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On se propose dans ce qui suit de pr´esenter quelques r´esultats issus de la mise en œuvre exp´erimentale du gyrolaser `a ´etat solide avec un biais magn´eto-optique. Nous avons pour cela r´ealis´e une configuration de cavit´e conforme `a la figure 5.2. Le dispositif exp´erimental est sch´ematis´e sur la figure 5.3. Apr`es avoir v´erifi´e que le biais en fr´equence est bien pr´esent sur ce dispositif, on s’int´eressera `a ses possibles applications, comme la mesure de tr`es petites vitesses de rotation ou celle du champ magn´etique terrestre. On terminera ce chapitre par un d´ebut de caract´erisation inertielle du gyrolaser `a ´etat solide avec un biais en fr´equence.

Miroir polariseur Barreau de Nd-YAG pompé et bobiné (contrôle des intensités) Dispositif de génération du biais Miroir polariseur

Figure 5.3 – Sch´ema repr´esentant le gyrolaser `a ´etat solide avec un biais magn´eto- optique. Le barreau de Nd-YAG pomp´e sert de milieu `a gain et de rotateur Faraday pour la stabilisation du r´egime de battement. Le courant qui circule dans la bobine qui entoure ce barreau est d´elivr´e par la boucle de r´etro-action, qui le maintient proportionnel `a la diff´erence d’intensit´e entre les modes contrarotatifs du laser. Le dispositif de g´en´eration du biais est compos´e d’un milieu Faraday (barreau de YAG ou de TGG par exemple) parcouru par un champ magn´etique (cr´e´e par une bobine ou par un aimant) et entour´e de deux lames λ/4 comme d´ecrit plus haut dans ce chapitre. Les deux polariseurs sont des miroirs dichro¨ıques `a 56 d’incidence. La non-plan´eit´e de la cavit´e permet d’induire la rotation r´eciproque du plan de polarisation n´ecessaire au fonctionnement du dispositif stabilisateur.

lames λ/4

miroirs polarisants

milieu amplificateur + contrôle des intensités

déphaseur

Figure 5.4 – Gyrolaser `a ´etat solide avec un biais magn´eto-optique : photo du dispositif exp´erimental.

5.2.1

Mise en œuvre du biais magn´eto-optique sur le gyrolaser `a ´etat

solide

Le premier effet que nous avons observ´e apr`es avoir introduit un biais en fr´equence dans le laser en anneau `a ´etat solide selon le montage de la figure 5.3 (mais sans le dispositif stabilisateur) est le comportement unidirectionnel du laser dans la limite des forts biais, similaire en tout point au comportement qui avait ´et´e constat´e dans la limite des fortes vitesses de rotation (partie 4.1.1). En particulier, le sens de l’´emission unidirectionnelle s’inverse lorsque l’on change le signe du courant dans la bobine de g´en´eration du biais. Lorsque l’on active en plus le dispositif stabilisateur, on obtient un r´egime de battement stable, qui permet de tracer la courbe de r´eponse en fr´equence pr´esent´ee sur la figure 5.5. La cavit´e utilis´ee a un p´erim`etre ´egal `a 45 cm, et contient deux barreaux de YAG. Le premier (utilis´e comme milieu `a gain et pour la g´en´eration des pertes diff´erentielles) est long de 25 mm. Le second (destin´e `a la g´en´eration du biais magn´eto-optique) est long de 50 mm. Il est entour´e d’une bobine de longueur Lbob = 40 mm, de rayon Rbob = 5 mm

et compos´e de N = 2000 spires. Celle-ci cr´ee au centre du barreau de YAG un champ magn´etique dont la valeur est donn´ee par :

B = µ0NI Lbob

cos ξ avec tan ξ = Rbob

Lbob/2

= 0, 25 . (5.22)

En faisant l’hypoth`ese que ce champ est constant tout le long de la bobine et nul `a l’ext´erieur (ce qui revient `a n´egliger les effets de bord), l’angle de la rotation induite par le barreau s’´ecrit :

0 20 40 60 80 100 120 140 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 F ré q u e n c e d e b a tt e m e n t [k H z ]

Intensité électrique [mA]

