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I. 2.2.3.3 Principales modifications chimiques hydrophobes du pullulane

I.3. Les polysaccharides chargés

I.3.2. L’Acide Hyaluronique

I.3.2.1. Etat de l’art

La découverte de l’acide hyaluronique remonte à plus de 80 ans. C’est en 1934 que

Meyer & Palmer, travaillant dans le département d’Ophtalmologie de l’Université de

Columbia, ont publié pour la première fois un article dans la revue « Journal of Biological Chemistry » au sujet d’un nouveau polysaccharide avec une masse molaire extrêmement élevée isolé de l’humeur vitré des yeux de bovin126. Ils lui ont attribué le nom « acide hyaluronique » (du grec hyalos = vitreux et uronique pour l’acide uronique). Bien que Meyer & Palmer soient généralement considérés comme les premiers découvreurs du HA, il est à préciser qu’en 1880,

Portes a observé que la mucine du corps vitré était différente des cellules mucoïdes de la cornée

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nouveau polysaccharide du corps vitré et du sang du cordon constitué de glucosamine, d’acide glucuronique et d’une petite quantité d’ions sulfatés128. Ils l’ont nommé « acide mucoïtine-sulfurique » mais au regard de cette composition, il s’agissait probablement d’acide hyaluronique extrait avec un mélange de glycosaminoglycanes sulfatés.

Les propriétés particulières de ce biopolymère ont été décrite par Meyer & Palmer126 montrant que ce dernier est différent d’autres glycosaminoglycanes similaires. Les auteurs indiquent alors la présence d’acide uronique, de pentose et de sucres aminés, la masse molaire de l’unité de répétition était de l’ordre de 450 g/mol126. Ces données ont été ensuite corrigées prouvant que le HA ne contient pas d’unités de pentose ou de groupes sulfatés, la masse molaire de l’unité répétitive devient alors 397 g/mol.

Ensuite, au cours des années 1930 à 1950, le HA a été isolé notamment du cordon ombilical, de la crête de coq et des streptocoques129,130. L’extraction de l’acide hyaluronique des capsules des streptocoques A et C par Kendall et al.129 en 1937 avait une grande importance

scientifique et pratique, car aujourd’hui les streptocoques sont la source la plus économique et fiable pour la production industrielle du HA.

L’acide hyaluronique a été commercialisé pour la première fois en 1942 quand Balazs a déposé un brevet permettant l’utilisation de ce biopolymère à la place du blanc d’œuf dans les produits de boulangerie. Les premiers modes d’obtention par extraction sont abandonnés et de nos jours, la fermentation bactérienne constitue la principale source de HA.

La première application de ce biopolymère dans le domaine biomédical intervient à la fin des années 1950 où il a été incorporé dans le corps humain comme un substitut vitré lors d’une chirurgie oculaire. A partir de 1988, il appartient au groupe des dispositifs médicaux et doit obéir à certaines normes définies dans le code de santé publique (Livre V bis, Art. L 665-3 à L665-9) et répondre à des directives européennes.

I.2.3.2. Structure et propriétés

La découverte de la hyaluronidase, enzyme capable d’hydrolyser spécifiquement l’acide hyaluronique, a ouvert les portes à la détermination de la structure chimique de ce polysaccharide. Dans la courte période entre 1948 et 1951, de nombreux chimistes ont initié des recherches pour définir la structure du HA. En 1948, Dorfmann a publié les premiers résultats de la cinétique de l’hydrolyse combinée à la fermentation de ce polyoside131. Trois ans plus tard, Ogston & Stanier ont publié les premières données significatives trouvées sur la structure de cette macromolécule en solution aqueuse132. En revanche, ces études n’étaient pas

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suffisantes pour définir la structure chimique du HA. Ce problème a été ensuite résolu par les travaux de Weissmann & Meyer133.

