) cet amine-borane possède des groupements isopropyl encombrants qui empêchent la formation de composés de types oligomères ou polymères,17 l’aminoborane formé, volatil, est normalement facile à éliminer ; 2) les autres sous-produits de la réaction (H2, HMDS) sont soit volatils et éliminables, soit sont sans effet sur les propriétés des objets

formés.

La réduction du complexe de fer s’accompagne donc de la déshydrogénation de l’amine- borane, réaction qui peut en outre être catalysée par des nanoparticules métalliques, comme décrit ci-dessous.

2-2-Catalyse de déshydrogénation d’amine-boranes en milieu non-aqueux.

L’amine borane le plus simple NH3BH3, est un solide blanc stable et non toxique, avec une

teneur en hydrogène « stocké » de 19,6% en masse. Sa capacité à libérer du dihydrogène a donc placé NH3BH3 au centre des études liées au domaine de l’énergie. Toutefois, par simple

décomposition thermique, les températures à atteindre pour extraire la quantité optimale de H2

sont trop hautes (110, 150 et 1400 °C respectivement pour les 1èr, 2ème et 3ème équivalent d’H2). Un gros effort a donc été dédié à la recherche de catalyseurs adéquats (i.e. permettant

une cinétique rapide de libération de H2 à température ambiante, évitant la formation de sous-

produits…) pour extraire le dihydrogène des amine-boranes.18, 19

Il est important de souligner qu’il existe actuellement deux stratégies pour libérer du dihydrogène à partir des complexes amine-boranes. L’une concerne particulièrement l’hydrolyse de NH3BH3, par ailleurs très soluble dans l’eau. Cette réaction permet de libérer 3

équivalents d’H2 à température ambiante, lorsque catalysée par des sels métalliques. Elle peut

être formulée de la façon suivante :

NH3BH3 + 2 H2O métal / t.a. NH4+ + BO2- + 3 H2

L’autre méthode consiste à catalyser la déshydrogénation de NH3BH3 ou d’autres amine-

non-aqueux. Le processus peut être homogène ou hétérogène. Dans ce dernier cas, des nanoparticules formées par réaction entre le complexe organométallique et l’amine-borane sont responsables de l’activité catalytique.

Etant données les conditions de synthèse de nos particules de fer, absence d’eau et d’oxygène, seule une catalyse de déshydrogénation est à envisager. Nous détaillerons ci-après les points principaux connus à ce jour.

Figure 2-2 : Exemple de schéma réactionnel de déshydrogénation d’amine borane par un complexe d’Iridium.20

Il existe de nombreux catalyseurs homogènes permettant la déshydrogénation de l’amine borane, cependant en termes d’activité les systèmes hétérogènes formés de nanoparticules sont plus efficaces du fait notamment d’une accessibilité des sites catalytiques plus grande. Zahmakiran et al. ont démontré l’efficacité de particules de Rh et de Ru dans la déshydrogénation du diméthylamine borane (DMAB) en comparaison aux résultats de Manners et al. relatifs à d’autres systèmes hétérogènes. Concernant le système rhodium, de fines particules de 1,9 nm sont formées lors des premières étapes de réaction entre le précurseur Rh(hexanoate)2 et le DMAB, dont l’excès est à son tour déshydrogéné pour former

le dimère cyclique [Me2NBH2]2. Ces particules de rhodium montrent une très bonne activité,

cependant elles ne sont ni isolables, ni réutilisables du fait du manque de stabilité des colloïdes.21 Afin d’améliorer ces derniers points, Mehmet Zahmakiran au sein de notre équipe a préformé des nanoparticules de ruthénium stabilisées par l’APTS (3- aminopropyltriethoxysilane) en réduisant Ru[(COD)(COT)] sous pression d’H2 à température

ambiante dans le THF. La présence d’APTS comme tensioactif permet de stabiliser la solution colloïdale. Après addition de DMAB à la solution colloïdale de ruthénium, la déshydrogénation démarre instantanément à température ambiante. Après conversion complète et libération d’un équivalent d’H2, le catalyseur peut être isolé et conservé pour une

utilisation ultérieure : les nanoparticules de ruthénium conservent 90% de leur activité à la 3ème utilisation.22

Ces systèmes démontrent une activité catalytique très forte à température ambiante, toutefois les préoccupations concernant le coût lié à l’utilisation de métaux nobles ont redirigé les recherches vers les métaux de transition plus courants (Fe, Ni, Co, …) donc moins onéreux et idéalement aussi efficaces.