Figure 5.5 – Fr´equence de battement en fonction du courant I dans la bobine servant `a cr´eer le biais magn´eto-optique. La droite est un guide pour l’œil, dont la pente A est ob- tenue par un ajustement des donn´ees avec une fonction du type y = Ax + B/x. On estime ainsi la valeur du biais magn´eto-optique effectivement cr´e´e `a Ω0/I = 4, 8.106 rad.s−1.A−1.

o`u VYAG est la constante de Verdet du YAG1. Le biais magn´eto-optique en fonction du

courant I dans la bobine est finalement donn´e par : Ω0 I = 2ζc ILop = 2cµ0N cos ξVYAG Lop ' 5.106 rad.s−1.A−1 . (5.24) Cette estimation th´eorique est `a comparer `a la valeur mesur´ee exp´erimentalement (voir figure 5.5), `a savoir Ω0 = 4, 8.106 rad.s−1.A−1. Ces r´esultats sont en relativement bon

accord, l’´ecart r´esiduel d’environ 5% ´etant attribu´e aux effets de bords.

Le comportement du gyrolaser `a ´etat solide en pr´esence d’un biais magn´eto-optique est donc conforme `a ce qui ´etait attendu th´eoriquement. En particulier, l’effet d’un tel biais peut ˆetre consid´er´e comme ´equivalent `a celui d’une rotation continue, et permet de faire fonctionner le gyrolaser dans une zone o`u sa r´eponse en fr´equence peut ˆetre consid´er´ee comme lin´eaire.

5.2.2

Application `a la mesure de tr`es petites vitesses de rotation

Grˆace au biais magn´eto-optique introduit dans la cavit´e laser, il est possible d’effectuer des mesures de tr`es petites vitesses de rotation en ´etudiant les variations de la fr´equence de battement autour de sa valeur `a l’arrˆet. Les r´esultats d’une telle mesure sont pr´esent´es figure 5.6. On voit que la pr´ecision obtenue est de l’ordre du centi`eme de degr´e par seconde, ce qui est plus de 1000 fois inf´erieur `a la vitesse minimale n´ecessaire pour obtenir un battement en l’absence de biais magn´eto-optique.

1Donn´ee on le rappelle par V

0,00 0,02 0,04 0,06 0,08 0,10 60,70 60,75 60,80 60,85 60,90 60,95 61,00 61,05 F ré q u e n c e d e b a tt e m e n t [k H z ] Vitesse de rotation [°/s]

Figure 5.6 – Mesure exp´erimentale de tr`es petites vitesses de rotation, rendue possible par la pr´esence du biais magn´eto-optique. La largeur du battement est de l’ordre de la centaine de Hz. La valeur moyenne de la fr´equence de battement est d´etermin´ee tr`es pr´ecis´ement par transformation de Fourier num´erique du signal temporel de battement.

Toutefois, ce r´esultat spectaculaire ne doit pas masquer les deux inconv´enients majeurs de ce dispositif, auxquels on va maintenant s’int´eresser, `a savoir la sensibilit´e au champ magn´etique ext´erieur et les fluctuations (surtout sur le long terme) de la valeur du biais.

5.2.3

Application `a la mesure du champ magn´etique ambiant

Lorsque le dispositif de la figure 5.3 est soumis `a un champ magn´etique ext´erieur, ce dernier s’ajoute au champ magn´etique cr´e´e par la bobine de g´en´eration du biais, modifiant ainsi la valeur de Ω0. Cet effet a ´et´e mis en ´evidence par une exp´erience, dont le r´esultat est

port´e sur la figure 5.7, qui consiste `a mesurer la fr´equence de battement du gyrolaser `a ´etat solide avec un biais magn´eto-optique constant pour diff´erentes orientations du dispositif. On voit que le biais varie sinuso¨ıdalement avec l’angle d’orientation de la table, l’effet du champ magn´etique ext´erieur d´ependant de la mani`ere dont celui-ci s’additionne avec le champ magn´etique cr´e´e par la bobine de g´en´eration du biais. La cavit´e utilis´ee dans l’exp´erience de la figure 5.7 a une longueur g´eom´etrique d’environ 565 mm, et contient un barreau de Nd-YAG pomp´e diode d’une longueur de 25 mm ainsi qu’un barreau de TGG (entour´e de 2 lames λ/4) d’une longueur de LTGG=20 mm. L’amplitude de variation

