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Notre dispositif expérimental permet de distinguer les sols selon leur capacité à faire diminuer le

6 Transfert en gouttes des tests de solubilisation du phosphate

6.5 Analyse des sols

6.5.1 Notre dispositif expérimental permet de distinguer les sols selon leur capacité à faire diminuer le

6.5.1.1 Le problème des signaux, pas aussi clairs qu’avec la résazurine

Comme nous l’avons vu, la croissance de P agglomerans entraîne une diminution de la quantité de lumière diffusée. Qu’en est-il avec des microorganismes du sol ?

Comme pour la résazurine, les microorganismes du sol montrent des courbes de scattering très diffé- rentes les unes des autres, dont le signal baisse plus ou moins tôt, plus ou moins fort et augmente dans certains cas (voir Figure 6-13 et Figure 6-14 pour un aperçu). Pour la mesure de la fluorescence de la résazurine, on voyait parfois que le signal faisait des dents de scie. Cela vient du fait qu’on ne mesure pas exactement la même chose si la goutte va dans un sens ou dans l’autre (la goutte peut notamment aller légèrement plus vite dans un sens). Cependant, dans le cas du scattering, un autre paramètre

Figure 6-12 : Lumière diffusée (scattering) au cours du temps par des gouttes ensemencées avec des microorganismes du sol, dans du milieu Pikovsksaya sans particule

Figure 6-13 : Signal de scattering au cours du temps de gouttes de Pikovskaya liquide ensemencées avec des microbes du sol - environ une cellule par goutte en début d'incubation

Figure 6-14 : Signal de scattering au cours du temps de gouttes de Pikovskaya liquide ensemencées avec des microbes du sol - environ une cellule par goutte en début d'incubation

En effet, après avoir pris en photos des gouttes en cours d’incubation, on constate que le contenu de certaines d’entre elles n’est pas homogène : on voit des amas par endroits. Voir Figure 6-15 pour un échantillon de ce que l’on rencontre en gouttes. Or, on constate que lorsqu’un amas de forme, il est généralement attiré vers le bas de la goutte par gravité, ce qui peut donner des paramètres optiques très différents dans un sens et dans l’autre. Cela obscurcit par ailleurs parfois tellement la goutte qu’une « éclipse » se crée : le laser de détection des gouttes est absorbé par l’agglomérat et une partie (voire la totalité) du signal n’est pas détectée comme faisant partie de la goutte. Cela peut donc ame- ner le logiciel de traitement du signal à surestimer ou sous-estimer le signal réel de scattering. Notez que pour des raisons techniques, ce dernier phénomène est plus important sur le canal scattering que sur le canal de fluorescence.

On peut penser que d’un point de vue biologique, il s’agit d’une création de biofilm. En effet, des au- teurs ont rapporté que le manque de phosphate pouvait entraîner la formation de biofilm chez certains procaryotes189.

Contrôle Dissolution homogène

Amas 1 Amas 2

Figure 6-15 : Photos de différentes gouttes au bout de 30 heures d’incubation, milieu Pikovskaya inoculé avec une suspension de microorganismes du sol. La réglette en bas des photos mesure 5mm. La flèche représente le sens de la gravité.

On peut donc se demander ce que l’on détecte réellement avec le canal de scattering. Nous étudierons cette question plus tard. Dans un premier temps, considérons que toute goutte dont le signal de scat- tering a baissé d’un certain niveau par rapport à son signal en début d’incubation contient au moins une souche de microbes solubilisateurs. Comme dans le chapitre précédent, nous nous baserons là- dessus pour identifier des gouttes comme « positives » au scattering et des gouttes comme « néga- tives ». A partir de là, nous réutiliserons la méthode des zéros de Poisson pour estimer une concentra- tion la plus probable en microorganismes solubilisateurs, en appliquant les formules de Jarvis et al182.

6.5.1.2 Choix d’un seuil de scattering

1) On retire à chaque goutte sa valeur de scattering initiale, moyennée sur les quatre premiers runs.

2) On note les gouttes qui ont poussé en se basant sur leur signal de résazurine (même données qu’au chapitre précédant)

3) On cherche la valeur de scattering la plus basse par rapport au signal initial ; le « ∆%&'(()*!+, »

le plus important

4) A partir de ces valeurs, on trace un histogramme de répartition des valeurs de scattering les plus basses atteintes par chaque goutte. Notez que chaque lot de milieu a un pH et une con- centration en particules légèrement différents des autres lots, c’est pourquoi nous menons cette analyse indépendamment pour chaque groupe d’expériences menées avec le même mi- lieu (c’est-à-dire avec la même bouteille de milieu).

