I I.1.C. Mécanisme d’action
II.2. D Mécanisme d’action et toxicité
II.2.D.a. Mécanisme d’action
Le BPA répond à la définition de PE. Tous les mécanismes d’action du BPA ne sont pas encore connus. Le BPA a un mécanisme d’action œstrogénique reconnu mais il aurait également des effets sur d’autres récepteurs cellulaires (23) :
Action œstrogénique : le BPA est reconnu comme agoniste faible des récepteurs aux œstrogènes α et β (ERα et ERβ) (50),
Liaison au récepteur γ apparenté aux récepteurs aux œstrogènes ERRγ (51),
Induction de l’expression du récepteur nucléaire impliqué dans la prolifération des peroxysomes PPARγ (53),
Action probable sur le récepteur cellulaire aux androgènes (entrainant un effet anti- androgénique modéré), le récepteur des hydrocarbures aromatiques, le récepteur transmembranaire des œstrogènes, les récepteurs des hormones thyroïdiennes et le récepteur GPR30 impliqué dans la prolifération cellulaire (15,54,55).
Lors de l’exposition au BPA, plusieurs mécanismes seraient impliqués, ce qui pourrait expliquer certains effets observés à faibles doses et les relations dose-réponse non monotones (23).
46 II.2.D.b. Toxicité
Dans son rapport de 2011, l’ANSES a compilé les études de toxicité du BPA (23). Pour chaque type d’effet, le groupe de travail a caractérisé et qualifié ces effets en termes d’effets avérés, d’effets suspectés, d’effets controversés, et d’effets pour lesquels les données disponibles ne permettent pas de conclure. Les effets ont été classés dans ces différentes catégories en fonction des résultats des études, du nombre d’études, de la qualité des études. L’arbre décisionnel ayant permis de classer les effets dans les différentes catégories est présenté dans la figure 12. Le tableau 3 résume les effets sanitaires du BPA issus du rapport d’expertise de l’ANSES de 2011.
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Tableau 3. Synthèse de l’expertise de l’ANSES sur les effets sanitaires du BPA (ANSES, 2011) (Exposition adulte : EA, Exposition prénatale :
EPréN, Exposition périnatale : EPériN, exposition néonatale : EnN, Exposition postnatale : EposN) (23).
Effets Effets chez l’animal Effets chez l’Homme
Effet sur le système reproducteur male
Effet avéré : altération de la production spermatique à l’âge adulte
Effets suspectés : diminution des concentrations plasmatiques de testostérone, modification du
comportement sexuel du à une exposition pendant la période pubertaire
Effets controversés : effets lors de l’EpréN, EpériN, EnN et EpostN (lactation)
Effet controversé sur la fertilité
Effet sur le système reproducteur femelle
Effets avérés : augmentation de la survenue de kystes ovariens, apparition d’hyperplasie de
l’endomètre, avancement de l’âge de la puberté (EpréN et EpostN), effet sur l’axe hypothalamo- hypophysaire-gonadotrope du à une exposition in utéro et EpostN
Effet suspecté : Maturation ovocytaire Ne permettant pas de conclure : Effet
sur l’endomètre, sur les ovaires et les issues de grossesses
Effet sur le cerveau et le comportement
Effet avéré : modifications histologiques sur la neurogenèse (EpréN, EpériN) Effet suspecté : modification du comportement maternel (EpréN, EpostN)
Effets controversés : anxiété (EpréN, EperiN), comportement exploratoire, dimorphisme sexuel
comportemental
Données insuffisantes Effet sur le métabolisme
lipidique et glucidique et le système cardio-vasculaire
Effets avérés : augmentation de la lipidémie, tendance à la surcharge pondérale et activation de la
lipogenèse (EA, EpréN, EpériN)
Effet controversé : métabolisme du glucose (EpréN, EpériN)
Effet suspecté : pathologie
cardiovasculaire et diabète
Effet sur la thyroïde Effet suspecté : antagonisme des hormones thyroïdiennes (EnN) Données insuffisantes Effet sur le système
immunitaire Effets avérés : induction des lymphocytes T, surproduction des cytokines
Ne permet pas de conclure : 1 seule
étude
Effet sur l’intestin Effets suspectés : anti-inflammatoire et pronociceptif, diminution de la perméabilité intestinale (EA) Aucune étude Effet sur la prostate Effet controversé : augmentation du poids de la prostate (EA, EpréN)
Effet suspecté : lésion prostatique de type néoplasique prostatique intraépithéliale Aucune étude Effet sur le sein :
cancérogénicité
Effets avérés : Accélération de la maturation architecturale de la glande mammaire à l’âge adulte
(EPréN et EPériN), développement de lésions hyperplasiques intracanalaires (EPréN et EPériN)
Effet suspecté : développement de lésions de type néoplasique (EpériN), augmentation de la
susceptibilité des glandes mammaires à développer ultérieurement des tumeurs mammaires
Ne permet pas de conclure : 1 seule
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En 2013, l’ANSES édite un nouveau rapport sur l’évaluation des risques du BPA sur la santé (40). Ce rapport reprend les effets sanitaires du BPA du rapport de 2011 et fait une revue de la littérature scientifique depuis la parution de son rapport en septembre 2011 jusqu’en juin 2012 :
Les différents travaux réalisés sur les effets du BPA sur le système reproducteur mâle ne remettent pas en question les conclusions émises dans le rapport d’évaluation des risques de 2011 (23,40).
