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1.2.1 Objectifs

L’étude des évolutions microstructurales des aciers perlitiques à travers l’utilisation de tech-niques de caractérisation indirectes apparait à priori très délicate, notamment du fait de la complexité de la microstructure. L’idée de cette étude de principe, réalisée sur un acier ultra-bas carbone, est d’analyser l’influence de la déformation plastique au cours du tréfilage en s’affran-chissant des effets directement liés à la microstructure particulière de l’acier perlitique tels que l’alignement lamellaire ou encore la décomposition de la cémentite. En effet, contrairement à l’acier perlitique, l’acier ultra-bas carbone possède pour sa part une microstructure monophasée ferritique du fait de sa faible teneur en carbone (50 ppm). Par la suite, bien que les microstruc-tures soient différentes et que les effets de la déformation plastique puissent légèrement différer d’un acier à l’autre, les résultats de cette étude permettront de faciliter l’analyse des courbes de

(a)

(b)

(c)

Figure III.1: Evolutions (a) du PTE, (b) de la résistivité électrique et (c) du fond de FI athermique (mesuré à haute fréquence et à température ambiante) en fonction de la déformation rationnelle appliquée au cours du tréfilage.

Identification des mécanismes métallurgiques mis en jeu au cours du tréfilage par techniques indirectes

la figure III.1.

1.2.2 Mécanismes mis en jeu au cours du tréfilage d’un acier ultra-bas carbone et leurs effets prévisibles sur le PTE, la résistivité et le fond de frottement intérieur

La déformation plastique d’un acier ultra-bas carbone s’accompagne de plusieurs mécanismes responsables des évolutions microstructurales de l’acier. Une synthèse de ces mécanismes ac-compagnés de leurs effets sur les différentes propriétés étudiées est réalisée dans la suite de ce paragraphe.

Le premier phénomène qui vient à l’esprit lorsque nous abordons la déformation plastique d’un métal est l’introduction de dislocations. Plus la déformation imposée à l’acier est importante plus la densité de dislocations sera élevée. D’après ce qui a été vu au chapitre II, l’introduction de dislocations aura tendance à diminuer la valeur du PTE de l’acier, alors qu’elle engendrera au contraire une augmentation de la résistivité électrique. Concernant le fond de frottement intérieur, ce dernier est généralement défini comme étant proportionnel au produit ΛL2, où Λ est la densité de dislocations et L, leur longueur libre moyenne. Ainsi, une introduction de défauts linéaires dans la microstructure engendrerait une augmentation de Λ et donc devrait théoriquement provoquer une augmentation du FI.

La déformation plastique des aciers entraine aussi le développement d’une texture d’écrouis-sage. Comme mentionné au chapitre I, le tréfilage des métaux cubiques centrés tels que les aciers ultra-bas carbone et les aciers perlitiques, entraine l’apparition d’une texture de fibre de type <110>, que l’on retrouve aussi dans le cadre du laminage. D’après la littérature, cette textu-ration de la microstructure n’a pas d’influence sur les mesures de PTE [JOU 96]. Concernant la résistivité électrique, des études [BOA 50, BRO 51] ont pu montrer que cette propriété ne présentait pas ou très peu d’anisotropie dans les aciers cubiques centrés, indiquant ainsi qu’elle ne devrait pas être sensible à la texture. Enfin, aucune étude au sujet de l’effet de la texture sur le fond de frottement intérieur n’a été relatée dans la littérature. Toutefois, nous avons vu au chapitre II que le fond de frottement intérieur athermique était lié à l’interaction entre les dislocations mobiles et les atomes de carbone en solution dans la ferrite. Les conditions ex-périmentales (température ambiante et haute fréquence) nous permettent d’avancer que seules les dislocations de type coin peuvent être responsables de ce fond, puisque le mouvement des dislocations de type vis n’apparait qu’à plus haute température, avec la relaxation de Snoek-Koster (chapitre II). Les dislocations coin présentant des plans de glissement bien définis, il est concevable que la texture puisse avoir un effet sur le fond de frottement intérieur. Toutefois, le nombre important de plans de glissement disponibles dans le cas des métaux cubiques centrés nous amène à faire l’hypothèse que cet effet, s’il existe, peut être considéré comme modeste. Nous ferons donc par la suite l’hypothèse que cet effet est négligeable.

