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3. RESULTATS

3.2. ETUDE DES EFFETS DU DEHP ET DE SON METABOLITE LE MEHP SUR LE PLACENTA :

3.2.2 Etude des effets du MEHP sur une lignée de monocytes humains différenciée

• Objectif

Le placenta étant riche en cellules immunitaires telles que les macrophages et certaines pathologies cliniques étant associées à des phénomènes inflammatoires au niveau du placenta, nous nous proposons dans cette partie d’étudier les effets du MEHP sur un modèle de macrophages humains, notamment les altérations mitochondriales, mais également l’activation du récepteur de dégénérescence P2X7 et l’effet pro-inflammatoire du MEHP sur ces cellules.

• Approche expérimentale

Dans un premier temps, nous avons évalué la cytotoxicité du MEHP sur les monocytes U937 différenciés en macrophages.

Figure 41. Viabilité cellulaire. Les macrophages sont incubés pendant 72 heures avec une gamme de concentrations de MEHP puis la viabilité cellulaire est évaluée par un test au

Le MEHP entraîne une très forte perte de viabilité des monocytes U937 différenciés en macrophages à partir de 200µM. Dans la suite de nos expérimentations, nous incuberons donc les cellules aux concentrations suivantes : 1µM, 10µM ; 50µM et 100µM.

Comme nous l’avons vu précédemment, les altérations mitochondriales sont généralement caractérisées entre autres par une modification du potentiel transmembranaire mitochondrial et un changement dans l’activité de la succinate déshydrogénase mitochondriale.

Figure 42. Potentiel transmembranaire mitochondrial. Les macrophages sont incubés pendant 72 heures avec du MEHP puis le potentiel transmembranaire mitochondrial est

mesuré par la sonde JC-1 en microtitration cytofluorimétrique. *** p < 0.001 vs negative control.

Figure 43. Activité de la succinate déshydrogénase mitochondriale. Les macrophages sont incubés pendant 72 heures avec du MEHP puis l’activité de la succinate déshydrogénase

mitochondriale est mesurée par le test colorimétrique au MTT. *** p < 0.001 vs negative control.

Le MEHP induit une diminution du potentiel transmembranaire mitochondrial à 50µM et 100µM. A 100µM, le MEHP entraîne également une diminution de l’activité de la succinate déshydrogénase.

Cette dernière appartenant à la chaîne respiratoire mitochondriale dont la fonction première est la production d’ATP, nous avons évalué la quantité d’ATP cellulaire total.

Figure 44. ATP total. Les macrophages sont incubés pendant 72 heures avec du MEHP puis lysées et l’ATP total est mesuré par ajout de substrats adéquats en bioluminescence.

** p < 0,005 ; *** p < 0.001 vs negative control.

Une diminution de la quantité d’ATP est observée après incubation des cellules avec le MEHP à partir de 50µM, cette diminution est drastique à 100µM. Le MEHP induit donc des perturbations mitochondriales qui aboutissent à une baisse dans la production d’ATP, source d’énergie principale des cellules. Une telle perte d’énergie pourrait à long terme avoir des conséquences graves sur la survie des cellules.

Outre son rôle de réserve d’énergie pour les cellules, l’ATP est le ligand naturel du récepteur P2X7. Nous nous sommes ensuite intéressée à l’activation de ce récepteur.

Figure 45. Activation du récepteur P2X7. Les macrophages sont incubés pendant 72 heures avec du MEHP. Le test YO-PRO-1 en microtitration cytofluorimétrique est réalisé afin

d’évaluer l’ouverture des pores de perméabilité du récepteur P2X7. *** p < 0.001 vs negative control.

L’ouverture du pore de perméation P2X7 est stimulée après incubation des cellules avec le MEHP pendant 72 heures. Dans les cellules du système immunitaire, le récepteur P2X7 est impliqué dans la formation de l’inflammasome qui a pour conséquence la libération de la cytokine pro-inflammatoire IL-1β. Celle-ci conduit entre autres à la sécrétion d’une autre cytokine pro-inflammatoire, le TNF-α. Nous nous sommes donc proposée de doser ces deux cytokines pro-inflammatoires.

Figure 46. Relargage d’IL-1β et de TNF-α. Les macrophages sont incubés pendant 72 heures avec du MEHP. Le relargage d’IL-1β et de TNF-α est évalué dans les surnageants

cellulaires par la technique ELISA. *** p < 0.001 vs negative control.

Le relargage d’IL-1β est augmenté après incubation des cellules avec le MEHP à la même concentration qui active le récepteur P2X7 (100µM). De plus, la sécrétion de TNF-α augmente dès 50µM de MEHP.

