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Etat de l’art sur l’évaluation de la performance

L’objectif de ce mémoire de thèse est d’obtenir le profil multi-performance de tout produit de construction à tout instant de sa vie en œuvre ; cet objectif se rapporte à une thématique générale d’évaluation de la performance de ce produit. L’évaluation de la performance dans le domaine de la construction est incluse dans une approche globale, la « Performance-Based Building », qui est diffusée depuis 2001 par le réseau PeBBu – Performance Based Building Network (cf. II.4.1).

Des méthodes et méthodologies d’évaluation de la performance des entités constructives ont été développées aux niveaux des matériaux (cf. II.4.2), des produits (cf. II.4.3) et des bâtiments (cf. II.4.4) ; nous nous en inspirons pour le développement de notre propre étape d’analyse quantitative des performances de la méthodologie que nous proposons en deuxième partie de ce mémoire.

II.4.1. Approche « Performance-Based Building »

La définition de cette approche proposée par A. Lee [LEE, 03] est telle que « la performance-based building considère l’exigence de performance tout au long de la vie de conception du bâtiment et de ses produits, en termes compréhensibles par le maître d’ouvrage et les utilisateurs du bâtiment, et qu’elle puisse être objectivement vérifiée pour confirmer que les exigences ont été satisfaites. Les exigences concernent ce que le bâtiment ou le produit doit faire et non la manière dont il est construit ».

L’approche de performance-based building repose donc sur le concept suivant « la base de toutes les activités de la construction devrait être la performance d’un bâtiment en service plutôt que la prescription de la manière dont le bâtiment va être construit » [LEE, 03].

La performance-based building est actuellement véhiculée et prend de l’ampleur grâce au réseau PeBBu, qui est structuré en neuf domaines : 1 – Matériaux et produits, 2 – Air intérieur, 3 – Conception des bâtiments, 4 – Environnement construit, 5 – Organisation et gestion, 6 – Pratiques légales et courantes, 7 – Règlements du bâtiment, 8 – Innovation et 9 – Information et documentation. Le type d’approche / perspective et le champ d’application de chacun de ces neuf domaines sont présentés à la figure 14.

Fon dament ale / élément aire Ap pl iq uée /g lo bal e Ap pro ch e / pers pe cti ve

Figure 14 : Approche, perspective et champ d’application des domaines du réseau PeBBu [LEE, 03]

Ce concept, qui n’est pas nouveau comme en témoigne la norme internationale ISO 6241 de 1984 relative à l’évaluation de la performance dans le bâtiment [ISO, 84], est intégré dans les règlementations internationales en vigueur, telles que la Directive Produits de Construction (DPC), les guides de l’European Organisation for Technical Approvals (EOTA) et les Eurocodes.

II.4.2. Méthodologie d’évaluation de la performance des matériaux

La méthodologie d’évaluation de la durée de vie des matériaux, présentée au paragraphe II.3.2-c et schématisée à la figure 10, est basée sur le concept d’évaluation de la performance.

Il s’agit en effet, selon cette méthodologie, de définir le ou les critères de performance qui semblent a priori le mieux caractériser le comportement du matériau étudié et qui va(vont) être mesuré(s) lors des expérimentations.

II.4.3. Méthodes et méthodologie d’évaluation de la performance des produits

Méthodes : essais d’évaluation de la performance des produits

Les essais d’évaluation de la performance des produits consistent à expérimenter si ces produits sont capables de résister mécaniquement, physiquement et / ou chimiquement à des sollicitations pré-définies, c’est-à-dire que leur performance reste supérieure à un seuil fixé. La performance étudiée selon ce type d’essai peut être la pérennité d’un produit à des sollicitations climatiques et d’usage spécifiques – on se ramène alors à la méthodologie présentée au paragraphe précédent, cf. II.4.2 – ou plus généralement la résistance mécanique à une ou des sollicitations qui endommagent le plus le produit considéré – ce qui correspond à la démarche de certification des produits.

Ces essais englobent les quatre phases – détaillées dans [CIB, 82] – suivantes :

définition : analyse du contexte de l’étude, de la performance attendue, des critères

de performances, des agents climatiques et d’usages déterminants, • préparation : définition du protocole d’essais,

pré-tests : validation du protocole d’essais sur des produits de performance connue,

réalisation de l’essai : essai sur le produit à évaluer,

rapport : analyse et interprétation des résultats obtenus.

Il existe de nombreuses normes définissant ces protocoles d’essais qui ont été développées afin d’harmoniser la performance des produits mis sur le marché européen ; par exemple la norme NF EN 356 [AFN, 00a] décrivant les essais de résistance des vitrages de sécurité à l’attaque manuelle, ou la norme NF EN 1365-1 [AFN, 00b] spécifiant les essais de résistance au feu des murs porteurs, ou encore la norme NF EN 1934 [AFN, 98b] expliquant l’essai d’évaluation de la performance thermique des maçonneries.

