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Les études de métabolisme permettent d’identifier les voies métaboliques empruntées par un toxique, les enzymes impliquées et les métabolites formés. Ces données permettent de comprendre et éventuellement de prédire la toxicocinétique d’une substance. Le développement des études de métabolisme est intimement lié à l’intérêt porté aux cytochromes P450 (CYP) depuis leur identification dans les années 1960 (325,326). Les études de comparaison inter-espèces, des variations inter-individuelles, des phénomènes d’induction ou d’inhibition et de la contribution individuelle des CYP se sont développées ces dernières décennies. Les réactions de conjugaison et en particulier la glucuro-conjugaison ont longtemps été considérées comme de simples réactions de détoxification et ont par conséquent suscité moins d’intérêt. Depuis quelques années, les travaux sur les UGT sont de plus en plus nombreux pour étudier notamment leur implication dans la variabilité inter- individuelle de la réponse aux médicaments, dans les interactions médicamenteuses ou dans la survenue d’effets secondaires. Il existe aujourd’hui de nombreuses méthodes d’études des réactions de phase I ou de phase II, utilisant des modèles biologiques in vitro plus ou moins complexes et présentant chacune des avantages ou inconvénients spécifiques. Les études du métabolisme peuvent être effectuées in vitro et in vivo.

 Approche in vitro

Les modèles biologiques utilisés dans les études de métabolisme sont pour la plupart disponibles pour plusieurs espèces animales, mais les modèles humains sont toutefois préférés pour faciliter l’extrapolation des résultats à la clinique. Les modèles biologiques humains pouvant être utilisé in vitro sont :

o Les coupes de foie

L’utilisation de « micro-tranches » ou « slices » (tranche de 250 µm d’épaisseur) est un modèle très proche de la situation in vivo. L’ensemble des enzymes du métabolisme est exprimé et l’environnement tissulaire est conservé (jonctions cellulaires, transporteurs, …) (327).

o La culture cellulaire  Les hépatocytes

Une fois isolés à partir de foie humain ou animal, les hépatocytes contiennent l’ensemble des enzymes de phase I et de phase II, permettant une étude globale du métabolisme d’un

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xénobiotique avec prise en compte du passage intra-cellulaire (327). Les phénomènes d’induction enzymatique, ou de cytotoxicité peuvent également être évalués.

 Les lignées cellulaires hépatiques

Des lignées d’adénomes ou de carcinomes hépatiques ont été développées comme alternative à la culture primaire d’hépatocytes. Elles ont l’avantage d’une culture facile avec des concentrations en enzymes du métabolisme relativement stables, mais elles ont l’inconvénient de présenter, le plus souvent une faible activité enzymatique constitutive avec un profil enzymatique incomplet, influencé par le milieu de culture (327,328).

 Les lignées cellulaires transgéniques

La transfection cellulaire peut être utilisée pour obtenir des cellules exprimant de façon stable les enzymes du métabolisme à des niveaux d’expression importants. Des lignées cellulaires transfectées existent pour l’ensemble des CYP humains impliqués dans le métabolisme des médicaments et pour la plupart des UGT humaines. Ce modèle permet de disposer de culture de cellules exprimant spécifiquement chacune des isoformes enzymatiques pour étudier leur rôle dans une réaction enzymatique, ou pour produire des métabolites spécifiques (327).

o Les fractions subcellulaires

Les fractions sub-cellulaires sont obtenues par broyage tissulaire, lyse cellulaire et centrifugation différentielle (figure 36).

191 Foie Homogénat Centrifugation ≈ 1000 g Centrifugation 9000 g Centrifugation ≈ 100 000 g Culot = débris cellulaires, noyaux Surnageant Surnageant = Fraction S9 Surnageant = Fraction S100 = Fraction cytosolique Enzymes liposolubles oxydoreductases Culot = microsome Enzymes microsomales Mono-oxydases Culot = mitochondries Broyage tissulaire Lyse cellulaire

Figure 36. Illustration de l’isolement des fractions subcellulaires.