∆Ω0 (crˆete-crˆete) du biais magn´eto-optique est estim´ee `a ∆Ω0/(2π) ' 3, 5 kHz. Cela

correspond `a un champ magn´etique ext´erieur qui, une fois projet´e dans le plan de la cavit´e, a un module donn´e par :

Bext =

∆Ω0Lop

4cVTGGLTGG . (5.25)

En prenant VTGG = 2290.T−1.m−1 ou, de mani`ere ´equivalente, VTGG = 40 rad.T−1.m−1,

on obtient Bext ' 1, 4.10−5 T. Cette mesure est en bon accord avec la valeur du champ

0 45 90 135 180 225 270 315 360 -2,0 -1,5 -1,0 -0,5 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 E c a rt a u b ia is ( k H z ) Position angulaire

Figure 5.7 – ´Ecart entre la fr´equence de battement et la valeur de r´ef´erence du biais magn´eto-optique en fonction de la position angulaire du gyrolaser `a ´etat solide. La valeur de r´ef´erence du biais est environ ´egale `a 280 kHz.

l’horizontale un angle d’environ 70, d’o`u une valeur projet´ee donn´ee par B

Terre. cos(70◦) '

1, 5.10−5 T. Ce calcul semble indiquer que la principale source de champ magn´etique dans le laboratoire est le champ magn´etique terrestre.

On voit donc que le dispositif ´etudi´e dans ce chapitre est tr`es sensible au champ magn´etique ext´erieur2, ce qui risque de d´egrader consid´erablement ses performances iner-

tielles (par exemple une variation du champ magn´etique ext´erieur de seulement 1 µT va entraˆıner un changement de la fr´equence de battement ´egal `a 40 Hz, ce qui n’est pas acceptable pour des applications inertielles haut de gamme). Plusieurs moyens peuvent ˆetre imagin´es pour pallier ce probl`eme. On les mentionne ici, mˆeme si on ne les a pas pour l’instant mis en œuvre exp´erimentalement. On peut par exemple utiliser un disposi- tif de blindage pour att´enuer les effets des champs magn´etiques ext´erieurs. On peut aussi utiliser, pour la g´en´eration du biais, un mat´eriau ferro-magn´etique satur´e (par exemple un barreau de YIG), qui est de facto beaucoup moins sensible au champ magn´etique ext´erieur, dans la limite o`u il reste satur´e. Enfin, on peut envisager d’utiliser, toujours pour la g´en´eration du biais, deux barreaux de mˆeme longueur et s´epar´es par une lame

λ/2. Le d´ephasage induit par le champ magn´etique ext´erieur est alors compt´e positive-

ment dans l’un des barreaux et n´egativement dans l’autre, ce qui permet `a ses effets de se compenser. Pour g´en´erer le biais magn´eto-optique, il suffit alors de cr´eer dans les deux barreaux des champs magn´etiques de sens oppos´es, en utilisant par exemple des bobines identiques mais aliment´ees par des courants de signes diff´erents. On obtient ainsi un gyrolaser `a ´etat solide avec un biais magn´eto-optique insensible (en th´eorie) au champ magn´etique ext´erieur.

2Au point que l’on pourrait envisager son utilisation en tant que magn´etom`etre, selon le principe

Cellule 1 Cellule 2

Figure 5.8 – Repr´esentation sch´ematique du dispositif de d´etection pour le comptage de franges. Les deux faisceaux issus des modes contrarotatifs de la cavit´e laser sont superpos´es avec un petit angle sur deux d´etecteurs tr`es rapproch´es. On obtient deux signaux de battement dont on peut r´egler la phase relative en jouant sur cet angle.

Cellule 1

Cellule 2

Figure 5.9 – Signaux exp´erimentaux mesur´es par les deux cellules de d´etection pour le comptage de franges. Le signal de battement est induit par un biais magn´eto-optique constant. L’angle entre les deux faisceaux a ´et´e choisi de mani`ere `a obtenir des signaux en quadrature de phase.

5.2.4

Mesure de performances inertielles par comptage de frange

Afin d’´evaluer les performances inertielles du gyrolaser `a ´etat solide avec un biais magn´eto-optique, on a mis en place un dispositif int´egrateur similaire `a ceux qui sont utilis´es pour les gyrolasers `a h´elium-n´eon. Le principe consiste `a compter le nombre de franges qui d´efilent sur le signal de battement. Afin de tenir compte du sens de d´efilement, on utilise deux d´etecteurs rapproch´es, comme sur la figure 5.8. En agissant sur l’angle form´e par les vecteurs d’ondes des deux faisceaux, on peut changer la phase qui existe entre les signaux de battement des deux d´etecteurs, et les mettre en quadrature l’un par rapport `a l’autre. Cela permet alors `a un dispositif ´electronique de comptage de disposer d’une information sur le sens de d´efilement des franges, donc sur le signe de la vitesse de rotation.