Les études publiées depuis l’adoption du rapport de l’ANSES de 2011 sur les effets sanitaires du BPA, concernant les effets sur le système reproducteur femelle, apportent un faisceau de données convergentes indiquant qu’une exposition développementale à des doses faibles pourrait être à l’origine de perturbations du processus méiotique chez la femelle et de la follicullogénèse précoce pouvant potentiellement conduire à une diminution de la réserve folliculaire (40,56,57). Les conséquences fonctionnelles de telles modifications pour la vie reproductive de l’adulte restent à estimer. Par ailleurs, un certain nombre d’études viennent conforter les effets précédemment retenus chez l’animal comme avérés (58–61).
Les études publiées depuis l’adoption du rapport sur les effets sanitaires du BPA, concernant les effets sur le cerveau et le comportement confortent les effets du BPA à des doses faibles sur le comportement exploratoire, les fonctions d’apprentissage et de mémoire, sur l’anxiété et sur l’altération du dimorphisme sexuel (62–65).
De nouvelles études expérimentales in vivo indiquent que le BPA exerce des effets sur la fonction endocrine du pancréas (sécrétion d’insuline) (66,67). Cet effet est également rapporté dans plusieurs études épidémiologiques (68,69). L’impact du BPA sur la lipogenèse, et donc son influence sur le risque d’obésité, sont renforcés par de nouvelles études tant expérimentales (in vivo et in vitro) qu’épidémiologiques (68,70–72).
Plusieurs études expérimentales in vivo sont venues conforter les effets avérés chez l’animal concernant le lien entre BPA et cancer du sein (73–75). En revanche, le développement de lésions de type néoplasique avec le BPA seul n’est toujours pas solidement étayé (73).
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Depuis le rapport de l’ANSES de 2013, de nouvelles études sur le lien entre BPA et maladies chroniques sont parues.
En 2014, une étude de Ménard et coll. a permis de montrer que l’exposition périnatale au BPA perturbe la réponse cellulaire aux antigènes alimentaires et augmente la susceptibilité aux infections intestinales parasitaires chez le rat juvénile. Cela souligne que le système immunitaire, pendant la période périnatale, est très sensible à de faibles doses de BPA, perturbant la réponse immunitaire innée et adaptative aux stades précoces du développement (76). Une seconde étude des mêmes auteurs démontre que l’exposition périnatale au BPA perturbe la tolérance et l’immunisation aux antigènes alimentaires. Le système immunitaire naïf des nouveau-nés est vulnérable à de faibles doses de BPA ce qui pourrait engendrer des intolérances alimentaires à l’âge adulte (77).
En ce qui concerne une association possible entre l’exposition au BPA et l’apparition de problèmes respiratoire à type d’asthme, dans une méta-analyse de 2016 trois études démontraient une association entre l’exposition au BPA et des risques plus élevés de développement de sifflement, ou de râle respiratoire. Trois autres études ont montré le même type d’association entre une exposition postnatale au BPA et le développement d’asthme ou de râle pendant l’enfance (78).
Au cours des dix dernières années, il a été démontré que globalement le BPA dégrade les fonctions reproductives femelle en affectant à la fois la morphologie et les fonctions de l’oviducte, de l’utérus, des ovaires ainsi que l’axe hypothalamo-pituitaire ovarien chez l’animal (79). De plus le BPA perturbe le cycle œstrogénique et l’implantation de l’œuf (79).
En 2014, une première étude a pu mettre en évidence une association entre l’exposition au BPA et la survenue de cancer de la prostate (80). Dans une cohorte de 60 patients d’un service d’urologie, les concentrations urinaires en BPA ajustées à la créatinine étaient significativement supérieures chez les patients ayant un cancer de la prostate (5.74 µg/g) que chez les patients sans cancer (1.43 µg/g) (80).
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