Méthodologie : Performance Limits Method (PLM)

La Performance Limits Méthod est une méthodologie d’évaluation de la performance des produits de construction développée par le département Building and Environment Sciences and Technology (BEST) du Politecnico di Milano [REC, 03b] et [IAC, 05].

La méthodologie développée comprend quatre étapes :

• étape 1 : définition de la performance à considérer – par exemple « contrôler la condensation superficielle » – du ou des critère(s) de performance permettant de mesurer cette performance – par exemple la température superficielle interne – des caractéristiques intrinsèques au produit dont dépend l’évolution de la performance – par exemple la conductivité thermique,

• étape 2 : recherche, dans la littérature (normes, études fondamentales et expérimentales), des modèles décrivant l’évolution des critères de performance en fonction des caractéristiques intrinsèques, puis obtention de l’évolution, pour chaque composant du produit, des critères de performance en fonction d’une dégradation (simulée) des caractéristiques intrinsèques,

• étape 3 : recherche dans les réglementations des valeurs limites des critères de performance (pour nous, les seuils de dysfonctionnement), puis détermination des valeurs des caractéristiques intrinsèques correspondant à ces valeurs limites,

• étape 4 : corrélation entre ces valeurs limites et les durées d’atteinte de ces limites – obtenues par essais de vieillissement en exposition de longue durée. La durée de vie du produit est alors égale au minimum de ces durées.

L’étape 2 vise, par utilisation des modèles associés à chaque composant, à obtenir une vision globale de la part de chaque composant dans la / ou la non satisfaction d’un critère de performance ; en effet, sur un même graphique, il est possible pour une même valeur de caractéristique intrinsèque, de visualiser les niveaux de critère de performance des différents composants. La figure 15 représente le résultat de la deuxième étape de la PLM pour un mur traditionnel italien composé d’un mortier intérieur (intonaco interno) de briques creuses (forati) de laine de verre (lana di vetro) de briques mi-pleines (semipieni) et de mortier extérieur (intonaco esterno).

Condensa superficiale - Limite prestazionale (∆T = 30 °C)

15,5 16,0 16,5 17,0 17,5 18,0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Conducibilità (λ/λ0) T e m p eratu ra su p e rficiale in tern a (°C )

Intonaco interno Forati Lana di vetro Semipieni Intonaco esterno

Limite prestazionale:

λ/λ0 = 2,34

Figure 15 : Evolution de la température superficielle interne d’un mur traditionnel italien [IAC, 05]

Le protocole d’essais et les résultats des essais de vieillissement en exposition de longue durée correspondant au mur de la figure 15 sont détaillés dans [DAN, 03] et [DAN, 05].

Les résultats expérimentaux d’essais de longue durée demandant par définition du temps mais également des moyens conséquents, P. Iacono a proposé une autre utilisation de la PLM pour la comparaison de la performance des produits de construction [IAC, 05]. Il introduit deux indicateurs – I1 et I2 – de « propension à la durée de vie » définis ainsi :

0 lim 1 C C I = [ 8 ]

= ∆ ∆ = n i i P P n I 1 max 2 1 [ 9 ] Où :

C : caractéristique intrinsèque, C0: caractéristique intrinsèque initiale, Clim :

caractéristique intrinsèque correspondant à la défaillance,

P : critère de performance, ∆Pi : contribution du composant i, ∆Pmax : contribution du

composant ayant le plus d’influence,

La signification graphique de ces deux indicateurs est schématisée à la figure 16 : P C P0 Plim Clim C0 P C P0 Plim Clim C0 P C/C0 Plim Clim/C0 ∆P1 ∆P2 ∆P3 = ∆Pmax P C/C0 Plim Clim/C0 ∆P1 ∆P2 ∆P3 = ∆Pmax

Figure 16 : Signification des deux indicateurs de « propension à la durée de vie » [IAC, 05]

La comparaison de deux produits i et j est réalisée suivant l’algorithme présenté à la figure 17 :

( ) ( )

i I j I1 1

( )

i I

( )

j I2 2

( )

i I

( )

j I2 > 2

( ) ( )

i I j I1 < 1

Figure 17 : Algorithme de comparaison de deux produits [IAC, 05]

La performance limits method a été appliquée, jusqu’à présent, uniquement à des problèmes hygro-thermiques, puisque ce sont les problèmes pour lesquels il existe le plus de modèles d’évolution des critères de performance.

