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CHAPITRE III : TOXICOCINETIQUE ET BIOMONITORING

III.1. B Toxicocinétique du BPA

III.1.B.a. Absorption  Par voie orale

Les études menées chez l’Homme à des doses comprises entre 0,025 et 5 mg montrent que le BPA est totalement et rapidement absorbé par voie digestive (133,134). Pour la caractérisation du risque conduite par la commission européenne, l’absorption par voie orale est fixée à 100% (135). Après une dose unique, le pic plasmatique est atteint environ 80 minutes après l’ingestion (133). Les données de toxicocinétiques chez l’Homme montrent un effet de premier passage important (glucuruno- et sulfo-conjugaison) et rapportent que la forme circulante majoritaire est la forme glucuronide (92-99%) (23).

 Par voie cutanée

Il n’existe actuellement pas d’études d’absorption cutanée in vivo chez l’Homme. Les travaux in vitro sur des explants de peau humaine indiquent des taux d’absorption variables : 5,1% après 8h et 8,6% après 24h d’exposition à 0,093 µg/cm2

de BPA (136), 45,6±6,2% après 72h d’exposition à 50 mmol de BPA (137). Pour la caractérisation du risque conduite par la

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commission européenne, l’absorption par voie cutanée est fixée à 10% (135). Les flux de pénétration cutanée rapportés sont de 0,022 µg.cm-2.h-1 (exposition de 0,093 µg.cm-2 de BPA)(136) à 0,12±0,09 µg.cm-2.h-1 (exposition 200 µg.cm-2) (138). Zalko et al. rapportent un pourcentage de métabolites de 39,3±7,9% après une exposition à 50 mmol de BPA, alors que Marquet et al. rapportent la présence de 97% de BPA non conjugué après une exposition de 200µg.cm-2, le BPA-glucuronide n’étant pas détecté (137,138).

 Par inhalation

Il n’existe pas de données sur la toxicocinétique du BPA après une exposition par voie respiratoire. En l’absence de données, la biodisponibilité par voie respiratoire ne peut être quantifiée et l’absorption par inhalation est fixée à 100% pour la partie caractérisation des risques du rapport de la commission européenne (135).

III.1.B.b. Distribution

Une fois absorbé le BPA est rapidement distribué dans l’ensemble des tissus (23). La forme liée aux protéines plasmatiques du BPA inchangé représente environ 90 à 95 % du BPA circulant et la forme libre environ 5 à 10 % du total (15,139).

Nunez et al. ont montré que le BPA pouvait s’accumuler dans la graisse. Ils ont étudié la distribution de BPA dans différents tissus cibles après administration répétées de BPA chez le rat (4 ou 5 mg/j pendant 15 j). Le BPA a été détecté dans les échantillons de tissus (cerveau, tissu adipeux blanc, tissu adpipeux brun) provenant des animaux traités, mais il s’est préférentiellement accumulé dans le tissu adipeux brun (140).

Il n’existe pas de données sur la distribution du BPA après une administration par voie cutanée et/ou sous-cutanée (135).

Les études réalisées chez les rongeurs indiquent que la gestation a peu d’effet sur la distribution tissulaire du BPA et de ses métabolites (23).

III.1.B.c. Métabolisme

Chez les mammifères, les études in vitro et in vivo ont montré que le BPA est transformé par des réactions de phase I (fonctionnalisation) et/ou des réactions de phase II (conjugaison). La figure 16 montre les voies de biotransformation du BPA chez les mammifères mises en évidence par des études in vitro et in vivo.

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Figure 16. Voies proposées de biotransformation du bisphénol A chez les mammifères (sur la

base d’études in vitro et in vivo) (141).

 Réactions de Phase I

Chez les mammifères, le BPA est transformé par des réactions d’oxydations (dont des réactions d’hydroxylation) catalysées par les enzymes microsomales, les mono-oxygénases, en présence du cytochrome P450 (142). Knaak et Sullivan, dans leur étude sur le métabolisme du BPA chez le rat, ont mis en évidence la formation d’un métabolite hydroxylé du BPA, le 2,2-bis(4-hydroxyphenyl)propanol. Jaeg et al. ont mis en évidence 9 métabolites produits par des microsomes et des fractions S9 de souris, parmi ces métabolites, le 3-hydroxy-BPA, le 4- isopropylhydroxyphenol et des dimères (figure 17) du BPA ont été identifiés (143).

