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Etude chimique de l’extrait FOCIC

IX. Etude de la compétition entre l’endophyte BSNB-0294 et Fusarium oxysporum

9.2. Etude chimique des extraits de BSNB-0294 et F. oxysporum lors de leur co-culture

9.2.2. Etude chimique de l’extrait FOCIC

Le processus de déréplication lors de l’analyse du réseau moléculaire a montré la présence d’analogues de beauvericine et d’enniatines dans l’extrait du phytopathogène étudié. En parallèle, la comparaison des extraits de la compétition au cours du temps a permis d’identifier un ion à m/z 583,31 dont le signal est plus intense lors de la compétition (Partie 9.1.1 p.157).

Cet ion à m/z 583,31 est présent dans la fraction FOCIC-F7. La purification de cette fraction a permis l’isolement de quatre molécules dont deux molécules connues : la bassiatine (40) et le (−)-cyclonerodiol (41). Ces molécules ont été identifiées par l’analyse des spectres RMN 1D et 2D, la mesure de la masse en haute résolution et la comparaison avec les données de la littérature (Annexes S79 et S80).396,397 La xylariacéine A (36) produite par BSNB-0294 est également isolée suite à sa diffusion dans le milieu de culture d’après le spectre RMN-1H et la mesure de la masse en haute résolution.

La molécule 42 isolée est la molécule ciblée, possédant l’ion moléculaire à m/z 583,3135 qui détermine une formule brute C30H46O11 (calc. [M+H]+ 583,3113, err. 3,77 ppm) (Annexe S81). Le spectre RMN-1H ainsi que l’expérience 2D HSQC 1H-13C permettent d’identifier quatre méthines associées à une insaturation (δH 6,09 / 6,02 / 5,56 et 5,20), neuf autres méthines, dont six étant plus déblindées (δH 4,69 / 4,65 / 3,41 / 3,39 / 3,36 / 3,28 / 2,53 / 1,85 et 1,69), cinq méthylènes dont un plus déblindé (δH [3,80 et 3,70] / 2,57 / 2,43 / [1,36 et 1,09] / [1,48 et 1,05]) ainsi que six groupements méthyles. Le spectre RMN-13C indique en plus la présence de six carbones quaternaires (δC 173,1 / 165,1 / 164,2 / 163,3 / 132,6 et 123,7).

Les corrélations COSY 1H-1H permettent de relier les protons entre H-11 (δH 5,20 δC 139,3) et H-18 H 0,89 δC 11,6) (Figure IX. 14). Trois groupements méthyles (δH 0,92 δC 20,3 / δH 0,88 δC 17,6 et δH 0,87 δC 16,0) sont ainsi placés sur cette chaîne respectivement sur la position 12, 14 et 16. Le

394 Kawaguchi M., Fukuda T., et al., A new ascochlorin derivative from Cylindrocarpon sp. FKI-4602. J. Antibiot. 2013,

66, p. 23–29.

395 Jiang J., Yu X., et al., Chemical constituents of the roots of Patrinia scabiosaefolia and the cytotoxicity of Patrineolignans A and B. Chem. Nat. Compd. 2017, 53, p. 143–146.

396 Kagamizono T., Nishino E., et al., Bassiatin, a new platelet aggregation inhibitor produced by Beauveria bassiana K-717. J. Antibiot. 1995, 48, p. 1407–1412.

397 Langhanki J., Rudolph K., et al., Total synthesis and biological evaluation of the natural product (−)-Cyclonerodiol, a new inhibitor of IL-4 signaling. Org. Biomol. Chem. 2014, 12, p. 9707–9715.

174 déplacement carbone du méthine en position 15 à δC 83,7 indique la présence d’un oxygène. D’après les corrélations HMBC 1H-13C, le proton H-15 corrèle avec un carbone quaternaire à δC 173,1. Un groupement ester est ainsi placé en position 15, compte tenu du méthyle à δH 2,05 δC 20,9 qui corrèle également avec le carbone quaternaire à δC 173,1. Les protons de H-6 à H-9 sont également reliés par les corrélations COSY 1H-1H indiquant ainsi l’enchaînement de deux méthylènes (δH 2,57 et 2,43) à une double liaison (δH 5,56 δC 125,9 / δH 6,09 δC 139,3) (Figure IX. 14).

Figure IX. 14. Corrélations COSY 1H-1H (trait plein), HMBC 1H-13C (flèche bleue) et NOESY 1H-1H (flèche rouge) visibles sur les spectres RMN 2D ayant permis la détermination de la molécule 42.