• Discussion

Le placenta est un tissu riche en macrophages (Ben Amara et al. 2013; Houser 2012; Mues et al. 1989). Ces macrophages sont détectés très tôt dans le placenta, dès 10 jours de grossesse (Chang et al. 1993). Ils ont entre autres un rôle dans la fonction de barrière contre les pathogènes et sécrètent des facteurs régulant la réaction immunitaire locale, tant anti- inflammatoire que pro-inflammatoire (Mues et al. 1989). Dans un premier temps, nous avons déterminé les concentrations subtoxiques de MEHP à utiliser pour la suite de notre étude. Le MEHP est cytotoxique à partir de 200µM après 72 heures d’incubation. Comme vu dans le chapitre précédent, il est connu que le MEHP induit des altérations mitochondriales sur d’autres modèles cellulaires. Dans un second temps, nous avons donc étudié ces modifications. Sur notre modèle, le MEHP entraîne une chute du potentiel transmembranaire mitochondrial ainsi qu’une diminution de l’activité de la succinate déshydrogénase aux plus fortes concentrations testées, associées à une baisse de la quantité d’ATP. D’après nos résultats, cette diminution s’explique par la baisse d’activité de la succinate déshydrogénase qui est une enzyme de la chaîne respiratoire mitochondriale dont la fonction est de produire l’ATP. Le MEHP étant un micropolluant auquel l’organisme est exposé de façon chronique, ces perturbations mitochondriales énergétiques observées sur les macrophages peuvent à long terme entrainer des altérations importantes du système immunitaire. En outre, il apparaît que la faible quantité d’ATP produite par les macrophages après incubation avec le MEHP active les récepteurs P2X7 : pour la première fois, nous avons montré qu’il induit l’activation de ce récepteur conduisant ainsi à la formation de pores de perméation. D’un point de vue mécanistique, l’activation du récepteur P2X7 est associée dans la littérature à la formation de l’inflammasome, un complexe protéique oligomérique impliqué dans la réponse inflammatoire et conduisant à la sécrétion de cytokines pro- inflammatoires dont l’IL-1β (Dubyak 2012; Mortaz et al. 2012) et le TNF-α (Alves et al. 2013). Nous avons donc dosé le niveau de sécrétion de ces deux cytokines pro-inflammatoires par les monocytes humains transformés en macrophages après 72 heures d’exposition au MEHP et avons détecté que leur niveau augmentait significativement. La variation de sécrétion d’IL-1β apparaît à la même concentration que celle qui active le récepteur P2X7, ce qui suggère que ces évènements sont étroitement corrélés. La sécrétion de TNF-α apparaît dès 50µM de MEHP, concentration qui n’active pas le récepteur P2X7. Ceci s’explique par les nombreuses voies de signalisation cellulaire P2X7-indépendantes conduisant à la sécrétion

de TNF-α. Notre étude portant sur un modèle humain est en cohérence avec les résultats obtenus par d’autres équipes sur des lignées de macrophages murin et de rat (Bolling et al. 2012; Rakkestad et al. 2010). En cas d’exposition in utero aux phtalates, les niveaux des cytokines pro-inflammatoires IL-1β et TNF-α sont augmentés dans le sang des femmes enceintes (Ferguson et al. 2014a). D’après nos résultats, nous pouvons envisager qu’il existerait une amplification des mécanismes pro-inflammatoires au niveau du placenta via la présence de cytokines circulantes dans le sang maternel d’une part, et via la sécrétion de ces mêmes cytokines localement par les macrophages résidents du placenta d’autre part. Il est établi depuis plusieurs décennies que l’administration systémique de ces deux cytokines pro- inflammatoires à des animaux gestants entraîne la parturition avant terme (Romero et al. 1991; Sadowsky et al. 2006; Silver et al. 1993). Chez la femme enceinte, il a été montré que les niveaux de ces deux cytokines pro-inflammatoires étaient augmentés dans le liquide amniotique en cas d’inflammation du chorion ou de travail prématuré (Arntzen et al. 1998), ainsi que dans d’autres pathologies associées à la grossesse telles que des infections fœtales (Garcia et al. 1989; Popek 1992) ou le risque de prééclampsie (Labarrere and Althabe 1985; Salafia et al. 1995), et que l’inflammation chronique des villosités placentaires est associée à des fausses couches à répétition (Doss et al. 1995; Kohut et al. 1997). Conséquemment, outre ses effets PE, le MEHP pourrait avoir de graves conséquences sur le déroulement de la grossesse, notamment en entraînant une réaction inflammatoire chronique au niveau du placenta.