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Etude d’un complexe homoleptique de rhodium III

Chapitre 4 : Complexes du groupe 9

III. Etude d’un complexe homoleptique de rhodium III

Dans cette partie nous allons décrire la synthèse et les propriétés d’un complexe homoleptique de rhodiumIII.

III.1. Synthèse

Nous avons essayé de synthétiser le complexe homoleptique 442 (Équation 28). Pour cela, nous avons tout d’abord cherché à tirer parti du complexe 420, précédemment synthétisé. Malheureusement, la réaction de 420 avec l’anion [SPSMe][Li(THF)2] 211 conduit à un mélange de produits que nous n’avons pu identifier. Une synthèse alternative repose sur la réaction de deux équivalents d’anion 211 avec un précurseur de rhodiumIII tel [Rh(tht)3Cl3] (tht = tétrahydrothiophène). On obtient ainsi le complexe 442 avec un très bon rendement (Équation 28). Ce dernier a été complètement caractérisé par RMN et analyse élémentaire. Le spectre RMN 31P, qui présente un système A2B2C2 avec deux groupes PPh2S magnétiquement inéquivalents, permet d’établir la stéréochimie de 442.6

5 Une synthèse alternative, décrite par Brookhart et al., fait intervenir NaO(t-Bu) sous H

2 (1 atm).[90] 6 Ce complexe se synthétise également à partir de l’anion [SPSMe][Li(THF)

2] 211 et d’un demi équivalent de

P Ph2P PPh2 S S Ph Ph Me Li+ _ 211 420 P Ph2P PPh2 S S Ph Ph S P S = 0.5 [Rh(tht)3Cl3] THF, -78°C à ta - LiCl, - 3/2 tht R = 87% 442 Cl Rh S S S P P S Me Me PMe Rh S S PPh3 Cl Cl Ph Ph Équation 28

La structure de 442 a été vérifiée par diffraction aux rayons X (Figure 17). Les paramètres structuraux sont rassemblés dans le Tableau 4 en annexe à la fin de chapitre. 442 est octaédrique et l’on constate que les deux atomes de phosphore P1 et P4 sont en position

cis laissant les deux groupes PPh2S inéquivalents comme le montraient les données RMN. Les distances et angles du squelette phosphinine sont semblables à celles des autres complexes de rhodium décrits dans ce chapitre. On observe une dissymétrie des longueurs S-Rh (par exemple, S4-Rh1 2.3693(8) Å et Rh1-S3 2.4458(8) Å) en raison de la différence de stéréochimie. Aucune étude théorique n’a été entreprise pour expliquer la formation exclusive d’un seul diastéréoisomère.

Figure 17 : Structure de la partie cationique de 442. Les groupes phényles sont omis par souci de clarté.

III.2. Etude électrochimique

Comme on peut le voir sur la Figure 18, 442 se réduit réversiblement à E1/2 = -1.12 V (vs SCE) et l’on forme le complexe neutre de rhodiumII à 19 électrons 443.

-2000 -1500 -1000 -500 0 E (mV) 500

Figure 18 : voltamétrie cyclique de 442 (2 mM) dans le CH2Cl2 à 20°C. Vitesse de balayage : 50 mV.s-1. Électrolyte : [NBu4][ BF4] (0.3 M).

La réduction peut également avoir lieu chimiquement en présence de zinc comme réducteur. Ainsi, la réaction de 442 et de poudre de zinc en excès dans le THF conduit à la dissolution complète du réactif et à un changement de couleur de l’orange vers le marron. Cette réduction s’accompagne également de la disparition du signal RMN 31P. Le complexe 443 est stable en solution, mais il est extrêmement sensible à l’oxygène : l’exposition de 443 à l’air provoque instantanément la reformation du complexe 442 (Équation 29). Malheureusement, nous n’avons obtenu aucun cristal analysable aux rayons X du complexe 443. 442 Zn, THF air 443 R = 95% Cl Rh S S S P P S Me Me Rh S S S P P S Me Me P Ph2P PPh2 S S Ph Ph S P S = Équation 29