L’acide hyaluronique est un polysaccharide linéaire composé d’unités disaccharidiques reliées par des liaisons glycosidiques β-1,4. Chaque disaccharide est constitué d’acide D-glucuronique et de N-acétyl-D-glucosamine lié en β-1,3 (Figure A-5)133. La configuration β confère aux groupements chimiques volumineux (hydroxyle, carboxyle, acétamide, carbone anomère) la position équatoriale énergétiquement plus favorable tandis que les atomes d’hydrogène qui ont une petite taille occupent la position axiale qui est énergétiquement moins favorable. Cette disposition spatiale accorde à cette configuration, par conséquent au polysaccharide, une structure énergétiquement très stable134. Ainsi, la rotation libre des chaînes polysaccharidiques autour des liaisons glycosidiques est limitée, entraînant une conformation rigide où des fractions hydrophobes (groupes CH) sont alternées avec des groupes polaires135

connectés par des liaisons hydrogènes intermoléculaires136 (Figure A-6-A). Le degré de polymérisation (DPn) peut atteindre une valeur de 104 et la masse molaire moyenne en nombre (Mn) de HA peut atteindre 4×106 g/mol. La longueur moyenne de l’unité de répétition du HA est de l’ordre de 1nm, la longueur de persistance (q) est de l’ordre de 4nm, enfin la longueur quadratique moyenne serait de 10 μm pour un HA de DPn égal à 104137.

Figure A-5 : Structure chimique de l’acide hyaluronique

Au pH physiologique, chaque fonction carboxylique du HA (pKa ≈ 3 – 4) est sous forme carboxylate induisant la génération de charges anioniques le long des chaînes du polysaccharide accompagnées de contre-ions cationiques mobiles monovalents ou divalents comme Na+, K+, Ca2+ et Mg2+. Par conséquent, en solution aqueuse, le HA est chargé

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négativement et forme des sels de HA très hydrosolubles généralement appelés hyaluronane ou hyaluronate138,139. Plus précisément, les molécules d’eau relient les fonctions carboxylate et acétamide par des liaisons hydrogène qui stabilisent la structure secondaire du biopolymère, décrite comme une hélice gauche à un seul brin140 (Figure A-6-B). Dans l’eau, les hélices à deux plis du HA forment des hélices doubles c’est-à-dire une structure tertiaire en feuillet bêta due aux interactions hydrophobes et les liaisons hydrogène intermoléculaires provoquant l’agrégation des chaînes de polysaccharides en formant un réseau de mailles plus étendu135. La mise en place de ce réseau dépend de la masse molaire et de la concentration du biopolymère. Par exemple, le HA à forte masse molaire (>106 g/mol) forme un réseau étendu même à une très faible concentration de 0,1 g/L141. L’augmentation de la masse molaire et de la concentration implique le renforcement du réseau d’où l’augmentation progressive de la viscosité et de la viscoélasticité des solutions aqueuses de HA142.

Figure A-6 : A) Structure chimique d’un tétra-saccharide de HA143. B) Structure secondaire de HA140

Le hyaluronane est un polyélectrolyte, ses propriétés rhéologiques en milieu aqueux sont donc influencées par la force ionique (effet écran) mais aussi par le pH (disparition du caractère polyélectrolyte pour des pH < pKa)144. Dans les solutions basiques, les liaisons

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hydrogène participant à l’organisation structurale des chaînes polysaccharidiques sont rompues et la dégradation est alors plus remarquable en pH basique qu’en pH acide145.

Les propriétés physico-chimiques du HA ont fait l’objet de nombreuses études à partir des années 1940146,147. La diminution de la viscosité des solutions aqueuses semi-diluées de HA avec l’augmentation du gradient de cisaillement prouve le comportement non-newtonien rhéofluidifiant de ces solutions (Figure A-7). En effet, l’augmentation du gradient de cisaillement affecte l’enchevêtrement et les interactions intermoléculaires (liaisons hydrogène et interactions hydrophobes) ce qui provoque l’alignement des chaînes dans la direction du cisaillement et la chute de viscosité148. Ce comportement rhéofluidifiant n’est pas thixotrope, HA retrouve sa viscosité initiale instantanément indiquant la restructuration rapide de l’enchevêtrement et des interactions détruites par le cisaillement144.

Figure A-7 : Étude en écoulement de solutions de HA (Mw = 1.3×106 g/mol) à différentes concentrations dans NaCl 0,1 M à 25°C 149

Les propriétés rhéologiques du HA et sa naturelle biocompatibilité lui confèrent une place de choix dans des applications médicales, biomédicales et pharmaceutiques. Il est notamment utile dans l’ingénierie tissulaire, la libération de médicaments, l’imagerie moléculaire et aussi pour améliorer et raffermir la peau en raison de ses propriétés biocompatibles, biodégradables, non-toxiques, non-inflammatoires, non-immunogènes et sa grande capacité à retenir l’eau150.

Les chercheurs ne se sont pas limités à l’utilisation du HA sous son état natif mais ils ont également poussé les recherches vers sa modification chimique pour obtenir de nouvelles propriétés physico-chimiques et biologiques.

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