• Aucun résultat trouvé

2.2 R´ esultats

3.1.1 D´ etection au sol

Une gerbe atmosph´erique initi´ee par un proton produit un grand nombre de particules s’´etalant sur une large surface au niveau du sol. Les premi`eres interactions fortes d’un pri- maire hadronique engendrent principalement la formation d’une cascade de pions dans la haute atmosph`ere. Lorsque la distance de d´esint´egration de ces pions devient plus courte que leur distance d’interaction, ils donnent naissance `a des photons s’ils sont de charge nulle ou des muons s’ils sont de charge non nulle. Ces produits de d´esint´egration engendrent

Gerbes atmosph´eriques : m´ethodes de d´etection. 57 les deux composantes d’une gerbe, respectivement la composante ´electromagn´etique et la

composante muonique.

Lors de chaque g´en´eration, environ 30% de l’´energie est transf´er´ee `a la composante ´electromagn´etique. Au niveau du sol, cette composante ´electromagn´etique emporte 90% de l’´energie totale sous forme d’´electrons/positrons et de photons d’´energie moyenne de 10 MeV. Le nombre de particules ´electromagn´etiques Nγe+e est donc proportionnel `a

l’´energie du primaire :

Nγe+e− =

90%E0 10 MeV

Les pions charg´es emportent quant `a eux 2/3 de l’´energie lors de chaque ´etape tant que leur distance de d´esint´egration est plus longue que leur distance d’interaction. Si

n particules sont produites lors de chaque ´etape (1/3 de pions neutres et 2/3 de pions charg´es), apr`es p ´etapes, on se retrouve avec (2/3n)p pions charg´es d’´energie E0/np. A partir de l’´energie critique Ec pour laquelle les pions se d´esint`egrent avant d’interagir, le

nombre d’´etapes pr´ec´edentes k s’´evalue grossi`erement comme :

k = ln (E0/Ec)

ln n

Ainsi, le nombre de muons Nµ+µ− au niveau du sol est :

Nµ+µ=  2 3n ln (E0/Ec) ln n

Si le primaire est un noyauAN plutˆot qu’un proton, il va engendrer une gerbe ´equivalente `

a A nucl´eons d’´energie E0/A. Ainsi, si le nombre Nγe+e ne change pas, Nµ+µ est en re-

vanche augment´e d’un facteur A1−ln (E0/Ec)ln n . Pour un noyau de fer, et un nombre d’´etapes

n = 10, ce facteur vaut environ 2.

Tandis qu’une majorit´e des muons restent collim´es le long de l’axe de la gerbe parce qu’ils ont h´erit´e d’un faible moment transverse lors de la d´esint´egration des pions, les par- ticules composant la partie ´electromagn´etique diffusent tout au long du d´eveloppement. Il en r´esulte que le front de la gerbe est l´eg`erement courb´e, parce que les particules loin du cœur (qui sont celles qui ont le plus diffus´e) sont en retard par rapport au plan transverse. Par des simples arguments de g´eom´etrie, on per¸coit bien que cette courbure s’att´enue au niveau du sol selon que la r´egion des premi`eres interactions se situe plus haut dans l’at- mosph`ere.

Pour ´echantillonner le profil lat´eral de la gerbe, cette cascade de particules est observ´ee par un ensemble de d´etecteurs formant le plus souvent un r´eseau r´egulier. La surface totale du r´eseau est reli´ee au taux des pr´ecieux oracles qu’il faut recueillir. L’espacement d entre les d´etecteurs est choisi de telle sorte `a couvrir l’empreinte de la gerbe au sol, empreinte d’environ 0.5 km2 `a 1 EeV, et qui croˆıt `a peu pr`es comme la racine carr´ee de l’´energie. Pour les RCUHE, d varie typiquement de de quelques centaines de m`etres au kilom`etre.

