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Etude plus précise des phases lamellaires

1.2 Diagramme de phase

1.2.3 Etude plus précise des phases lamellaires

Dans ce paragraphe, nous étudions plus précisément les phases lamellaires et tachons de répondre à la question de l’influence de l’un des deux tensioactifs sur la structure de la phase. Les résultats présentés dans cette partie sont en grande partie repris du travail précédant cette thèse [158].

Nous nous sommes tout d’abord intéressés à l’influence de la charge de surface effective sur la structure des phases lamellaires, c’est à dire à l’évolution de la surface polaire par chaîne Spen fonction du rapport molaire r.

Nous pouvons déterminer Spà partir de la distance entre les chaînes carbonées.

Cette dernière peut se mesurer sur les spectres de diffusion de rayon X aux grands angles. Tardieu et Luzzati [151] ont montré qu’il était possible via la position et la forme du premier ordre de diffraction d’obtenir des informations sur l’organisation des chaînes alkyl d’un agrégat de tensioactifs.

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25 I (u.a.) q (A-1)

FIG. 1.11: Premier ordre de diffraction ob- tenu par diffraction des rayons X sur une phase lamellaire (r=0.58 ; C=10%)

Comme nous pouvons le voir sur la figure 1.11, le pic de diffraction obtenu est fin5, nous pouvons en déduire que les chaînes hydrophobes sont rigides : elles sont corrélées entre elles et ne possèdent pas de degré de liberté propre. D’autre part le pic est régulier et symétrique. Nous supposerons donc une structure hexagonale des tensioactifs dans le plan de la bicouche (pour une discussion plus détaillée voir [158]). De la position du pic de diffraction, nous pouvons calculer la surface polaire par chaîne via la relation :

Sp = 2 √ 3  2π q110 2

Sur la figure 1.12 est représentée l’évolution de Sp en fonction de r. Nous

voyons deux domaines : pour r inférieur à 0.45, la surface polaire reste constante, tandis que pour r supérieur à 0.45, celle-ci diminue avec r tout en restant supé- rieure à la surface polaire de la phase L+β.

Une première remarque quant à la valeur de Sp. Cette valeur est très proche de

la surface polaire obtenue pour des chaînes aliphatiques, de l’ordre de 18.8 Å2 [21]. Par contre, cette valeur est bien inférieure à la surface projetée d’une tête ammonium quaternaire (75.6 Å2). Il y a donc une forte réduction des surfaces polaires des têtes lors de la combinaison des deux tensioactifs. Les interactions électrostatiques favorisent la formation de la bicouche.

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CHAPITRE 1. PRÉSENTATION DU SYSTÈME

FIG. 1.12: Evolution de la surface polaire par chaîne en fonction du rapport molaire r : mesures effectuées à 25◦C sur des phases lamellaires concentrées (C 10%)

Une deuxième remarque concerne l’évolution de la surface par chaîne Spavec

le rapport molaire r. En effet, la courbe obtenue n’est pas celle attendue (voir figure 1.13.

Les différentes interactions envisagées sont :

– les interactions électrostatiques entre les têtes polaires chargées, induisant un minimum de Sppour r voisin de 0.5,

– la répulsion stérique entre les têtes polaires conduisant à une diminution progressive de Spavec r puisque la tête ammonium quaternaire est plus vo-

lumineuse que le groupe carboxylate,

– l’attraction hydrophobe entre les chaînes alkyl tendant à rapprocher les deux tensioactifs lorsque la proportion de CTAOH augmente.

FIG. 1.13: Evolution attendue de la surface par chaîne Spen fonction de l’interaction do-

minante

FIG. 1.14: Cliché de cryofracture d’une phase lamellaire, la barre représentant 1µm. La planéité de la bicouche traduit une grande rigidité.

Claire Vautrin 1.2. DIAGRAMME DE PHASE

Initialement nous espérions une évolution de Sp contrôlée par les interactions

électrostatiques. Afin d’expliquer clairement pourquoi nous ne trouvons pas l’évolution attendue, il est nécessaire de se pencher sur d’autres paramètres structuraux d’une bicouche, en particulier, son épaisseur. Celle-ci s’obtient par analyse des spectres de diffusion de neutron réalisés sur des phases lamel- laires (ligne D22, ILL, Grenoble). A titre d’exemple, deux spectres de diffu- sion de neutron sont reportés sur la figure 1.15, l’un de la phase L+β et l’autre de la phase L−β. D’après les observations de clichés de cryofracture (voir fi- gure 1.14), nous pouvons dire que ces phases lamellaires sont très rigides. Il est donc justifié de modéliser la phase lamellaire par un plan infini d’épais- seur fixe dans la gamme de vecteurs d’onde associés au facteur de forme de la bicouche.

Nous prenons comme expression du facteur de forme d’un plan infini d’épais- seur fixe d, la fonction suivante, avec K constante :

P (q) = K  sin(qd/2) q

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Ainsi, nous déterminons l’épaisseur de la bicouche en ajustant les positions des minima et maxima de la fonction précédente à celles du spectre de diffusion observés autour de 0.2 Å−1.

FIG. 1.15: Spectre de diffusion d’une phase lamellaire (ILL, ligne D22) : étude de l’épaisseur de la bi- couche. Les symboles correspondent aux points expérimentaux, tandis que les lignes continues corres- pondent au facteur de forme calculé pour un plan infini d’épaisseur d. (a) phase lamellaire (C=13%, r=0.55 en solvant D2O, D∗=370Å) avec facteur de forme ajusté pour d=52Å(b) phase lamellaire (C=19%, r=0.37

CHAPITRE 1. PRÉSENTATION DU SYSTÈME

Cette étude nous permet de conclure quant à l’épaisseur de la bicouche. Elle est constante et proche de 25Å pour la phase L+β, et de 45Å pour la phase L−β

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Ainsi, la diminution progressive de la surface polaire par chaîne pour r crois- sant de 0.45 à 0.7 ne peut résulter d’un changement d’épaisseur de la bi- couche. Elle est due en fait à une légère contraction des têtes -COOH du fait de la création de liaisons hydrogène entre les groupements acide carboxy- lique et carboxylate dans le plan de la bicouche. Il se forme l’équivalent de dimères C13COOH/C13COO− décrits dans la littérature comme des "acid soap" [128, 104, 103] et largement caractérisés par spectroscopie infra rouge [19, 143, 154, 106].

Si on s’intéresse maintenant à la phase L+β, l’épaisseur déterminée exclut la possibilité d’avoir des chaînes aliphatiques droites. En effet, si on admet une distance caractéristique de 1.5Å entre deux carbones successifs, on s’atten- drait à trouver une bicouche de 32*1.5=48Å. La valeur trouvée est bien plus faible. Les chaînes alkyl sont donc interdigitées et éventuellement tiltées. Ceci semble assez plausible dans la mesure ou les têtes ammonium quaternaire en excès dans la phase L+β sont largement dissociées, assurant de fortes répulsions électrostatiques.