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Chapitre 4 : Complexes du groupe 9

II. Complexes du groupe 9

II.1. Addition de H 2

II.1.6. Calcul des états de transition

Enfin, nous nous sommes penchés sur le mécanisme d’addition oxydante du dihydrogène sur le complexe [M(SPSMe)(PH3)] (M = Rh, Ir) en optimisant et en caractérisant l’état de transition qui conduit aux isomères syn-SS Ia et Ib au niveau B3PW91/B2 (Figure 6). Dans les états de transition du rhodium (TS-Ia) et de l’iridium (TS-Ib), la liaison H-H est légèrement allongée (0.818 et 0.825 Å pour TS-Ia et TS-Ib, resp.) par rapport à la molécule H2 libre (0.744 Å). L’état de transition de la réaction d’addition oxydante conduisant au complexe dihydrure syn-SS est donc un complexe d’hydrogène moléculaire. La liaison M-H est environ 0.3-0.4 Å plus longue que dans le complexe dihydrure syn-SS et le fragment métallique est distordu par rapport à la géométrie initiale : il possède une géométrie papillon avec un angle S-M-S de 131.6° pour le rhodium et 153.3° pour l’iridium (contre 173.9° et

172.7° dans le réactif [M(SPSMe)(PH3)]). Ainsi, la géométrie de l’état de transition est une bipyramide trigonale distordue avec une molécule de dihydrogène qui occupe un site équatorial.

Les valeurs de l’angle de pliage S-M-S (l’angle S-M-S est plus grand pour l’iridium) permettent de conclure que l’état de transition du complexe d’iridium est plus précoce que celui de rhodium, en accord avec la plus forte exothermicité de réaction du complexe d’iridium (Tableau 9). Cependant, l’énergie d’activation ∆E‡ est légèrement plus élevée dans le cas de l’iridium (+8.8 kcal.mol-1 contre +8.2 kcal.mol-1 pour le rhodium). On retrouve le même ordre d’énergie pour les valeurs de l’enthalpie libre ∆G‡ (+19.1 contre +19.6 kcal.mol-1 pour le rhodium). Ainsi, les valeurs de l’énergie d’activation (∆E‡ ~ 8 kcal.mol-1) et de l’enthalpie libre de la réaction (∆G‡ ~ 19 kcal.mol-1) s’accorde avec la réactivité expérimentale de l’addition oxydante qui est réalisée à température ambiante.

Rh (TS-Ia) Ir (TS-Ib)

Figure 6 : Géométries optimisées des états de transition pour l’addition de H2 sur le complexe [Rh(SPSMe)(PH

3)]. Les atomes d’hydrogène autres que ceux qui sont liés au métal sont omis par souci de clarté. Sélection de paramètres géométriques (liaisons en Å et angles en °) : Rh (TS-Ia) : H-H 0.818, Rh-H1 1.879, Rh-H2 1.893, S1-Rh 2.490, S2-Rh 2.509, P1-Rh 2.281, P4-Rh 2.316, S1-Rh-S2 131.6, P1-Rh-P4 170.7. Ir (TS-Ib) : H-H 0.825, Ir-H1 1.897, Ir-H2, 1.944, S1-Ir 2.432, S2-Ir 2.447, P1-Ir 2.287, P4-Ir 2.291, S1-Ir-S2 153.3, P1-Ir-P4 162.3.

La valeur du terme d’énergie d’activation a également été analysée par le biais d’un cycle thermodynamique. Comme l’état de transition correspond à un complexe de dihydrogène moléculaire, la réaction d’addition oxydante n’a pas eu lieu, et l’état de transition correspond à l’interaction du fragment métallique singulet distordu 1[M(SPSMe)(PH3)]dist. avec une molécule d’hydrogène très légèrement allongée. L’énergie d’activation (∆E‡) de la réaction d’addition du dihydrogène sur les complexes de rhodium et d’iridium conduisant aux isomères syn-SS se décompose comme :

i) L’énergie de distorsion du complexe 1[M(SPSMe)(PH3)] de sa géométrie plan carré initiale à sa géométrie dans l’état de transition 1[M(SPSMe)(PH3)]dist. (∆ES dist.) (Équation 7);

Rh P2 S2 S1 P3 P4 P1 1[M(SPSMe)(PH 3)] 1[M(SPSMe)(PH3)]dist ∆ES dist Rh P2 S2 S1 P3 P4 P1 Équation 7

ii) L’énergie d’élongation du dihydrogène (∆Estretch. (H-H)) (Équation 8) ;

∆Estretch (H-H)

(H2)allongé H2

Équation 8

iii) L’énergie d’interaction entre le fragment métallique distordu 1[M(SPSMe)(PH3)]dist. et la molécule d’hydrogène allongée (H2)allongé (Équation 9).

1[M(SPSMe)(PH 3)(H2)]dist ∆Eint. Rh P2 S2 S1 P3 P4 P1 1[M(SPSMe)(PH 3)(H2)] + + (H2)allongé TS-Ia Équation 9

L’énergie d’activation associée à cette réaction d’addition oxydante pour former l’isomère syn-SS s’exprime donc sous la forme ∆E = ∆E

S dist. + ∆Estretch.(H-H) + ∆Eint. (Schéma 4).