58 D´etection des Rayons Cosmiques d’Energie Extrˆeme - L’Exp´erience Pierre Auger.

Fig. 3.1 – Diagramme sch´ematique (et simplifi´e !) montrant les principaux processus `a l’œuvre dans une gerbe atmosph´erique. Le primaire est suppos´e ˆetre un nucl´eon, et la cascade r´esultante de particules se divise en deux cat´egories : la composante muonique, initi´ee par les d´esint´egrations des pions charg´es ; et la composante ´electromagn´etique, initi´ee par la d´esint´egration des pions neutres. Pr`es du cœur, il subsiste aussi une cascade de nucl´eons. D’apr`es [52]

Gerbes atmosph´eriques : m´ethodes de d´etection. 59 La taille de chaque d´etecteur est elle optimis´ee pour mesurer le mieux possible le type de particules - muons ou ´electrons/photons - ´etudi´ees. La densit´e n´ecessaire pour donner un signal est typiquement de 1 particule par m`etre carr´e.

Avec un r´eseau au sol, la direction du primaire est d´eduite des temps d’arriv´ee relatifs des signaux mesur´es par au moins trois d´etecteurs non align´es. Le front de la gerbe est assimil´e `a une galette se d´epla¸cant `a la vitesse de la lumi`ere. En premi`ere approximation, les directions z´enithale θ et azimutale φ sont reconstruites en ajustant les cosinus directeurs

u = sin θ cos φ et v = sin θ sin φ de la gerbe `a partir des temps tplani d´eclenchant chaque d´etecteur situ´e en xi, yi :

ctplani = cT0− (uxi+ vyi)

o`u c est la vitesse de la lumi`ere et T0 le temps auquel le cœur de la gerbe atteint le sol. La seule limite sur la pr´ecision de la reconstruction de la direction incidente obtenue provient de la pr´ecision atteinte par les informations des temps d’arriv´ee des d´etecteurs. La finesse du front de gerbe croˆıt de quelques nanosecondes autour du cœur `a quelques microsecondes `

a mesure qu’on s’´eloigne au-del`a d’un kilom`etre. L’assimilation du front de la gerbe avec un plan devient meilleur avec des angles z´enithaux plus ´elev´es, am´eliorant la pr´ecision sur la direction reconstruite (figure 3.2).

Une connaissance plus pr´ecise de la position du cœur de la gerbe consiste `a consid´erer que l’intensit´e des signaux de chaque d´etecteur en ti, xi, yi constitue un ´echantillon d’une

carte de la densit´e de particules au niveau du sol que la cascade a produites. Il faut alors ajuster cette carte exp´erimentale sur un mod`ele donnant le flux de particules au sol pour le mˆeme jeu θ, φ. Cet ajustement se fait par une m´ethode de maximum de vraisemblance ou par la minimisation d’un χ2. La fonction choisie pour param´etriser cette densit´e d´epend de chaque exp´erience `a travers la r´eponse des d´etecteurs utilis´es, c’est la Lateral Distri-

bution Function (l.d.f ). Les simulations montrent que pr`es de l’axe, des photons et des ´electrons dominent en nombre par rapport aux muons de plusieurs ordres de grandeur. Cependant, les muons font apparaˆıtre une distribution lat´erale plus plate, et transportent une fraction d’´energie beaucoup plus importante loin de l’axe (quelques GeV par rapport `

a une dizaine de MeV pour les photons/´electrons). Ces faits sont illustr´es sur la partie gauche de la figure 3.3, qui montre aussi que les photons dominent nettement la compo- sante ´electromagn´etique loin du cœur. La partie droite de cette mˆeme figure montre la l.d.f convolu´ee avec une simulation de la r´eponse des cuves Cerenkov qui seront utilis´ees par l’observatoire Auger. Tandis que des scintillateurs ne mesurent que la densit´e de particules charg´ees, des cuves Cerenkov ont une plus grande sensibilit´e au caract`ere p´en´etrant des muons, et convertissent aussi la plupart des photons en signal observable. Le r´esultat est que loin du cœur, la l.d.f obtenue partage d’une mani`ere ´equitable les contributions des muons et des particules ´electromagn´etiques.

