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Cas particulier des vésicules facettées

Comme nous l’avons indiqué dans le premier chapitre, les vésicules facettées présentent une répartition inhomogène des deux tensioactifs. Les arêtes et les pointes des polyèdres formés sont plus riches en acide myristique que les faces. Cependant, de par le faible nombre de molécules concernées par cette ségré- gation, nous considérerons que la composition des vésicules est homogène.

Similitudes avec un colloïde plein

Afin d’avoir une idée sur le degré d’ionisation des vésicules, nous avons cher- ché à mesurer la charge de surface de ces objets. Il est en fait impossible d’avoir une mesure directe de la charge de surface. Par contre, nous pouvons détermi- ner le potentiel ζ d’une particule, qui est défini comme étant le potentiel élec- trostatique mesuré au niveau du plan de cisaillement de la particule. En effet, une particule chargée se met en mouvement sous l’action d’un champ électro- statique et entraîne avec elle les ions et le solvant situés à proximité. Le plan de cisaillement correspond au plan à partir duquel les ions présents en solution ont une vitesse égale à la vitesse de la particule.

Pour ce faire, nous avons employé un zétamètre (Coulter Delsa 440SX) qui mesure la mobilité électrophorétique de particules chargées en suspension dans un capillaire par effet Doppler. Par mesure de la vitesse v et connaissance du champ électrique E appliqué, nous déduisons la mobilité électrophorétique u=v/E. Toute la difficulté de cette technique est de savoir relier la mobilité électrophorétique, le potentiel ζ et le potentiel (ou la charge) de surface. Tout d’abord, reprenons les points essentiels nécessaires à la compréhension de la technique de la zétamétrie. On applique un champ électrique aux extré- mités d’un capillaire. D’une part les particules chargées se mettent en mouve- ment du fait de ce champ (mouvement d’électrophorèse), mais de surcroît, le solvant circule de par le mouvement des ions (mouvement d’électro-osmose). Sachant que la géométrie du montage employé impose des conditions aux li- mites fermées, il y a apparition de boucles de courant et il existe deux plans stationnaires (plans de Kamagata) dans la cellule pour lesquels le mouvement d’électro-osmose est nul (voir schéma dans la marge). Le profil des vitesses d’électro-osmose est représenté sur la figure dans la marge : ce profil est para- bolique à l’extérieur des double couches au niveau des surfaces du capillaire (reflétant une condition de non glissement). On voit que si on mesure la vi- tesse de particules situées sur ces plans stationnaires, celle-ci ne reflète que le mouvement d’électrophorèse et nous donnera accès au potentiel ζ de la parti- cule. Par ailleurs, la position de ces plans de Kamagata ne dépend que de la géométrie du capillaire.

Maintenant que nous savons où se mesure la mobilité et le potentiel ζ, il nous faut les relier. Selon les conditions expérimentales (force ionique et taille des particules), la relation liant la mobilité électrophorétique au potentiel ζ est plus ou moins simple [77, 125]. Le paramètre principal est le produit κa, où κ est la constante d’écrantage et a le rayon de la particule. Nous pouvons nous baser sur les travaux de Hunter pour déterminer quelle relation nous pourrons utiliser par la suite. Pour cela, nous avons repris deux figures du livre de Hunter "Zeta potential in colloid science". Avant de les commenter, il nous faut définir les deux paramètres sans dimension apparaissant sur ces courbes : le potentiel

CHAPITRE 2. ETUDE ÉLECTROCINÉTIQUE

réduit ¯ζ et la mobilité réduite E

¯ ζ = eζ kBT E = 3ηe 2kBT u

Ce qui donne dans le cas de solution aqueuse à 25◦C :

¯

ζ = 0.04ζ (mV )

E = 0.77u (µm.cm/V.s)

Comme nous pouvons le voir sur la figure 2.3, selon la valeur du produit κa, et selon l’ordre de grandeur de E et ¯ζ, la relation entre E et ¯ζ est linéaire ou non.