A partir de cet histogramme, on extrait une valeur seuil en-dessous de laquelle on considère qu’il y a eu dissolution. Par exemple, sur la Figure 6-16, on a représenté ces valeurs pour un de nos lots de milieu, avec lequel nous avions mené une dizaine d’expériences, sur différents sols. On constate qu’en- viron 75% des gouttes n’ont pas dépassé -0,25 point par rapport à leur valeur initiale. On prend donc cette valeur comme seuil ; pour ce lot de milieu et on considère les gouttes qui ont dépassé -0,25 comme peuplées de solubilisatrices.

Pour chaque lot de milieu, on détermine un seuil à partir de ces histogrammes.

A partir de là, on peut calculer les concentrations les plus probables en solubilisateurs, exactement comme dans le chapitre sur la biomasse cultivable. Comme expliqué au chapitre précédent, on arrête l’analyse à 38h, car au-delà, trop de gouttes coalescent, ce qui gêne l’identification des gouttes.

Figure 6-16 : Histogramme représentant la valeur de scattering la plus basse atteinte par chaque goutte dans laquelle au moins un microorganisme a poussé, pour un même lot de milieu Pikovskaya liquide. La flèche représente le seuil choisi.

On constate que le nombre de solubilisateurs varie entre 2E4 et 7E5 cellules par gramme de sol. Notez

par ailleurs qu’avec notre expérience, il est possible de détecter les points entre 6,0E3 et 3,4E7 cellules

par gramme de sol. Les sols pauvres comme PS 030919 sont donc en limite de plage dynamique, pour chaque expérience, on ne compte typiquement que trois ou quatre gouttes positives au scattering, d’où une plus grande variabilité des mesures.

Comme ces valeurs variaient environ comme la biomasse, nous avons divisé la concentration en mi- croorganismes faisant chuter le scattering par la concentration en microorganismes cultivables (c’est- à-dire positifs à la résazurine), ce qui donne les fractions de solubilisateurs présumés. On constate que des différences plus marquées apparaissent alors, avec certains sols proportionnellement très riches (60% des cellules) ou très pauvres (2,5% des cellules) en microbes faisant chuter le signal de scattering (Figure 6-18) :

Figure 6-17 : concentrations la plus probable en microbes solubilisateurs cultivables pour plusieurs sols, en cellules par gramme de sol. Ces résultats correspondent aux données disponibles à 38 heures d’incubation.

Figure 6-19 : Coefficient de variation (écart-type/moyenne) de du ratio nombre de solubilisateurs/nombre de cellules culti- vables. Notez que les sols les plus variables sont aussi ceux pour lesquels on a le moins de microorganismes. Le nombre N représente le nombre d’expériences.

Les coefficients de variation sont tous inférieurs à 50%, sauf pour les sols en limite de plage dynamique. On a donc une reproductibilité satisfaisante.

Finalement, on trouve que notre protocole donne des résultats reproductibles et que sur notre lot de sols, une diversité apparaît en matière de fractions des microorganismes capables de faire diminuer le signal de scattering : entre 2% et 60% selon les sols, avec des extrêmes à 0,8% et 64% pour certaines expériences. Ces résultats sont supérieurs à ceux que l’on trouve dans la littérature : dans une étude

0% 20% 40% 60% 80% 100% 120% 140% PS 030919 (N=3) PS 251119 (N=1) TS 130419 (N=2) TS 291019 (N=2) PS 181019 (N=3) PS 160819 (N=6) TS 020120 (N=3) PS 270919 (N=1) PS 151119 (N=1) TB 030920 (N=4) IA 300920 (N=4) PS 271020 (N=3)

Coefficients de variation des fractions de microbes faisant

chuter le scattering

Figure 6-18 : Fractions de microorganismes faisant chuter le signal de scattering parmi les cellules cultivables pour nos diffé- rents sols agricoles. Les fractions sont calculées en divisant les concentrations calculées à partir du scattering par celles calcu- lées à partir de la résazurine.

de Azziz et al39, les microorganismes solubilisateurs cultivables sont entre 6,5E4 et 6,2E6 par gramme

de sol. Ils représentent entre 0,2% et 13,1% de la population totale de microorganismes cultivables, avec des moyennes à 2,9% et 3,8%. Dans une étude de Reyes et al192, en moyenne 19% de la population

microbienne étudiée est capable de solubiliser le phosphate. Nous verrons en 6.6 que cela peut s’ex- pliquer par différents éléments.

Il nous reste maintenant à savoir si notre protocole mesure bien la capacité à solubiliser les particules de phosphate. Pour ce faire, nous allons analyser le lien entre baisse du signal de scattering et pH dans nos gouttes. Dans une dernière partie, nous comparerons nos résultats avec ceux obtenus sur boîtes de Petri.