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Chapitre I. INTRODUCTION

5. Stratégies d’étude des pompes à efflux chez Pseudomonas aeruginosa

5.2. Etude de l’efflux in vivo et in vitro

Les études de transport par les pompes à efflux de la famille RND nécessitent la présence de trois compartiments (cytoplasme, périplasme et milieu extracellulaire). Chez la bactérie, ces compartiments existent naturellement. L’incubation des bactéries avec un antibiotique donné couplée à la mesure de la concentration de l’antibiotique au sein des différents compartiments permet d’évaluer l’activité d’efflux. Les compartiments cellulaires sont séparés par lyse des bactéries et filtration ou ultracentrifugation et analysés par spectrométrie de masse ou par chromatographie analytique. Certaines méthodes telles que la fluorescence sont cependant moins invasives et permettent d’évaluer l’efflux d’un antibiotique donné sans avoir recours à la séparation des compartiments cellulaires.

La fluorescence permet notamment d’observer l’accumulation des substrats à l’intérieur des bactéries et la variation de la fluorescence permet d’évaluer l’activité d’efflux d’une pompe donnée. Plusieurs protocoles utilisent des composés dont la capacité de fluorescence varie en fonction des changements environnementaux (Dreier & Ruggerone, 2015). C’est le cas du bromure d’éthidium (BET) qui est un agent intercalant de l’ADN dont la fluorescence augmente en cas d’insertion dans la double hélice d’ADN (Morita & al, 2001 ; Li & al, 2003). L’efflux actif de BET conduit donc à une diminution de la fluorescence liée à la diminution de la concentration intracellulaire de BET. D’autres fluorophores tels que le colorant Hoechst H33342 de la famille des bis-benzamides sont également utilisés pour évaluer l’efflux. Ce colorant est cependant peu efficace in vivo chez P. aeruginosa à cause de sa faible perméabilité membranaire et les tests sont réalisés à l’aide de pompes reconstituées chez E. coli (Welch & al, 2010). La doxorubicine, la pyronine Y et l’acriflavine sont également utilisées pour l’évaluation de l’efflux car leur fluorescence diminue ou disparaît complètement en cas d’internalisation (doxorubicine), de liaison à l’ARN (pyronine Y) ou de liaison à l’ADN (acriflavine) (Dreier & Ruggerone, 2015).

Des composés non fluorescents permettent également de suivre l’efflux grâce à leur conversion en fluorophores en fonction des changements environnementaux. C’est le cas de la résazurine bleue qui est convertie en résorufine rose fluorescente à l’intérieur des cellules, ou de l’alanine-β-naphthylamide (Ala-NAP) et de la leucine-β-naphthylamide (Leu-NAP) qui sont convertis en composés fluorescents à l’intérieur des cellules ou encore de la

106 fluorescéine-di-β-D-galactopyranoside (FDG) qui est hydrolysée en fluorescéine dans le cytoplasme d'E. coli. Ces composés ont été utilisés pour identifier ou développer des inhibiteurs des pompes à efflux tels que la méfloquine pour MexB et le PAβN. Certains de ces composés présentent cependant un inconvénient pour l’étude de l’efflux car ils sont substrats des pompes (c’est le cas de la résazurine qui est un substrat de MexB chez P. aeruginosa et d’AcrB chez E. coli), ils ne sont donc pas internalisés suffisamment longtemps pour être convertis. Ils sont cependant utilisés sous certaines conditions, par exemple dans des conditions dans lesquelles la bactérie ne pousse pas. Quant à la FDG, elle ne peut pas être utilisée chez P. aeruginosa car la bactérie ne peut pas l’hydrolyser. Elle a cependant été utilisée pour étudier l’efflux à travers les pompes MexAB-OprM et MexXY-OprM de P. aeruginosa exprimées chez E. coli (Matsumoto & al, 2011) .

Des agents altérant l’intégrité des membranes tels que le colorant fluorescent N- phenyl-1-naphthylamine (NPN) ou la rhodamine sont également utilisés pour évaluer l’efflux. Le signal de fluorescence augmente en cas de déstabilisation de la membrane ou de changement de potentiel membranaire et le NPN a été décrit comme étant un substrat de MexB de P. aeruginosa et d’AcrB d’E. coli (Ocaktan & al 1997 ; Murakami & al, 2004). Ces différentes méthodes de quantification de l’efflux des substrats ont permis de caractériser l’interaction des pompes avec leurs substrats mais également d’étudier l’effet des inhibiteurs sur l’activité de la pompe ou encore d’identifier de nouveaux inhibiteurs des pompes (Morita & al, 2001). Morita et al, (Morita & al, 2003) ont notamment montré que l’efflux de BET n’est quantifiable qu’après induction de l’expression de la pompe MexCD- OprJ.

Ces différents composés peuvent également être utilisés in vitro pour quantifier l’efflux à travers les pompes grâce à des membranes artificielles reconstituées en vésicules (liposomes) au sein desquelles sont insérées les trois composantes des pompes à efflux de la famille RND (OMF, MFP et RND). La reconstitution de ces pompes couplée à des structures à haute résolution pourrait permettre de fournir des éléments de réponse quant à la stœchiométrie de la MFP qui reste un sujet de débat. La pompe MexAB-OprM fonctionnelle a été récemment reconstituée par Verchère et al (Verchère & al, 2013, 2014, 2015) grâce à des protéoliposomes contenant OprM et des protéoliposomes contenant MexA et MexB (Fig. 59). Ce système a permis de montrer l’efflux du BET à travers la pompe reconstituée,

107 grâce à un gradient de protons fourni par la bactériorhodopsine. La variation du pH couplée à la variation de fluorescence du BET a donc servi d’indicateur de transport. Ce système a également permis de montrer que le colorant Hoechst H33342 est un substrat de MexB et que MexA est requise pour la stimulation de l’activité d’efflux du transporteur. Un système similaire a permis de montrer l’importance de l’acylation de MexA dans l’assemblage de la pompe et dans l’activité d’efflux.

Figure 59 : Représentation schématique de l’efflux à travers la pompe assemblée in vitro. OprM (en jaune) est

reconstituée dans des liposomes ayant encapsulé de l’ARN et MexA et MexB sont reconstituées ensemble au sein de liposomes ayant encapsulé de la pyranine. Les deux types de protéoliposomes sont incubés en présence de bromure d’éthidium (BET) et le transport est suivi grâce à la variation du pH couplée à la variation de la fluorescence du BET. (Adapté de Verchère & al, 2015, Nature Communications).