Les signaux de battement en quadrature de phase issus du gyrolaser `a ´etat solide avec un biais magn´eto-optique constant sont reproduits figure 5.9. Le r´esultat de la mesure est donn´e sur la figure 5.10. L’ordinateur affiche `a chaque seconde le nombre de franges ayant d´efil´e pendant la seconde ´ecoul´ee, ce qui peut ˆetre vu comme une mesure de la fr´equence instantan´ee (en fait la fr´equence moyenne `a chaque seconde) en fonction du temps. On constate que, pendant le temps d’int´egration, qui est ´egal `a 10 minutes, la valeur de la fr´equence instantan´ee reste `a peu pr`es constante, avec une dispersion de l’ordre de 150 ppm.

Figure 5.10 – R´esultat du comptage de franges avec un biais magn´eto-optique constant pendant 10 minutes. On voit sur cette figure le nombre de franges ayant d´efil´e `a chaque seconde. La valeur du biais magn´eto-optique utilis´ee pour cette s´erie de mesures est d’en- viron 500 kHz. La dispersion de la fr´equence mesur´ee est de l’ordre de 75 Hz, soit 150 ppm.

Une deuxi`eme exp´erience a ´et´e men´ee sur une dur´ee d’observation beaucoup plus grande (1 heure). Le r´esultat est donn´e sur la figure 5.11. On y observe les deux choses suivantes :

– la pr´esence de pics correspondant `a des sauts de fr´equence d’amplitude relativement importante (de l’ordre de 10−3) et de courte dur´ee (de l’ordre de la dizaine de secondes) ; ce ph´enom`ene n’est pas pour le moment expliqu´e avec certitude, mais on peut ´evoquer les hypoth`eses des vibrations m´ecaniques ou de la circulation de l’air `a l’int´erieur de la cavit´e ; on a observ´e que ces pics devenaient plus rares lorsque l’on prot´egeait la cavit´e par un capot en plexiglas, ce qui tendrait plutˆot `a confirmer la seconde hypoth`ese ;

– une d´erive long terme de la valeur du biais lorsque ces pics sont absents ; en une heure, celui-ci a chang´e lin´eairement d’environ 250 ppm ; l`a encore, plusieurs hy- poth`eses sont envisag´ees, comme par exemple la d´erive de l’alimentation de courant `a l’origine du biais magn´eto-optique (si cette hypoth`ese ´etait v´erifi´ee, cela voudrait dire que le courant d´elivr´e, qui est ´egal `a 200 mA, a vari´e de 50 µA sur une heure), ou un changement de temp´erature qui influe sur certains des param`etres du laser (changement des indices optiques, du coefficient de Verdet...).

On voit donc qu’au probl`eme de la sensibilit´e au champ magn´etique ext´erieur s’ajoute celui de la stabilit´e du biais. Au vu des ordres de grandeur consid´er´es, cela reviendrait entre autres `a stabiliser le courant dans la bobine `a mieux que 10−7, ce qui semble exclu a priori. On peut signaler toutefois l’existence d’un composant ´electronique qui d´elivre une tension stable `a mieux que 2 ppm sur 30 jours [131], qui pourrait servir de base `a une source de

Figure 5.11 – R´esultat du comptage de franges avec un biais magn´eto-optique constant pendant environ une heure. On constate une d´erive long terme, symbolis´ee par la ligne continue superpos´ee aux donn´ees, ainsi que des sauts de fr´equence sur des dur´ees plus courtes (de l’ordre de la dizaine de secondes).

courant destin´ee `a l’alimentation de la bobine de g´en´eration du biais3. Une telle source,

combin´ee `a une cavit´e monobloc et ´eventuellement `a certaines des techniques expos´ees dans ce chapitre pour s’affranchir de la sensibilit´e au champ magn´etique ext´erieur, pourrait fournir un gyrom`etre aux performances inertielles acceptables pour des applications de type basse ou moyenne gamme.

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