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Le comportement de cour est une des composantes du SMRS chez les Lépidoptères. Il est essentiel au bon déroulement de la reproduction et peut être un des agents du maintien de la spécificité de la rencontre des partenaires sexuels. Il constitue souvent la dernière barrière (sans compter les différences morphologiques au niveau des pièces génitales) permettant l’isolement reproducteur pré-zygotique entre deux espèces.

Le comportement de cour de B. fusca n’était pas connu. Son étude est indispensable à la compréhension des mécanismes qui conduisent à l’accouplement entre les individus et doit nous permettre de statuer sur l’existence d’une phéromone sexuelle mâle. Ce point est important, puisque les signaux chimiques émis par les mâles de certaines espèces de Lépidoptères renforcent la spécificité de la reconnaissance du partenaire sexuel.

Les phéromones sexuelles produites par les mâles sont issues de composés prélevés dans leur milieu de vie lors de l’alimentation larvaire. Ces phéromones sont un reflet de la valeur adaptative de l’individu qui les émet (Birch et al., 1989). Une phéromone mâle de qualité, possédant les ratios exacts de chaque composé et présentant une quantité totale précise, montrera que le mâle qui se présente est en bonne santé et qu’il fera un bon reproducteur. Le phéromones sexuelles mâles jouent donc un rôle essentiel dans la sélection des mâles par les femelles et donc dans le choix d’un partenaire sexuel capable de donner la meilleure descendance possible (Jacquin et al., 1991).

D’un point de vue appliqué, la compréhension des processus comportementaux qui conduisent le mâle vers la femelle peut servir à la conception de pièges phéromonaux aux formes adaptées à ce comportement. Nous avons donc étudié et analysé le comportement de cour de B. fusca, qui n’avait jamais été décrit.

Comportement de cour

Le comportement de cour de B. fusca est peu sophistiqué. La phéromone sexuelle de la femelle module le vol orienté du mâle qui atterrit sur la tige de la plante sous la femelle. Ce comportement doit être pris en compte pour le choix du piège à phéromone à utiliser. Le rejet du mâle par la femelle, en arrêtant le comportement d’appel, est le principal facteur qui fait que l’accouplement n’a pas lieu. Chez la plupart des Lépidoptères, le choix final du partenaire sexuel en vue de l’accouplement est une décision de la femelle (Zagatti et Castel, 1987). Les mâles de B. fusca ne présentent donc pas un comportement de cour hautement élaboré, contrairement à d’autres espèces de Lépidoptères Noctuidae. Dans le cas de notre modèle, la phéromone est un mélange de quatre composés dont trois avec 14 atomes de carbone et un avec 16 atomes de carbone (voir l’article sur la phéromone dans ce manuscrit). Au cours de l’évolution, dans le cas de la lignée qui a conduit à l’espèce B. fusca, la complexification de la phéromone sexuelle femelle a été favorisée. La phéromone doit jouer donc un rôle majeur dans la reconnaissance du partenaire sexuel au détriment du comportement de cour, qui est resté simple.

Nous pouvons introduire ici la notion d’investissement différentiel dans différents types de mécanismes pouvant conduire à la reconnaissance du partenaire sexuel et à éviter les accouplements interspécifiques. Des exemples dans la littérature nous montrent que lorsqu’une des étapes du SMRS est complexe, comme la production de mélanges phéromonaux femelles sophistiqués, les étapes suivantes peuvent être moins élaborée, à l’exemple d’un comportement de cour simple et de durée relativement brève, c’est le phénomène observé chez B. fusca. Inversement, une phéromone sexuelle simple, constituée d’isomères du même composé par exemple, conduit à la mise en place d’un comportement de cour élaboré et spécifique, qui s’accompagnera souvent de la mise en jeu d’une phéromone sexuelle mâle.

Par exemple, la phéromone sexuelle femelle de Mamestra brassicae Linné 1758 (Lepidoptera : Noctuidae) est un mélange simple de seulement deux acétates (Subchev et al., 1987) et, par contre, l’identification de la phéromone sexuelle mâle de M. brassicae par Jacquin et al. (1991) a permis de décrire un mélange complexe de six composés. Dans les expériences d’électro-antennographie, les femelles ainsi que les mâles répondent à tous les composants de la phéromone sexuelle mâle. Cela pourrait indiquer à la fois une action sur les femelles pour l’accouplement, mais aussi une inhibition des autres mâles compétiteurs (Toth, 1982).

Comportement de cour

Dans un autre cas, les mâles de Cryptophlebia leucotreta (Meyrick) (Lepidoptera : Tortricidae) possèdent trois types d’androconies qui sont utilisées successivement lors du comportement de cour (Zagatti et Castel, 1987). Ce comportement de cour est assez complexe avec plusieurs étapes pendant lesquelles le mâle déploie toutes ses androconies : les corematas situées à l’extrémité de l’abdomen, les glandes alaires et les androconies situées sur les pattes arrières. Bien que l’usage de ces androconies ne semble pas indispensable, il augmente fortement et significativement le taux d’accouplement. La phéromone sexuelle femelle est simplement composée de deux isomères d’acétates (Newton et al., 1993).

Le comportement de cour de Grapholesta molesta (Busck) (Lepidoptera : Tortricidae) se réalise en plusieurs étapes : le mâle attiré par la femelle atterrit devant elle et sort ses pinceaux androconiaux situés entre les 7ème et 8ème segments abdominaux. Il attire la femelle qui touche son abdomen avec ses antennes, ce qui déclenche chez le mâle les tentatives d’accouplement (Baker et Cardé, 1979 ; Löfstedt et al., 1989). La phéromone sexuelle femelle est aussi relativement simple puisqu’elle est composée de deux isomères d’acétates et d’un alcool, tous composés de 12 atomes de carbone (El-Sayed et Trimble, 2002).

Deux autres Lépidoptères, Heliothis virescens (Fabricius) (Lepidoptera : Heliothinae) et

Peridroma saucia (Hübner) (Lepidoptera : Noctuidae) présentent un comportement de cour

particulier et spécifique et les mâles de P. saucia libèrent une phéromone sexuelle (Teal et al., 1981 ; Birch et al., 1976). Leurs phéromones sexuelles femelles sont simples (Hendricks et

al., 1989 ; Inomata et al., 2002).

Tout comme B. fusca, S. nonagrioides (Lepidoptera : Noctuidae) ne présente pas de comportement de cour sophistiqué et le mâle ne libère pas de phéromone sexuelle (Babilis et Mazomenos, 1992). Par contre, la phéromone sexuelle femelle est complexe avec deux acétates, un à 12 et un à 16 atomes de carbone, un aldéhyde et un alcool (Sans, 1997). Un autre Lépidoptère Noctuidae, Spodoptera littoralis (Boisduval), est dans le même cas avec une phéromone sexuelle femelle composée de nombreux produits avec une voire deux doubles liaisons (Dunkelblum, 1982) et un comportement de cour simple et rapide (Ellis et Brimacombe, 1980).

De nombreux exemples vont dans le sens de cette hypothèse d’investissement différentiel, qui ne peut cependant pas être généralisé à toutes les espèces. Par exemple, chez P. interpunctella (Lepidoptera : Pyralidae), le mâle produit une phéromone sexuelle alors que la phéromone femelle (Grant et al., 1975) est complexe avec des composés à deux doubles liaisons (Hu et

Phéromone