He et al. ont développé une méthode de déshydrogénation de l’amine borane à l’état solide. Elle consiste à coprécipiter des chlorures métalliques (CoCl2 ou NiCl2) en les ajoutant à un

mélange NH3BH3/THF. Après réduction du précurseur par l’amine-borane en excès et

évaporation rapide du THF, les nanoparticules d’une taille variant de 2,5 à 3 nm, bien dispersées, sont en contact direct avec l’amine borane. L’amine-borane ainsi dopé par les nanoparticules peut se décomposer à des températures plus faibles (59°C).23

En étendant cette méthode à la coprécipitation de FeCl3, He et al. ont pu mettre en évidence

par spectrométrie Mössbauer que la décomposition de l’amine-borane conduit en fait à la formation d’alliages FeB.24

Ces exemples montrent non seulement que NH3BH3 tout comme NaBH4 peut agir comme un

réducteur vis-à-vis des précurseurs métalliques mais aussi que des composés de types borures peuvent être formés.25 Certains travaux suggèrent aussi le rôle des borures dans la formation d’adduits intermédiaires plus stables entre la surface de la particule et l’amine borane ce qui permettraient d’augmenter l’activité catalytique pour la déshydrogénation de NH3BH3 et

NaBH4, pour les borures de fer, de cobalt et de nickel, en milieu aqueux toutefois. 13, 26, 27

Ces structures amorphes de borures métalliques semblent améliorer l’activité catalytique par rapport à des nanoparticules de fer pur et diverses simulations parviennent à cette même conclusion. Ainsi, le calcul ab initio de la réaction de déshydrogénation de NH3BH3 par

interaction avec un borure de fer en phase gazeuse montre que dans un premier temps FeB forme un complexe stable avec l’amine borane en formant une liaison B-H-Fe. Cette interaction induit une activation des liaisons BH et NH qui s’allongent. Deux états de transition ont été déterminés. Dans le plus favorable (TS1), après transfert d’hydrure de BH3

vers Fe, l’état de transition est stabilisé par des interactions électrostatiques ce qui n’est pas le cas pour TS2. La présence de FeB réduit la barrière énergétique qui conduit à une déshydrogénation intramoléculaire pour former de l’aminoborane NH2BH2 qui à son tour

Figure 2-3 : Simulation en phase gazeuse du mécanisme de déshydrogénation de NH3BH3

sans ou avec présence de FeB.23

D’autres simulations s’accordent pour corroborer le fait que la déshydrogénation de NH3BH3

ou d’amine boranes conduit à la formation d’aminoboranes.17, 28 Toutefois le devenir de l’aminoborane en présence de borure de fer n’est pas aussi trivial que le suggère la figure précédente et reste encore à élucider dans bien des cas. Ne serait-ce qu’en absence de catalyseur, Zimmerman et al. ont réalisé des simulations en phase gazeuse qui suggèrent le rôle de l’aminoborane dans la décomposition de l’amine borane. Ainsi, NH3BH3 et NH2BH2

formeraient des dimères linéaires susceptibles de se décomposer pour former de l’aminoborane et des oligomères en un cycle autocatalytique.29

L’ensemble de ces données soulève la question de l’incorporation de bore lors de la synthèse de nanoparticules de fer à l’aide d’amine-boranes, mise en œuvre par exemple lors de la synthèse de nanomatériaux hybrides Fe@Rh, et plus généralement de la pertinence de cette famille de réducteurs pour la synthèse de nanoparticules de métaux de transition tels que Fe, Co et Ni qui forment très facilement des alliages avec le bore dont les propriétés diffèrent fondamentalement de celles de l’élément pur.