Comparés aux complexes de rhodiumI et de rhodiumIII, il existe à ce jour très peu d’exemples de complexes mononucléaires de rhodiumII.[91-101] Seuls deux d’entre eux ont été cristallisés et les méthodes de caractérisation des complexes de rhodiumII relèvent généralement de la RPE et dans très peu de cas de calculs DFT. Il est désormais accepté que des études couplées RPE et DFT sont les plus appropriées pour caractériser ces complexes paramagnétiques. Nous nous sommes donc tournés vers la RPE et les calculs DFT afin d’obtenir des informations structurales sur 443.

III.3. Résultats RPE7

La réduction électrochimique du complexe 442, in situ dans la cavité RPE à température ambiante, conduit au spectre RPE suivant (Figure 19A). Ce spectre, centré à g = 2.0843, est composé de trois signaux larges qui se recouvrent partiellement et montre une interaction hyperfine (22.5 G) avec deux spins ½ équivalents (deux noyaux 31P). La largeur du

7 L’étude RPE a été menée en collaboration avec l’équipe du Pr. Michel Geoffroy (Prashant Adkine, Dr Théo

trait est probablement due à la réorientation lente du complexe et au couplage avec d’autres noyaux (103Rh et les quatre autres 31P). La réduction de 442 peut également avoir lieu chimiquement : l’emploi de naphthalénide de sodium, de miroir d’argent ou de poudre de zinc comme agent réducteur vis-à-vis du complexe 442 conduit à des spectres similaires à celui de la Figure 19A. Ce spectre a été simulé avec succès (Figure 19B).

2 9 0 0 3 0 0 0 3 1 0 0 3 2 0 0 3 3 0 0 34 0 0 3 5 0 0 3 6 0 0

m a g n e tic fi e ld ( Ga u s s)

A B

Figure 19 : Spectre RPE expérimental (A), simulé (B) après réduction électrochimique de 442 dans le CH2Cl2 à 300K.

De plus, nous avons obtenu le spectre de 443 à 100 K après réduction chimique (Figure 20A). Il présente un triplet intense à g = 2.1197 et un motif plus compliqué à g = 1.999. La forme de ce signal indique un tenseur g axial. De plus, le couplage avec deux spins ½ mesuré sur la composante perpendiculaire est proche du couplage mesuré sur le spectre isotrope ; cela signale que la composante hyperfine parallèle est de l’ordre de 22 G pour le noyau correspondant. En tenant compte des valeurs de g et des propriétés hyperfines, la simulation du set parallèle nécessite la contribution d’un noyau supplémentaire de spin ½ (Figure 20B).8 Le dédoublement, proche de 9 G, est attribué à l’atome de rhodium (103Rh, I = ½, abondance naturelle : 100%) tandis que les deux constantes hyperfines (22.5 G) aux deux atomes de phosphore directement liés au métal.

2900 3000 3100 3200 3300 3400 3500 3600

agrandissement

B

Figure 20 : Spectre RPE expérimental en solution gelée (A) simulé (B) après réduction électrochimique de

442 dans le THF à 100K.

La valeur moyenne de g est significativement différente de celle d’un électron libre et indique une participation du métal dans la structure paramagnétique. On sait que les complexes mononucléaires de platine d7 adoptent une configuration bas spin.[92] Sous l’effet Jahn-Teller, le complexe octaédrique de configuration initiale (t2g)6 (eg)1 subit une distorsion axiale avec l’électron non apparié dans l’orbitale dz2 (g⊥ > g// ) ou dx2-y2 (g⊥ < g//). Le spectre

8 Le spectre en solution gelée a été calculé avec le programme donné en référence [102] et le détail est présenté en

de la Figure 20A, avec g⊥ ≥ g//, s’accorde donc avec la structure d’un complexe de rhodiumII octaédrique avec une élongation tétragonale. Ces résultats, couplés à la réduction réversible observée en voltamétrie cyclique, montre que les spectres des Figure 19 et Figure 20 peuvent être attribués au complexe 443.