Enfin, la déformation plastique par tréfilage ou laminage entraine également un affinement de la microstructure accompagné d’un allongement des grains dans la direction de déformation, de sorte que la densité volumique de joints de grains augmente avec l’écrouissage. Or, il a été montré dans la littérature [AND 69], dans le cas du cuivre et de l’aluminium, que cet accroisse-ment de la densité de joints de grains donnait lieu à une augaccroisse-mentation de la résistivité électrique du matériau du fait de leur résistance spécifique. Par analogie, l’affinement de la microstructure au cours de la déformation plastique des aciers ultra-bas carbone devrait aussi provoquer une augmentation de la résistivité électrique. De la même façon, l’évolution de la densité de joints

de grains pourrait avoir un effet sur le PTE de l’acier du fait de l’influence des ces derniers sur les propriétés de transport électrique. Toutefois, seule une étude concernant cet effet sur le PTE d’un acier austénitique a pu être trouvée dans la littérature. Elle rapporte que le PTE devrait diminuer avec la diminution de la taille des grains [CAB 04]. Nous ferons alors, par la suite, l’hypothèse d’un effet similaire dans le cas d’une microstructure ferritique. Du côté du fond de frottement intérieur, comme mentionné ci-dessus, en plus d’être dépendant de la densité de dis-locations, ce dernier est proportionnel au carré de leur longueur libre moyenne L. Généralement, cette longueur diminue avec l’écrouissage, du fait, notamment, de la diminution de la distance entre les nœuds du réseau de Franck liée à l’augmentation de la densité de dislocations. De plus, les joints de grains étant supposés jouer le rôle d’ancreurs forts des dislocations, l’affinement lamellaire contribue aussi à la diminution de leur longueur libre moyenne. En résumé, l’impact de la déformation plastique sur le paramètre L pourrait avoir une influence prépondérante sur le fond de frottement intérieur des aciers ultra-bas carbone, d’autant plus que ce dernier est sensible au carré de la longueur libre.

A partir de ces données, il est possible de dresser un tableau récapitulatif des effets prévisibles des évolutions microstructurales citées sur le PTE, la résistivité électrique et le fond de frottement intérieur à haute fréquence mesuré à température ambiante pour un acier ultra-bas carbone.

Evolution microstructurale

considérée PTE Résistivité Fond deFI : ΛL2

Introduction de dislocations

(augmentation de Λ) & % %

Développement d’une texture

d’écrouissage peu d’effetattendu peu d’effetattendu peu d’effetattendu

Affinement des grains & % &&

Effet global attendu & % &

Table III.1: Tableau récapitulatif des effets prévisibles des évolutions microstructurales au cours de la déformation plastique d’un acier ultra-bas carbone sur les trois propriétés étudiées : PTE, résistivité électrique et fond de FI à haute fréquence mesuré à température ambiante. [Légende : % augmentation ; & baisse ; && forte baisse]

1.2.3 Résultats expérimentaux

Les effets attendus des évolutions microstructurales liées à la déformation plastique d’un acier ultra-bas carbone sur son PTE, sa résistivité électrique et son fond de frottement intérieur viennent d’être présentés. Toutefois, à notre connaissance, aucune étude de ce type n’a été réa-lisée sur des aciers ultra-bas carbone présentant des déformations rationnelles aussi importantes que celles obtenues par tréfilage. L’idée de cette étude de principe consiste donc à valider les hypothèses présentées précédemment, dans le cadre d’un acier ultra-bas carbone tréfilé dans les mêmes conditions que l’acier perlitique de l’étude principale. Comme mentionné plus haut, l’ob-jectif est de comprendre l’influence sur les propriétés étudiées, des évolutions microstructurales engendrées par la déformation plastique seule, afin de s’affranchir dans un premier temps des effets éventuels liés à la présence de cémentite (alignement lamellaire et décomposition de la cémentite).

Identification des mécanismes métallurgiques mis en jeu au cours du tréfilage par techniques indirectes

Les figures III.2 et III.3 représentent respectivement les évolutions de PTE et de résistivité électrique au cours de l’étape de tréfilage de l’acier ultra-bas carbone et de l’acier perlitique. Les mesures sont données en relatif par rapport à l’état non déformé.

Figure III.2: Evolution du PTE d’un acier ultra-bas carbone et d’un acier perlitique en fonction de la déformation rationnelle de tréfilage.

Figure III.3: Evolution de la résistivité d’un acier ultra-bas carbone et d’un acier perlitique en fonc-tion de la déformafonc-tion rafonc-tionnelle de tréfilage.