Les corrélations HMBC permettent de placer le carbone quaternaire à δC 132,6 entre les protons CH insaturés H-9 (δH 6,09 δC 137,8) et H-11 (δH 5,20 δC 139,3). Une chaîne alkyle est ainsi formée, avec la succession de ces deux doubles liaisons. Le dernier groupement méthyle à δH 1,73 δC 12,8 est placé sur ce carbone quaternaire compte tenu de ses corrélations HMBC avec 9, 10 et C-11 (Figure IX. 14).

La constante de couplage entre H-8 et H-9 est évaluée à 15,3 Hz ce qui atteste d’une configuration E de la double liaison.370 Des corrélations NOESY permettent de déterminer la configuration de la double liaison en position 10 et 11 : les protons du groupement méthyle en position 19 corrèlent avec le proton H-8 et une corrélation NOESY est observée entre H-9 et H-11. Un groupement hexose est également identifié d’après les déplacements caractéristiques des protons (δH entre 4,70 et 3,20) et des carbones (δC 106,3 pour le proton anomérique, δC 62,2 pour le CH2 puis δC entre 70 et 80 pour les méthines) ainsi que les corrélations COSY permettant de déterminer la succession d’un méthylène déblindé et de cinq méthines. Les corrélations NOESY 1H-1H entre H-1’ (δH 4,69) et H-5’ (δH 3,28) permettent de déterminer la configuration β de ce sucre.

Afin de correspondre à la formule brute ainsi qu’aux spectres RMN, quatre carbones quaternaires C 165,1 / 164,2 / 163,3 et 123,7) restent à placer sur la molécule ainsi qu’une méthine insaturée H 6,01 δC 103,1), trois oxygènes et un proton labile. Quatre autres insaturations restent à intégrer.

Compte tenu des corrélations HMBC entre les méthylènes en position 6 et 7 et le carbone à δC 163,3, la chaîne alkyle peut être rattachée à ce carbone quaternaire. Le déblindage de ce carbone laisse supposer la présence d’un oxygène sur ce dernier. Les corrélations HMBC entre le méthylène en position 6 et le dernier méthine (δH 6,02 δC 103,1) permet de déterminer une double liaison en position 4 et 5.

Le proton de cette double liaison ainsi que le proton anomérique H-1’ du sucre corrèlent tous deux avec le carbone quaternaire à δC 123,7 d’après le spectre HMBC. Les derniers carbones quaternaires à δC 165,1 et δC 164,2 ne sont en revanche vus par aucun proton sur le spectre HMBC.

175 Afin de respecter le nombre d’oxygène et de protons de cette molécule, un groupement carboxylique peut être associé à l’un de ces carbones quaternaires.

Ainsi la formation d’un cycle furane substitué par un acide carboxylique, un sucre et la chaîne alkyle précédemment identifiée permet de respecter le nombre d’insaturations ainsi que la formule brute de la molécule. En revanche, si la position de la chaîne alkyle est clairement déterminée par les corrélations HMBC, les positions du groupement carboxylique et du sucre restent à établir sachant que les spectres RMN n’apportent aucune indication.

Deux possibilités sont évaluées : soit l’acide carboxylique est en position 2 et le sucre en position 3, soit l’inverse. Les déplacements chimiques des carbones sont alors déterminants du fait du déblindage apporté par la présence des oxygènes. D’après les prédictions de ces déplacements (Figure IX. 15), la substitution du sucre en position 2 occasionnerait un déplacement chimique de C-2 avec un δC autour de 167 et un déplacement de C-3 vers δC 90, ce qui est loin des déplacements observés. En revanche, la substitution du sucre en position 3 fait bien correspondre les déplacements à nos observations de δC 160,8. Le proton anomérique H-1’ du sucre corrèle alors en J4 avec le carbone C-2 à δC 123,7.

Figure IX. 15. Prédiction des déplacements carbones pour les deux possibilités de structure envisagées. Les corrélations NOESY 1H-1H de la molécule permettent de déterminer une configuration β du sucre. La configuration absolue de cette molécule contenant 9 centres asymétriques a été déterminée par le calcul des déplacements RMN-13C selon la méthode probabiliste DP4.398 Un des stéréoisomères a été retenu avec 95% de probabilité (Annexe S81). Le dichroïsme circulaire de la molécule 41 a alors été comparé au spectre simulé de ce diastéoisomère. La superposition de ces deux spectres confirme la configuration absolue du composé 42.

Cette molécule, nommée focicine (42), est ainsi formée d’un furane sur lequel sont substitués un sucre, un acide carboxylique et une chaîne insaturée ramifiée. Une telle molécule n’avait jamais été identifiée jusqu’alors dans la littérature.

398 Smith S. G., Goodman J. M., Assigning stereochemistry to single diastereoisomers by GIAO NMR calculation: the DP4 probability. J. Am. Chem. Soc. 2010, 132, p. 12946–12959.

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