1[M(SPSMe)(PH 3)] + H2

1[M(SPSMe)(PH

3)]dist + H2 1[M(SPSMe)(PH3)]dist + (H-H)allongé 1[M(SPSMe)(PH 3)(H2)] ∆E ∆ES. dist. ∆Estretch. (H-H) ∆Eint. Schéma 4

Le résultat de cette décomposition de l’énergie d’activation est présenté Tableau 9. On constate que le terme ∆ES dist. qui caractérise la distorsion du fragment métallique représente la plus grande partie de l’énergie d’activation (+9.5 sur +8.2 kcal.mol-1 pour le complexe de rhodium et +7.4 sur +8.8 kcal.mol-1 pour le complexe d’iridium). De plus, on vérifie que la valeur du terme de distorsion du fragment métallique (∆ES dist.) croit avec la pliure de l’angle S-M-S ; en effet, quand on passe du complexe d’iridium au complexe de rhodium, l’énergie de distorsion du fragment métallique croit de +7.4 à +9.5 kcal.mol-1 tandis que l’angle S-M-S, voisin de 173° dans les réactifs, se ferme de 153.3° à 131.6°. Ainsi, le terme de distorsion du fragment métallique favorise légèrement la formation du complexe d’iridium. Cependant, l’énergie d’interaction métal dihydrogène moléculaire, plus favorable pour le rhodium (-3.3 contre -1.0 kcal.mol-1 pour l’iridium) explique la faible augmentation de l’énergie d’activation quand on passe du rhodium (+8.2 kcal.mol-1) à l’iridium (+8.8 kcal.mol-1).

Tableau 9 : Décomposition de l’énergie d’activation (∆E‡ exprimée en kcal.mol-1) pour l’addition de H 2 sur [M(SPSMe)(PH

3)] conduisant à l’isomère syn-SS (M = Rh (TS-Ia), Ir (TS-Ib)).

TS (syn-SS) Rh (TS-Ia) Ir (TS-Ib)

∆ES dist. +9.5 +7.4

∆Estretch. (H-H) +2.0 +2.4

∆Eint. -3.3 -1.0

∆E‡ +8.2 +8.8

Il est cependant étonnant que pour les deux états de transition l’énergie d’interaction métal dihydrogène moléculaire reste faible (-3.3 et -1.0 kcal.mol-1) et ce malgré des distances métal dihydrogène relativement courtes 1.887 Å (1.920 Å resp.) en moyenne pour le rhodium (l’iridium resp.). Ce résultat s’explique simplement par le diagramme d’interaction faisant intervenir les OM du fragment métallique dans la géométrie papillon et les OM de la molécule de dihydrogène allongée (Figure 7). Les principales OM du fragment métallique sont constituées de deux orbitales doublement occupées de symétries différentes (la HOMO est l’orbitale dyz antisymétrique et la HOMO-1 est l’orbitale dz2 symétrique) et d’une OM vacante symétrique (LUMOmétal). Les OM de la molécule d’hydrogène sont l’orbitale doublement occupée σH2 et l’orbitale vacante σH2*. La rétrodonation fait intervenir les OM dyz et σH2* et conduit à une stabilisation. La donation de la σH2 dans la LUMO du fragment métallique est fortement perturbée par une interaction répulsive de l’OM dz2. On observe alors une interaction à trois OM et quatre électrons. Cette interaction répulsive conduit à une HOMO antiliante entre le métal et l’hydrogène. On comprend ainsi pourquoi l’énergie d’interaction métal dihydrogène moléculaire est au total proche de zéro : une forte interaction répulsive s’ajoute aux deux interactions stabilisantes (donation et rétrodonation).

P P S S P P S S HOMO (antiliante M-H2) HOMO-1 (liante M-H2) P P S S HOMO-1 z2 HOMO yz LUMO σH2 σH2* z x y

Figure 7 : Principales interactions entre les OM du fragment métallique et de H2 à l’état de transition.

Cette analyse qualitative est corroborée par la forme des deux OM les plus hautes en énergie (Figure 8). La HOMO-1 illustre la rétrodonation (donc la combinaison liante) de l’orbitale dyz vers la σH2* et la HOMO (orbitale dz2 polarisée combinée à l’orbitale σH2) est antiliante entre le fragment métallique et le dihydrogène.

HOMO HOMO-1

Figure 8 : Dessins des deux OM les plus hautes en énergie dans l’état de transition Rh(TS-Ia).

II.1.7. Conclusion

Les calculs DFT permettent d’expliquer convenablement la régiosélectivité de l’addition oxydante du dihydrogène sur le complexe modèle [M(SPSMe)(PH3)] (M = Rh, Ir). La discrimination faciale qui conduit à l’isomère syn-SS est gouvernée tant par l’énergie de distorsion du fragment métallique à l’état triplet que par la force des liaisons métal hydrogène qui se forment. La plus forte exothermicité de la réaction dans le cas du complexe d’iridium provient de la plus grande force de la liaison M-H. Des calculs menés sur les complexes réels

confirment ces résultats. Enfin, l’état de transition de cette réaction d’addition oxydante est un complexe d’hydrogène moléculaire situé entre 8 et 9 kcal.mol-1 au dessus des réactifs.

Il est par contre important de préciser que les calculs DFT ont été réalisés avant les expériences et qu’ils prédisent et concordent à tous points de vue à la réactivité expérimentale. La valeur du terme d’enthalpie libre d’activation (de l’ordre de 19 kcal.mol-1) s’accorde avec une réaction d’addition oxydante réalisée à température ambiante. La différence de réactivité expérimentale des complexes de rhodium et d’iridium (addition de dihydrogène réversible pour le complexe de rhodium et formation irréversible du complexe dihydrure d’iridium) a été rationalisée par les valeurs de l’enthalpie libre de réaction (proche de zéro pour le rhodium et très négative pour l’iridium).

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