Dans les mˆemes conditions initiales, les fluctuations de gerbe `a gerbe proviennent es- sentiellement des premi`eres interactions, et notamment de la profondeur X1 de la premi`ere interaction, dont l’incertitude intrins`eque est de l’ordre de la longueur d’interaction du pri-

60 D´etection des Rayons Cosmiques d’Energie Extrˆeme - L’Exp´erience Pierre Auger.

Fig. 3.2 – Arriv´ee en temps des composantes muonique et ´electromagn´etique du front de gerbe, pour trois angles z´enithaux. D’apr`es [53].

Gerbes atmosph´eriques : m´ethodes de d´etection. 61

Fig. 3.3 – Contribution `a la l.d.f des trois principales composantes d’une gerbe at- mosph´erique initi´ee par un proton de 1019eV. La figure de droite est obtenue en convoluant celle de gauche avec la r´eponse d’une cuve Cerenkov d’une hauteur de 1.2 m. D’apr`es [52] maire dans l’atmosph`ere, et qui d´ecroˆıt avec la masse A du primaire d’´energie E0. Durant la cascade, le nombre de particules croˆıt avec le nombre d’interactions, puis d´ecroˆıt lorsque l’´energie moyenne des particules devient trop basse pour continuer le processus. Il existe donc une profondeur Xmax pour laquelle le nombre de particules est maximum. On peut

estimer grossi`erement cette profondeur en consid´erant une longueur moyenne d’interac- tion λ et l’´energie Ec en dessous de laquelle les particules ne subissent plus que des pertes

par ionisation. Alors, si une interaction produit en moyenne un nombre de secondaires

Ns, le nombre de particules `a la profondeur X croˆıt comme NsX/λ. Ainsi, en r´epartissant

´equitablement l’´energie des secondaires selon E0/N (X), il est facile d’´evaluer Ec comme

E0/N (Xmax) et donc

Xmax∝ λ log E0

En prenant pour r´ef´erence la profondeur d’un proton primaire d’´energie Eref = 1 EeV,

Xmax est une fonction de l’´energie et du type du primaire :

Xmax(E) = Xmax(Eref) + 55 log10E g/cm2

Xmax(E,56Fe) = Xmax(E, p)− 100 g/cm2

o`u E est exprim´ee en EeV. Ainsi, cette grandeur permet d’ˆetre sensible au primaire. Ce fait est illustr´e sur la figure 3.4.

La distribution lat´erale, qui d´epend de la profondeur X de la gerbe, est aussi affect´ee par la fluctuation initiale, mais l’´evolution est telle que pour toute valeur de X, il existe une distance rref dans le plan transverse optimale pour minimiser ces fluctuations. Cet

optimum est un compromis entre les fluctuations des premi`eres interactions qui diminuent avec la distance transverse r et les fluctuations de l’´echantillonnage qui augmentent avec

62 D´etection des Rayons Cosmiques d’Energie Extrˆeme - L’Exp´erience Pierre Auger. 0 200 400 600 800 1000 1200 1400 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 photons p Fe

Fig. 3.4 – Profondeur moyenne du nombre maximum de particules pour diff´erents pri- maires. D’apr`es [52]

r car la densit´e de particules diminue. La distance rref est une fonction de l’´ecartement

des d´etecteurs au sol, et d´epend donc des exp´eriences. Cette caract´eristique est mise `a profit pour reconstruire l’´energie du primaire, en d´eterminant ph´enom´enologiquement une relation entre l’´energie et le signal en rref. Ainsi, la mesure de la distribution lat´erale, la

recherche de la position du cœur de la gerbe et de l’´energie du primaire sont ´etroitement li´ees.