FIG. 2.3: Lien entre le potentiel réduit E et la mobilité réduite u selon la valeur du pro- duit κa de l’échantillon (courbes issues de [125])

Dans notre cas, les particules sont grandes, 2µm de rayon en moyenne, et la force ionique est faible du fait de la faible CMC (5 10−5mol.L−1) ce qui nous donne une valeur de 500 Å pour κ−1. Ainsi, le produit κa sera de l’ordre de 40. Par la suite nous serons amené à étudier les vésicules facettées en milieu acide, c’est à dire dans un milieu où la force ionique augmente. Le produit κa n’en sera que plus élevé. Ainsi, dans la mesure où ¯ζ reste inférieur à 5, ce qui

correspond à un potentiel ζ inférieur à 125mV, nous pouvons considérer que la mobilité u peut être reliée au potentiel ζ par la relation de Smoluchowski [77] :

ζ = ηu

o

où η est la viscosité et  la constante diélectrique du solvant. Cette relation correspond au cas limite κa ∞ sur la figure reprise en marge. Dans le cas de solution aqueuse à 25◦C, cette relation s’écrit :

ζ (mV ) = 12.8u (µm.cm/V.s)

Mesures

La figure 2.4 donne les résultats bruts exploités pour la détermination de la mo- bilité des particules d’une solution de vésicules facettées (r=0.593 ; C=0.5%). Pour chaque échantillon, nous relevons la valeur de la mobilité en différents points du capillaire. Il nous faut ensuite déterminer l’équation de la parabole (qui correspond au profil de vitesse d’électrophorèse et d’osmose) passant par ces points. Nous en déduisons la position réelle du centre du capillaire et sa- chant que pour cette cellule les plans de Kamagata sont situés à ±0.34mm du centre, nous pouvons déduire la position des plans. Nous calculons enfin la valeur de la mobilité en ce point à l’aide de l’équation de la parabole.

Claire Vautrin 2.1. CHARGE EFFECTIVE

FIG. 2.4: Mesure de la mobilité des vésicules (r=0.5593 ; C=0.5%). La parabole passant par les points expérimentaux permet la détermination de la position des plans stationnaires et de la valeur de la mobilité

des particules sur ces plans. Sur cet exemple, le centre du capillaire est repéré par l’abscisse X=-0.134mm. L’abscisse correspondant au plan de Kamagata supérieur est Xst=0.32-0.134=0.2mm. La mobilité en ce

plan est de 1.9 µm.cm/V.s.

Dans le tableau 2.1, nous avons reporté les différentes mesures de mobilité électrophorétique que nous avons effectuées sur des vésicules facettées. Chaque valeur a été déterminée en mesurant la mobilité des particules en neuf points de la cellule et en ajustant les résultats par une parabole.

solution C (mol.L−1) u (µm.cm/V.s) potentiel (mV) κ (µS/cm)

icos 25 1.28 10−2 1.5 19.2 690 8.5 10−3 3.0 38.4 138 2 10−3 3.0 38.4 133 1.78 10−3 5 64 7.4 4 10−4 2.9 37.1 150 4 10−5 2.9 37.1 icos 24 9 10−4 3.0 38.4 10.9 icos 23 6.2 10−3 5.3 67.8 19 icos 34 3.3 10−3 3.7 47.4 190 1.65 10−3 4.1 52.5 205 8.2 10−4 4.4 56.3 70

TAB. 2.1: Récapitulatif des mesures de mobilité électrophorétique effectuées sur des solutions de vésicules facettées (r=0.60 pour toutes les solutions) à 25◦C

Dans ce tableau, nous reportons également la valeur de la conductivité mesu- rée par le zétamètre. Celle-ci fluctue énormément et est fortement dépendante de l’ajustement du montage de la cellule en quartz entre les deux électrodes. La véritable conductivité de ces échantillons est proche de quelques µS/cm à quelques dizaines de µS/cm. Ainsi, pour de nombreux échantillons, la mesure de la conductivité est fausse. Cependant, il semblerait que cela influe peu sur la valeur de la mobilité mesurée, bien que nous nous basions sur la mesure de la conductivité pour déterminer l’amplitude du champ électrique à appliquer dans le capillaire.

CHAPITRE 2. ETUDE ÉLECTROCINÉTIQUE

Parmi toutes ces mesures, nous pouvons éliminer la première qui a été réalisée sur un échantillon beaucoup trop concentré. En effet, à 1.28 10−2 mol.L−1, les vésicules sont trop rapprochées les unes des autres et il n’est pas réaliste d’imaginer mesurer dans ces conditions la mobilité d’une particule isolée. Par ailleurs nous pouvons vérifier que la mobilité ne dépend pas de la concentra- tion de l’échantillon comme cela a été suggéré dans la littérature [25]. La mo- bilité électrophorétique moyenne que nous déterminons donc est de 3.7 ±0.3

µm.cm/V.s. D’après les commentaires précédents, cette mobilité peut être re-

lier au potentiel ζ via la relation de Smoluchowski, et nous trouvons alors un potentiel de 47 ±4 mV.