III.4. Calculs DFT7

Nous avons entrepris une série de calculs DFT afin de confirmer la géométrie du complexe de rhodiumII 443. Nous avons employé la fonctionnelle B3LYP.[103-105] Un pseudo potentiel de type Hay Wadt a été utilisé pour décrire les 28 électrons de cœur de l’atome de rhodium.[3] Il a été associé à la base double ζ lanl2dz.[3] Tous les autres atomes sont décrits en 6-31G*.[4-6] Nous avons optimisé et caractérisé comme minima de la surface d’énergie les complexes modèles II et III dans lesquels les groupes phényles sont remplacés par des atomes d’hydrogène (Figure 21).9 Comme on peut le voir Tableau 1, le passage de II à III entraîne une élongation drastique des deux longueurs Rh-S axiales (de 2.458 à 2.937 Å). D’après la théorie du champ cristallin,[106] la structure d’un complexe du type [ML4X2] dépend de la force de liaison σ des ligands avec le métal. Lorsque X est plus σ-donneur que L, la géométrie résultante présente des distances courtes M-X et des distances M-L moyennes et longues, en accord avec la structure de III. Dans les systèmes avec deux liaisons Rh-L allongées, on attend un tenseur g axial avec g⊥ > g// ; pour 443, on a g⊥ = 2.1197 et g// = 1.999). Rh S1 S2 S3 S4 P1 P2 P3 P4 P5 P6 Rh S1 S2 S3 S4 P1 P2 P3 P4 P5 P6 II III

Figure 21 : Structures de II et III optimisées au niveau B3LYP.

Tableau 1 : sélection de distances et angles des complexes 442 (expérimental), II et III optimisés au niveau B3LYP. Longueurs exprimées en Å et angles en °.

442 II III Rh-S4 2.3693(8) 2.458 2.937 Rh-S1 2.3641(8) 2.458 2.937 Rh-S2 2.4462(8) 2.536 2.534 Rh-S3 2.4458(8) 2.536 2.534 Rh-P1 2.2661(8) 2.350 2.343 Rh-P4 2.2617(7) 2.350 2.343 P1-Rh-P4 98.96(3) 100.5 99.09 S1-Rh-S4 178.85(3) 176.0 175.3 Rh-S1-P2 108.26(4) 103.0 96.0

9 Les complexes II et III ont été optimisés avec une contrainte C 2.

L’électron célibataire de III est essentiellement localisé sur l’orbitale dz2 du métal et les orbitales p des atomes de soufre en position axiale (Figure 22). D’après les coefficients de la SOMO, la densité de spin des atomes de soufre est de 0.21 pour les atomes de soufre en position axiale contre 0.02 en position équatoriale. La délocalisation de l’électron sur chaque hétérocycle est faible (ρ ≈ 0.07 avec une contribution ρ = 0.045 des atomes de phosphore). Le couplage du rhodium n’est pas résolu dans le spectre RPE en phase liquide, mais, comme le montre la Figure 20B, il participe au composant parallèle de la structure dans le spectre en solution gelée.

Figure 22 : SOMO de III.

Le spectre RPE s’accorde à celui de Dunbar pour [Rh(TMPP)2][BF4]2 (TMPP = tris- (2,4,6-tri-méthoxyphényl)phosphine),[107, 108] l’un des rares monomère de rhodiumII hexacoordonné cristalisé : les tenseurs g sont tous deux axiaux avec g⊥ > g// et l’on observe un dédoublement hyperfin causé par l’atome de rhodium. Cependant, le couplage des atomes de phosphore observé pour 443 et sa plus faible g-anisotropie révèle que la délocalisation du spin sur les ligands est plus importante pour 443 que pour [Rh(TMPP)2][BF4]2.

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