• Aucun résultat trouvé

III. Concepts de la modélisation des batteries

III.1. Etat de charge

L’état de charge (SoC – de l’anglais state-of-charge) est probablement l’élément le plus utilisé dans la modélisation des batteries, bien que son interprétation ne soit pas homogène. Le concept se base sur l’observation qu’une batterie idéale peut revenir à son état initial par un cycle comprenant une décharge et une charge. Comme expliqué dans la section I, la concentration molaire des espèces actives est une grandeur importante car elle détermine le potentiel d’équilibre de la batterie d’après (9). Si les réactions se trouvent hors équilibre, c’est-à-dire si un courant circule dans la batterie, les nombres totaux des réactifs et des produits de (4) et (5) évoluent ainsi que leurs concentrations. Si l’on suppose que les concentrations des espèces actives sont directement proportionnelles aux nombres de molécules, les concentrations sont

alors proportionnelles à la charge nette 𝑄 apportée par le courant qui alimente les réactions. Par

exemple, le changement de la concentration totale 𝑑

𝑑𝑡𝑐𝑂𝑥𝐴 du produit 𝑂𝑥𝐴 de la réaction à

l’anode (4) est donné par

𝑑 𝑑𝑡𝑐𝑂𝑥𝐴(𝑡) ⋅ 𝑉 = 𝐴𝑂 𝑛 ⋅ 𝐹⋅ 𝑄̇(𝑡) = 𝐴𝑂 𝑛 ⋅ 𝐹⋅ 𝜂 𝐹𝑎𝑟(𝑡) ⋅ 𝐼𝐵𝑎𝑡𝑡(𝑡) (31)

où 𝑉 est le volume de référence pour le calcul de la molarité (par exemple le volume de la

cellule). L’introduction du rendement faradique 𝜂𝐹𝑎𝑟(𝑡) ∈ [0,1] indique qu’il peut y avoir des

fuites de courant, par exemple dans des réactions secondaires. Si l’on présume que la charge et la décharge ne causent pas d’autres changements de composition de la cellule et que les concentrations à l’intérieur de cette dernière atteignent la même distribution tant que les concentrations globales restent égales, les concentrations globales des espèces actives définissent alors un état unique de la batterie, état pouvant être caractérisé par la valeur scalaire

de la charge nette 𝑄 apportée aux réactions principales

𝑄(𝑡) = 𝑄(𝑡0) − ∫ 𝜅𝐹𝑎𝑟(𝜏) ⋅ 𝐼𝐵𝑎𝑡𝑡(𝜏)𝑑𝜏

𝑡 𝑡0

(32)

𝜅𝐹𝑎𝑟 est l’efficacité faradique qui dépend du rendement faradique par

𝜅𝐹𝑎𝑟(𝑡) = { 𝜂

𝐹𝑎𝑟(𝑡) si 𝐼𝐵𝑎𝑡𝑡(𝑡) < 0 (charge)

𝜂𝐹𝑎𝑟(𝑡)−1 si 𝐼𝐵𝑎𝑡𝑡(𝑡) > 0 (décharge) (33)

Pour obtenir l’état de charge, on normalise cette charge par rapport à une capacité de batterie

𝑄𝐵𝑎𝑡𝑡. On obtient ainsi la définition de l’état de charge

𝑆𝑜𝐶(𝑡) = 𝑆𝑜𝐶(𝑡0) − 1 𝑄𝐵𝑎𝑡𝑡∫ 𝜅 𝐹𝑎𝑟(𝜏) ⋅ 𝐼𝐵𝑎𝑡𝑡(𝜏)𝑑𝜏 𝑡 𝑡0 (34)

22

On peut noter que la proportionnalité directe (31) entre la concentration et l’intégrale du courant, n’est pas nécessaire pour définir un indicateur unique de cette façon. Il suffit qu’une fonction unique existe.

Dans la réalité, la seule valeur scalaire de l’état de charge (34) ne suffit pas pour décrire de manière exhaustive l’état d’une batterie. La charge et la décharge changent les concentrations locales des espèces actives d’une façon qui n’est pas toujours compensée par l’achèvement des processus transitoires quand la batterie se trouve au repos. Par exemple, dans les batteries au plomb, les molécules de la masse active en plomb et oxyde de plomb ne sont pas mobiles. Des intensités de courants différentes créent des inhomogénéités différentes dans le profil

d’utilisation de la masse active [Ebn13]. Dans les batteries /𝑁𝑖𝐶𝑙 , la décharge crée une phase

de 𝑁𝑖/𝑁𝑎𝐶𝑙 qui se propage de l’anode vers la cathode de la batterie. Au moment de la charge,

cette phase commence à se reconvertir en 𝑁𝑖𝐶𝑙/𝑁𝑎 à l’anode [Sul06]. Ainsi, un historique

différent d’utilisation crée des différences structurelles dans la composition de la cellule. Des processus similaires sont connus pour presque toutes les technologies de batterie, mettant en cause la notion d’un seul état de charge. Toutefois, (34) reste une très bonne première description pour la plupart des batteries.

