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Comment estimer le nombre de cellules cultivables dans une suspension ?

5 Validation de la technologie sur l’énumération de microorganismes du sol

5.3 Comment estimer le nombre de cellules cultivables dans une suspension ?

vables.

Pour estimer cette concentration avec un dispositif en gouttes, on peut inoculer du milieu de culture avec notre échantillon, l’incuber et compter combien de gouttes ont un signal résazurine positif. Il risque alors de se poser un problème : si notre échantillon est très riche en microbes, toutes les gouttes seront positives. On n’aura alors aucun moyen de savoir si les gouttes contenaient une, dix, ou dix mille cellules cultivables en début d’incubation. Inversement, si l’échantillon est trop pauvre en mi- crobes, toutes les gouttes risquent d’être vides, et on sera autant dans l’ignorance quant à la concen- tration de l’échantillon.

Mettons maintenant qu’une partie des gouttes est positive et une autre négative. On a alors une meil- leure idée de la concentration initiale de l’échantillon, mais peut-on réellement l’estimer ? Comment savoir si les gouttes pleines contenaient une, dix ou cent cellules en début d’incubation ?

Formellement, on ne le peut pas, mais on peut estimer la probabilité que cela ait lieu. Pour ce faire, on va avoir recours à la loi de Poisson ; une loi de probabilité qui permet de modéliser la survenue d’évènements « rares ».

Soit un liquide de volume V contenant des microorganismes ultivables à une concentration C. On sup- pose que ce liquide a été homogénéisé et que chaque microbe a une probabilité égale de se trouver en n'importe quel point du liquide. On suppose par ailleurs que l'homogénéisation du milieu a séparé les microbes les uns des autres et qu'ils n'adhèrent pas entre eux.

Supposons maintenant que l'on divise le liquide initial en i gouttes de volumes 𝑣!. En moyenne, chaque

goutte i contiendra donc 𝐶 × 𝑣! microorganismes cultivables.

(On suppose que la goutte est suffisamment grande et la suspension suffisamment diluée pour que la présence d'un microbe dans la goutte ne modifie pas la probabilité d'un autre microbe de s'y trouver). On peut alors appliquer à la goutte i la loi de Poisson de paramètre 𝜆 = 𝐶 × 𝑣! :

𝑃(𝑋 = 𝑘) = 𝜆" 𝑘!𝑒#$ Avec :

• 𝑋 le nombre de microbes cultivables dans la goutte en début d’incubation • 𝑘 un entier

• 𝑃(𝑋 = 𝑘) la probabilité d’avoir k microbes cultivables dans la goutte i en début d’incubation Voyons maintenant un exemple pour 𝜆 = 1 afin de se faire une idée du comportement de cette loi de

5.3.1 Calcul d’espérance pour 𝜆 = 1

La machine est réglée pour avoir des gouttes d’environ 0,7µl. Nous prendrons ce volume pour nos calculs. Supposons que l’on génère 70 gouttes identiques à partir d’une suspension de concentration en cellules viables C.

Supposons que l’échantillon contient 1,43E3 cellules par millilitre, soit une espérance d’une cellule par

goutte, ou 𝜆 = 1. On applique la formule citée plus haut et on affiche les résultats sur la Figure 5-4.

En espérance, on trouve : • 25,75 gouttes vides,

• 25,75 gouttes contenant une cellule viable • 12,88 gouttes en contenant deux

• 4,29 gouttes en contenant trois

• 1,33 gouttes en contenant quatre ou plus

On note donc que le nombre de cellules viables initialement présentes dans une goutte est limitée : il est très improbable d’obtenir plus de six cellules par goutte. Cela s’explique par le fait que la variance de la loi de Poisson est égale à 𝜆.

En réalité, il est très difficile de dire combien de microorganismes contenait une goutte en début d’in- cubation à partir de sa courbe de croissance ; de différencier les gouttes contenant un microorganisme viable de celles en contenant deux, trois ou quatre. On ne peut de façon univoque que différencier les gouttes vides des gouttes pleines. En conséquent, sur le calcul précédent, ce qui nous intéresse est qu’en espérance, on trouvera 25,75 gouttes vides et 44,25 gouttes pleines.

On comprend intuitivement qu’en inversant la logique, si l‘on incube 70 gouttes d’un liquide de con- centration C inconnue et que l’on en trouve 26 vides et 44 pleines, la concentration C la plus probable était proche d’une cellule par goutte (autrement dit, de 𝜆 = 1), soit 1,43E3 cellules cultivables/ml.

25,75 25,75 12,88 4,29 1,07 0,21 0,04 0,01 0,00 0,00 0,00 0 5 10 15 20 25 30 X = 0 X = 1 X = 2 X = 3 X = 4 X = 5 X = 6 X = 7 X = 8 X = 9 X = 10

Espérance du nombre de gouttes contenant X cellules

cultivables en début d'incubation ; 𝜆 = 1 ; 70 gouttes

Une formule (cas particulier de la loi de Poisson pour 𝑋 = 0, voir 181) permet de préciser cette intuition

et de calculer formellement la concentration en microorganismes la plus probable à partir du nombre de gouttes vides et du nombre de gouttes pleines. Soient :

• C le nombre de cellules cultivables par millilitre de suspension le plus probable • w le volume des gouttes

• n le nombre de gouttes • x le nombre de gouttes vides

𝐶 =−ln (x/n) 𝑤

Cette formule n’est valable que lorsque 𝑥 ≠ 0 𝑒𝑡 𝑥 ≠ 𝑛 (c’est-à-dire lorsqu’au moins une goutte a poussé et lorsque qu’au moins une goutte n’a pas poussé). Et c’est bien là la limite de cette méthode : il n’est possible d’estimer une concentration que dans une gamme de concentrations dont l’amplitude dépend du nombre total de gouttes. Afin de couvrir une gamme plus large, il est possible de diluer la suspension initiale, une ou plusieurs fois.

5.3.2 Afin de couvrir une gamme de concentrations large, nous avons réalisé des dilutions

successives

Lorsque l’ordre de grandeur de la concentration en cellules cultivables de l’échantillon étudié est in- connu, il est courant de réaliser des dilutions successives et d’incuber chaque niveau de dilution indé- pendamment des autres. De cette manière, on se donne une chance d’avoir au moins un groupe de gouttes composé de positives et de négatives. Au passage, notez que cette méthode a été une des premières utilisées pour dénombrer les microbes du sol, au début du XXème siècle161.

Nous ignorions initialement combien de microbes seraient contenus dans les sols et quelle serait la diversité des sols, c’est pourquoi nous avons adopté la méthode des dilutions successives dans la ma- jorité de nos expériences.

Pour remonter à une concentration initiale en microorganismes, il devient alors nécessaire d’appliquer un traitement statistique un peu plus sophistiqué. Chaque dilution n’est pas prise indépendamment des autres, mais considérées comme apportant une information sur la suspension initiale. Le traite- ment de nos données repose sur la méthode de Jarvis et al182 et est détaillé en annexes.

5.3.3 Conclusion

Nous avons un set up qui permet en théorie d’estimer une concentration initiale en microorganismes cultivables d’une suspension à partir du ratio gouttes vides/gouttes pleines de dilutions successives de cette suspension. Nous avons voulu valider expérimentalement la pertinence de ce modèle, en le com- parant à la méthode classique des boîtes de Petri, d’abord sur des souches de laboratoire pures, puis sur des échantillons complexes de sol.

5.4 Validation de la méthode de comptage en gouttes avec quelques souches de la-