Cette méthodologie ne prend pas en compte les interactions possibles entre composants, c’est-à-dire l’influence que peut avoir un assemblage de composant sur l’évolution des critères de performance.

II.4.4. Méthodologies d’évaluation de la performance des bâtiments

L’évaluation de la performance des bâtiments ou de parties de bâtiment, telles que des pièces, s’intéresse à leur capacité à assurer les six exigences essentielles définies dans la directive des produit de construction (1. résistance mécanique et stabilité, 2. sécurité en cas d’incendie, 3. hygiène, santé et environnement, 4. sécurité d’utilisation, 5. protection contre le bruit, 6. économie d’énergie et isolation thermique).

Il s’agit essentiellement d’étudier d’une part la résistance des structures sous sollicitations exceptionnelles / accidentelles, tels que les incendies, les séismes, les explosions, etc. et d’autre part la capacité des bâtiments à assurer un certain niveau de confort, tel que le confort acoustique, thermique, la qualité de l’air intérieur, etc.

Les recherches menées dans ce domaine consistent à développer des modèles, généralement des modèles numériques, les plus représentatifs possible de la réalité afin de pouvoir aider à la conception de bâtiments les plus respectueux possible des attentes des maîtres d’ouvrages et des utilisateurs. Nous pouvons citer par exemple, les recherches menées par D. JREIJIRY [JRE, 04] proposant d’utiliser l’outil SIMBAD (SIMulator of Buildings And Devices) et une bibliothèque de modèles d’HVAC (Heating, Ventilation and Air Conditioning) pour le contrôle de la ventilation dans les bâtiments, ou l’analyse du comportement de la structure et des systèmes anti-incendie du World Trade Center proposée par V. K. R. Kodur [KOD, 04] pour comprendre les mécanismes qui ont conduit à la ruine de cette tour et ainsi faire évoluer la conception des immeubles de grande hauteur vis-à-vis de l’incendie.

Dans le domaine des digues, D. Serre [SER, 05] a proposé une méthodologie d’évaluation des indicateurs de performance des digues. Cette méthodologie se décompose en trois étapes :

• recherche des liens existants entre les critères de performance (fonctions des digues) et les causes affectant ces critères (sollicitations environnementales : fortes crues, racines, gel-dégel, etc.) par analyse fonctionnelle puis analyse des modes de défaillances et de leurs effets,

• détermination des niveaux des critères de performance en fonction de « l’amplitude » des causes (par exemple, les « arbres » sont décomposés en « grand arbre », « petit arbre » et « buisson ») par consultation d’un panel d’experts en auscultation des digues,

• définition d’indicateurs de performance (informations permettant d’aider la gestion de la maintenance du parc de digues) par agrégation – moyenne pondérée ou affectation à base de règles – des critères de performance.

Les deux principales distinctions existantes entre le domaine des digues et le domaine du bâtiment sont que les digues constituent un long-linéaire semblable structurellement – alors que les produits de construction présentent une grande variabilité structurelle – et qu’il existe une connaissance experte disponible basée sur une longue expérience d’auscultation – alors que cette connaissance est difficilement accessible dans le domaine du bâtiment ; de ce fait les sollicitations en service et les effets de ces sollicitations sur le fonctionnement des digues sont connues. Malgré ces différences, ces travaux de thèse apportent trois possibilités de développement pertinentes pour notre recherche :

• l’utilisation d’indicateurs de performance englobant plusieurs critères de performance pour synthétiser les informations de niveaux de performance disponibles,

• la recherche d’un niveau de généricité structurelle et fonctionnelle des produits de construction,

• l’idée de composer un ou plusieurs panels d’experts pouvant identifier les liens entre amplitude des causes de dégradation et niveau des critères de performance.

II.4.5. Synthèse et analyse critique

L’évaluation de la performance des produits de construction, au sens de l’approche performance-based building, consiste à étudier les niveaux des critères de performance de ces produits en service vis-à-vis des attentes des utilisateurs et non vis-à-vis de la manière dont ils doivent être construits.

Les méthodes et méthodologies d’évaluation de la performance existantes, aux niveaux des matériaux, des produits et des bâtiments, ont une même limite : elles cherchent à étudier un ou un ensemble de critère(s) de performance relatif(s) à une même préoccupation, par exemple la résistance à une sollicitation exceptionnelle / accidentelle, le confort thermique, etc. L’approche proposée par D. Serre s’apparente à ce que nous souhaitons développer : une méthodologie applicable à tout produit de construction permettant d’avoir une vision globale à tout instant de la vie en service d’un produit des niveaux de l’ensemble des critères de performance relatifs aux attentes des utilisateurs vis-à-vis de ce produit.