 La fraction S9

Le surnageant de la centrifugation réalisée à 9000 g (Figure 35), est appelée fraction S9. La fraction S9 contient les enzymes microsomales et les enzymes cytosoliques solubles. L’activation des enzymes nécessite, du NADPH pour les CYP, de l’acide UDP-glucuronique pour les UGT, de l’adénosine-3’-phosphate-5’-phosphosulfate pour les sulfo-transférases, de l’acétyl-coenzyme A (acétyl-CoA), du dithiotréitol et un système régénérateur d’acétyl-CoA pour les N-acétyl-transférases. Le contenu enzymatique de la fraction S9 permet d’évaluer une activité métabolique globale. Cette fraction est particulièrement intéressante pour l’étude de réactions séquentielles (phase I/phase II). L’activité enzymatique de ce type de préparation est toutefois inférieure à celle pouvant être obtenue avec des microsomes (pour les enzymes microsomales) ou du cytosol (pour les enzymes solubles) (327).

 Les microsomes et la fraction cytosolique  Les microsomes

Les microsomes sont des vésicules de réticulum endoplasmique lisse contenant les enzymes membranaires microsomales (CYP, mono-oxygénases à flavine, UGT) et sont

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obtenus par ultra-centrifugation de la fraction S9 ; ils ne contiennent pas d’enzyme soluble. L’utilisation de co-facteurs particuliers ou de conditions expérimentales spécifiques permet la sélection de l’enzyme à étudier : les mono-oxygènases nécessitent un co-substrat de type NADPH, les UGT requièrent de l’acide UDP-glucuronique ainsi qu’une activation (par l’utilisation de détergents ou d’alamethicine) pour rendre accessible le site actif de l’enzyme (329). Les manipulations utilisant des microsomes, simples à mettre en œuvre, permettent la réalisation de comparaisons inter-espèce, ainsi que l’identification de métabolites d’enzymes impliqués dans une réaction métabolique. Les enzymes étant plus concentrées, les activités métaboliques obtenues à partir de microsomes surestiment souvent la réalité du métabolisme in vivo (327,330).

 La fraction cytosolique

Le surnageant restant après sédimentation des microsomes par ultra-centrifugation à 100000 g correspond au cytosol ou « S100 ». Cette fraction contient trois enzymes solubles de phase II : les N-acétyltransferases, les gluthathion-S-transférases et les sulfo-transférases. Ces enzymes fonctionnent après apport de leur co-substrat respectif. L’avantage principal de cette préparation est de disposer des trois enzymes solubles de phase II à des concentrations supérieures par rapport à la fraction S9 et de pouvoir étudier spécifiquement chacune de ces enzymes en fonction du co-substrat utilisé (327).

o Les enzymes recombinantes

Les préparations microsomales contenant les isoformes enzymatiques humaines recombinantes de manière individuelle sont très utiles pour l’évaluation de l’activité d’isoformes enzymatiques (331). Les enzymes recombinantes sont obtenues par des méthodes conventionnelles de préparation des microsomes à partir de différents systèmes d’expression transfectés : des bactéries (Escherichia coli), des levures (Saccharomyces cerevisiae), des cellules d’insectes et des cellules de mammifères (lymphoblastes). Ces systèmes permettent l’expression d’une seule enzyme ou, dans le cas des CYP, associée à un partenaire oxydo- réducteur, ils permettent l’étude d’enzymes faiblement exprimées in vivo.

 Approche in vivo

L’étude in vivo du métabolisme va consister à administrer à des animaux ou à des volontaires sains des quantités connues du composé d’intérêt et à identifier des métabolites ou doser le composé parent et ses métabolites dans les matrices telles que le sang et l’urine.

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Que ce soit pour les études de métabolisme in vitro ou les études in vivo, l’observation des composés formés peut se faire de 2 façons : soit la recherche de métabolites inconnus (screening) dans le but de caractériser l’ensemble des métabolites formés soit la recherche et la quantification de métabolites connus dans le but de caractériser les profils métaboliques.

Pour caractériser les profils métaboliques, il faut pouvoir doser les composés parents et leurs métabolites. Le composé parent est le plus souvent disponible commercialement pour le dosage mais les métabolites ne sont pas toujours disponibles. Deux solutions sont envisageables : le dosage direct des composés (lorsque les conjugués sont disponibles) ou le dosage indirect par déconjugaison des composés conjugués en composé non conjugué (lorsque les conjugués ne sont pas disponibles).

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