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Figure 17. Structures moléculaires proposées pour les dimères du BPA : (a) dimère linéaire,

(b) dimère cyclique (143).

Atkinson et Roy ont montré, in vivo (chez le rat), que des métabolites du BPA forment des liaisons covalentes avec l’ADN et ils ont mis en évidence, in vitro (en présence de microsomes de rat et de NADPH), que le principal métabolite capable de se lier avec l’ADN est le BPA-3,4-quinone ; le BPA sans activation métabolique n’est pas capable de former des liaisons covalentes avec l’ADN (144).

Les résultats des études sur l’activité des métabolites ont montré que la plupart des métabolites du BPA formés en présence de cytochrome P450 se caractérisent par une plus forte activité œstrogénique que le BPA lui-même (145). Yoshihara et al. ont montré que le 4- méthyl-2,4-bis(4-hydroxyphenyl)pent-1-ène issus de la bioactivation du BPA incubé en présence de fractions S9 de rat, a une activité œstrogénique plus importante que le BPA (146,147). L’activité œstrogénique supérieure du 4-méthyl-2,4-bis(4-hydroxyphenyl)pent-1- ène a été confirmé in vivo (rat) (148). Le BPA peut également être transformé par l’action de mono-oxygénases à cytochrome P450, en hydroquinone, 4-isopropylphenol (IPP) et en alcool hydroxycumyl (HCA) (figure 18). L’IPP présente une activité de liaison aux récepteurs aux œstrogènes similaire au BPA mais l’HCA présente une activité de liaison plus élevée que le BPA (142).

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Figure 18. Mécanisme proposé par Nakamura et al. pour la formation par le cytochrome

P450 du 4-isopropylphenol (IPP) et l’alcool hydroxycumyl (HCA) (142).

Chez l’Homme les réactions de phase I sont minoritaires, même si le BPA-catéchol a déjà été identifié in vitro et in vivo dans les urines (149).

 Réactions de phase II

Le BPA et ses métabolites issus de la phase I, sont rapidement conjugués avec des glucuronides et des sulfates (figure 19). Chez l’Homme, la voie métabolique majoritaire est la conjugaison du BPA à l’acide glucuronique pour former le BPA-glucuronide. Cette conjugaison, catalysée par les isoformes UGT2B15 et UGT2B7, a principalement lieu dans le foie et dans une moindre mesure dans l’intestin (150). Le polymorphisme génétique de l’UGT2B15 pourrait entraîner des différences interindividuelles dans la capacité à détoxifier le BPA (15,151,152). La sulfatation du BPA, pour former le BPA-sulfate et le BPA-disulfate est également une voie d’élimination du BPA, mais les métabolites sulfatés du BPA sont plus rarement identifiés et quantifiés (15). La formation des conjugués du BPA est considérée comme une voie de détoxification du BPA puisque ceux-ci ne sont pas actifs sur les récepteurs aux œstrogènes (153,154).

Il a également été prouvé que le BPA et ses métabolites peuvent se conjuguer avec le glutathion et d'autres thiols formant le BPA-glutathion, le glutathionyl-phénol et le glutathionyle 4-isopropylphénol (étude in vitro chez la souris) (143).

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Figure 19. Voies métaboliques majeures du BPA chez les mammifères (15).

Des enzymes telles que la β-glucuronidase et la sulfatase étant présentes dans les tissus de mammifères (155,156), Ginsberg et al. suggèrent la possibilité d’une déconjugaison du BPA- glucuronide et du BPA-sulfate en BPA non conjugué alors actif sur les récepteurs œstrogéniques (157). La β-glucuronidase est présente dans les intestins humains mais aussi au niveau du placenta et du foie fœtal (158,159).