La définition de l’état de charge (34) détermine la différence de l’état de charge à deux instants.

L’échelle absolue de l’état de charge est donnée par un état de référence et par la capacité 𝑄𝐵𝑎𝑡𝑡.

On choisit ses paramètres de façon que l’état varie entre 0, l’état vide ou pleinement déchargé, et 1, l’état plein ou pleinement chargé.

En théorie, on peut calculer la charge totale de tous les électrons qui pourraient être échangés dans les réactions (4) et (5) avant que la masse active soit entièrement épuisée. La charge qui

pourrait théoriquement être récupérée en décharge à l’instant 𝑡 est donnée par

𝑄𝑡ℎé𝑜(𝑡) = min {𝐹 ⋅ 𝑛 ⋅𝜂

𝐹𝑎𝑟

𝐴𝑅 𝑐𝑅𝑒𝑑𝐴(𝑡) ⋅ 𝑉; 𝐹 ⋅ 𝑛 ⋅𝜂

𝐹𝑎𝑟

𝐶𝑂 𝑐𝑂𝑥𝐶(𝑡) ⋅ 𝑉} (35)

où 𝑐𝑅𝑒𝑑𝐴 et 𝑐𝑂𝑥𝐶 sont les concentrations molaires des espèces 𝑅𝑒𝑑𝐴 et 𝑂𝑥𝐶. La valeur maximale

que 𝑄𝑡ℎé𝑜 pourrait prendre théoriquement est atteinte quand une des conditions 𝑐𝑂𝑥𝐴 = 0 ou

𝑐𝑅𝑒𝑑𝐶 = 0 est remplie. Ce calcul de la capacité maximale théorique peut servir pour donner une

limite supérieure de la densité énergétique d’une technologie de batterie. Dans la pratique, (35) n’est pas utilisée pour définir l’état de charge. D’une part, il est généralement impossible de convertir entièrement la masse active dans les réactions (4) et (5). L’état vide ou plein ne serait alors jamais atteint. D’autre part, il n’est pas toujours facile dans la pratique de déterminer les concentrations des espèces actives dans une batterie.

Le rapport direct entre les concentrations des espèces actives aux électrodes et le potentiel d’équilibre de la batterie représente une autre base pour une échelle absolue de l’état de charge. Il est alors possible de définir un niveau de l’état de charge par la tension à vide correspondante de la batterie. Cette relation est exploitée dans beaucoup d’algorithmes de suivi de l’état de charge [Col07]. Pour vérifier l’état de charge de la batterie par la tension, elle doit se trouver dans un état de repos dans lequel tous les processus de diffusion ont déjà atteint leurs équilibres. Pour cette raison, on peut utiliser le potentiel d’équilibre comme référence de l’échelle de l’état de charge, mais il est plus difficile de baser un suivi sur la mesure de la tension sans exploiter aussi (34).

L’état d’énergie représente la part actuellement stockée de la charge maximale que la batterie peut accueillir. Dans le contexte d’usage des batteries dans les applications portables, on parle souvent de son complément, la profondeur de décharge (DoD, de l’anglais « Depth of Discharge ») qui caractérise la charge qui a été enlevée à la batterie depuis son état plein.

23

𝐷𝑜𝐷 = 1 − 𝑆𝑜𝐶 (36) La façon la plus fréquente de définir les points de référence de l’état de charge est l’utilisation d’un protocole de charge ou de décharge nominal.

III.1.1. Protocole du cycle nominal

Les protocoles de charge nominale et de décharge nominale servent à définir un moyen

pratique, rapide et reproductible de mettre la batterie dans un état bien défini. Pour définir des

protocoles nominaux, il est utile d’introduire le concept des conditions de décharge et des

conditions de charge. Les conditions de charge 𝑋 sont un ensemble de conditions d’utilisation (telles que la température environnante ou le courant de batterie) qui peuvent être contrôlées par l’utilisateur de la batterie. Si les conditions sont respectées pendant une période de charge,

la batterie est chargée dans les conditions 𝑋. Dans le concept des conditions de charge sont

incluses des instructions simples, telles que

- Maintien d’un courant de batterie 𝐼𝐵𝑎𝑡𝑡 constant

- Maintien d’une tension de batterie 𝑉𝐵𝑎𝑡𝑡 constante

- Maintien d’une puissance 𝑃𝐵𝑎𝑡𝑡 constante aux bornes de la batterie

Il existe des protocoles plus complexes tels que la charge CC/CV (courant constant / tension constante) où un courant de charge constant est appliqué jusqu’à ce que la tension de la batterie atteigne un seuil maximal, puis la charge continue à une tension de batterie constante. Les

conditions de décharge 𝑋 sont définies de manière analogue. Une décharge nominale est alors

une décharge dans des conditions nominales de décharge 𝑌𝑛𝑜𝑚 et une charge nominale est une

charge dans des conditions nominales de charge 𝑋𝑛𝑜𝑚.