Dans un premier temps, considérons l’évolution du PTE de l’acier ultra-bas carbone avec la déformation rationnelle. Une rapide diminution est observée au cours des premières passes de tréfilage, avant une saturation pour  = 0,5. Cette évolution est donc bien compatible avec les conclusions du paragraphe précédent. Ces données sont également en totale adéquation avec les résultats de Lavaire [LAV 01] obtenus sur le même type d’acier mais déformé par laminage cette fois. Il avait pu relier cette diminution à l’introduction de dislocations dans le matériau.

Concernant l’évolution de la résistivité électrique de l’acier ultra-bas carbone avec la défor-mation, celle-ci semble, elle aussi, compatible avec le bilan dressé au paragraphe précédent. En effet, une légère augmentation de l’ordre de 0,2 µΩ.cm peut être notée après une déformation de 3,4.

Enfin, l’étude n’ayant pas été réalisée sur les installations de spectroscopie mécanique, l’ana-lyse de l’influence de la déformation plastique sur le fond de frottement athermique ne repose que sur les prévisions discutées au paragraphe précédent : une diminution du fond de frottement athermique avec la déformation est attendue, principalement due à la diminution de la longueur libre moyenne de dislocations L, liée à l’affinement de la microstructure et à l’augmentation de la densité de dislocations.

Afin d’étudier la contribution de la déformation plastique sur les variations de PTE et de résistivité électrique observées dans le cas de l’acier perlitique, nous allons maintenant com-parer les réponses des deux types d’acier. Pour cela, les figures III.2 et III.3 représentent les courbes relatives aux deux aciers superposées. Bien que l’acier ultra-bas carbone soit différent de l’acier perlitique, les tendances observées sur cet acier devraient pouvoir s’observer au moins partiellement.

Dans un premier temps, considérons les courbes relatives au PTE. Il apparait clairement une importante différence de comportement entre les deux types d’acier. Typiquement, pour les

déformations supérieures à 1,5, la forte chute du PTE sur l’acier perlitique s’oppose à la stabilité des mesures sur l’acier ultra-bas carbone. L’évolution du PTE de l’acier perlitique ne semble pas pouvoir être expliquée, à priori, par les trois mécanismes associés à la déformation plastique seule (augmentation de la densité de dislocations, texture et affinement de la microstructure). Notons, de plus, que la diminution du PTE au cours des premières passes de tréfilage, observée pour l’acier ultra-bas carbone, pourrait provoquer une sous-estimation de l’augmentation du PTE de l’acier perlitique dans ce domaine de déformation.

Une conclusion similaire peut être tirée de la comparaison des variations de la résistivité électrique avec la déformation pour les deux aciers. La faible augmentation observée pour l’acier ultra-bas carbone pourrait éventuellement contribuer à l’augmentation de la résistivité de l’acier perlitique pour les déformations supérieures à 1,5 mais ne permet certainement pas d’interpré-ter l’intégralité des variations. Une sous-estimation de la diminution de la résistivité de l’acier perlitique pour les déformations inférieures à 1,5 pourrait aussi être induite par l’effet de la déformation plastique.

Enfin, dans le cas du frottement intérieur, comme mentionné plus haut, ce dernier devrait diminuer au cours de la déformation plastique de l’acier ultra-bas carbone. Bien que l’ordre de grandeur de cette variation ne soit pas connu, il est possible à priori d’associer la diminution du fond de FI observée sur le graphique III.1(c) pour  < 1, 5 à l’influence de la déformation plastique et notamment, comme expliqué plus haut, à l’affinement lamellaire, par analogie avec l’effet de l’affinement des grains dans l’acier ultra-bas carbone.

1.2.4 Conclusion de l’étude préliminaire

Suite à cette étude préliminaire, il apparait évident que les trois mécanismes métallurgiques mis en jeu lors du tréfilage d’un acier ultra-bas carbone ne permettent pas, à eux seuls, d’expli-quer les variations des trois propriétés étudiées dans le cas de l’acier perlitique. Cette constatation indique donc la nécessité de faire intervenir les deux mécanismes liés à la présence de la cémen-tite, déjà cités en début de chapitre, pour permettre l’interprétation des courbes de la figure III.1. Ainsi, les effets de l’alignement lamellaire et de la décomposition de la cémentite vont être considérés dans la suite de cette partie.