Des différences entre les espèces de mammifères ressortent des études toxicocinétiques disponibles concernant le métabolisme et l’élimination du BPA. Chez les rongeurs, le BPA- glucuronide est principalement éliminé dans la bile (160), et subit une recirculation entérohépatique (161), alors qu'il est principalement éliminé par voie urinaire chez l'Homme (162). Cette différence dans la voie d'excrétion est probablement attribuable aux différences entre les espèces dans le seuil de poids moléculaire pour l'élimination biliaire (rat : 350 Da, Homme : 550 Da). Etant donné que le poids moléculaire du BPA-glucuronide est de 404 Da, il est inférieur au seuil pour l'excrétion biliaire chez l'Homme.

III.1.B.d. Elimination

Chez l’Homme, le BPA est majoritairement éliminé sous-forme de BPA-glucuronide par voie urinaire, le BPA non conjugué et le BPA-sulfate étant retrouvés à des concentrations

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moins importantes dans les urines (134,163–170). La demi-vie terminale d’élimination du BPA-glucuronide a été estimée à 5,3 h par Völkel et al. en 2002 (133). Récemment, deux études ont permis d’estimer les demi-vies du BPA non conjugué, BPA-glucuronide, BPA sulfate et et BPA total. Teeguarden et al. ont rapporté des demi-vies de 5,5 h pour le BPA-non conjugué, de 7,3 h pour le BPA-glucuronide, de 5,0 h pour le BPA-sulfate et de 7,8 h pour le BPA total (171). Thayer et al. ont rapporté des demi-vies de 5,6 h pour le BPA non conjugué, de 5,5 h pour le BPA-glucuronide, 4,4 h pour le BPA-sulfate et de 6,4 h pour le BPA total (172).

De même, plusieurs études ont montré une excrétion du BPA dans le lait maternel (173– 175).

III.1.B.e. Passage fœto-placentaire

Plusieurs études ont montré la présence de BPA non conjugué dans le sang de cordon ombilical, le liquide amniotique, le placenta et le sérum des fœtus (24,176–181).

Chez le fœtus, plusieurs éléments sont à prendre en compte concernant la diffusion et l’élimination du BPA et du BPA-glucuronide : passage à travers le placenta (vers le fœtus et vers la mère), conjugaison/déconjugaison foetale et immaturité des enzymes. Concernant le passage à travers le placenta vers le fœtus, une étude ex vivo sur des placentas humains a montré que le taux de transfert du BPA était d’environ 27% après 3h de perfusion de BPA (182). Une autre étude, in vivo chez le rat (perfusion intra-utérine de BPA-glucuronide), a montré que seulement 0,13% de la dose maternelle de BPA-glucuronide était retrouvée chez le fœtus (159). Concernant le passage à travers le placenta vers la mère, une étude in vivo chez le mouton a montré que 67% de la dose de BPA injectée directement au fœtus était éliminé vers la mère en très peu de temps (demi-vie d’élimination 20 min) (183). Après injection d’une dose unique de BPA-glucuronide à un fœtus de mouton, seulement 4,9% de la dose totale est retrouvée dans l’urine de la mère sans que l’on en connaisse l’origine. En effet, le BPA-glucuronide peut provenir soit du passage direct du fœtus vers la mère, soit de l’hydrolyse en BPA chez le fœtus puis de sa reconjugaison chez la mère, une fois la barrière fœtoplacentaire traversée (183). La faible perméabilité du placenta (dans les deux sens) au BPA-glucuronide a également été montrée in vitro sur des placentas humains (184). De même, chez le fœtus de mouton, le BPA subit une transformation en BPA-glucuronide (24% de la dose de BPA injectée au fœtus). Il a également été montré chez le rat et chez le mouton que le BPA-glucruonide qui ne peut s’éliminer efficacement du fœtus vers la mère

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s’accumule et subit un cycle avec action de la β-glucuronidase qui le retransforme en BPA (159,183). Chez le fœtus, l’immaturité des enzymes telle que l’UGT2B paraît être contrebalancée par le fait que le BPA-glucuronide ne peut s’éliminer directement à travers le placenta (159,183). Par conséquent le BPA-glucuronide et le BPA risquent de s’accumuler chez le fœtus (159,183). La figure 20 présente une synthèse des mécanismes possibes intervenant dans l’exposition du fœtus au BPA et au BPA-G. Aucune étude ne répond clairement à la question des mécanismes intervenant dans l’exposition du fœtus au BPA.

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