Le critère de fin de charge ou de décharge est un ensemble de conditions qui doivent être réunies pour signaler la fin de la charge ou décharge. Par exemple, pour une décharge à courant constant, on choisit une tension minimale. Dès que la tension batterie atteint ce seuil, la décharge est terminée. Pour une charge CC/CV, on choisit normalement un courant minimal à atteindre pendant la phase finale à tension constante. Si la batterie atteint le critère de fin, la

charge ou décharge est complète.

Figure 14. Cycle nominal d’une batterie Li-ion avec une charge CC-CV et une décharge CC. : (a) courant, (b) tension.

24

Avec ces simples définitions, il est possible de définir les points de référence de l’échelle de l’état de charge. On définit alors l’état vide comme l’état que la batterie atteint à la fin d’une décharge nominale complète et l’état plein comme l’état final d’une charge nominale complète. Afin d’éliminer l’impact d’effets de mémoire, tels que l’hystérésis de la tension à vide [Mon09], on peut exiger que la décharge nominale pour déterminer l’état vide suive une charge nominale complète et vice versa. Ainsi, le cycle nominal d’une batterie est donné par une décharge nominale complète suivie d’une charge nominale complète qui ramène la batterie à l’état pleinement chargé, suivie encore par une décharge nominale complète, qui la remet à l’état vide. La figure 14 montre le cycle nominal d’une batterie Li-ion consistant en une décharge nominale à courant constant (CC) et en une charge CC/CV. En mesurant la tension de batterie après un temps de repos suffisant à l’état plein et à l’état vide, on obtient les niveaux de tension à vide correspondants.

III.1.2. Capacité de la batterie

La capacité (de charge électrique) de batterie𝑄𝐵𝑎𝑡𝑡 peut être mesurée lors d’un cycle nominal. Pour une batterie idéale, on peut la conceptualiser comme étant la différence de charge

électrique stockée dans la masse active entre l’état plein (𝑆𝑜𝐶 = 1) et l’état vide (𝑆𝑜𝐶 = 0). En

mesurant la répartition exacte du courant de batterie entre les réactions principales et secondaires et l’évolution des concentrations des espèces actives, on peut en principe obtenir le rendement faradique instantané d’une charge ou d’une décharge et ainsi la charge stockée dans la masse active. Pour des applications pratiques, cette démarche est trop compliquée et coûteuse à mettre en œuvre. Par convention, la capacité de batterie (mesurée) est alors la quantité de charge déchargée lors de la décharge nominale complète d’un cycle nominal [Sau99]. Dans la figure 14, la capacité de batterie est donnée par

𝑄𝐵𝑎𝑡𝑡 = 𝑄𝐷 (37)

Cette définition est étroitement liée à un modèle implicite de la batterie. Puisque le courant de

batterie est normalisé par 𝑄𝐵𝑎𝑡𝑡 dans (34), on attribue toute les pertes faradiques à la charge et

on suppose un rendement unitaire entre la charge stockée dans la masse active et celle récupérée aux bornes de la batterie pendant la décharge. Le rendement faradique dans la définition coulométrique de l’état de charge (34) est alors donné par [Mon09]

𝜂𝐹𝑎𝑟(𝑡) = {𝜂𝐹𝑎𝑟(𝑡) < 1 si 𝐼𝐵𝑎𝑡𝑡(𝑡) < 0 (charge)

1 si 𝐼𝐵𝑎𝑡𝑡(𝑡) > 0 (décharge) (38)

Le rendement faradique total du cycle nominal est égal au rapport entre les quantités de charge déchargée et chargée (voir figure 14)

𝜂𝑛𝑜𝑚𝐹𝑎𝑟 =𝑄𝐷

𝑄𝐶 (39)

Cette définition du rendement donne la possibilité de définir différemment la capacité de batterie pour obtenir un modèle à rendement égal en décharge et en charge

𝑄𝐵𝑎𝑡𝑡 = √𝜂𝑛𝑜𝑚𝐹𝑎𝑟 ⋅ 𝑄𝐷 (40)

De manière générale, le rendement total observé peut être attribué à un rendement de charge 𝜂𝐶

et à un rendement de décharge 𝜂𝐷 à condition que 𝜂𝐶𝐹𝑎𝑟⋅ 𝜂𝐷𝐹𝑎𝑟 = 𝜂𝑛𝑜𝑚𝐹𝑎𝑟.

La capacité de batterie peut différer de la capacité disponible en décharge dans des conditions

arbitraires 𝑌 ≠ 𝑌𝑛𝑜𝑚. D’après la loi de Peukert, la capacité déchargée jusqu’à la fin de la

décharge diminue avec une intensité plus élevée [Doe06]. La relation exacte peut être plus complexe [Oma13].

25

Finalement, la capacité nominale 𝐶𝑛𝑜𝑚 de la batterie est définie comme la capacité de la batterie

en état neuf.

Documents relatifs