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Estimation des déterminants majeurs de la santé des migrants : statut légal, culture ou couche sociale ?

3 Démarche et méthode

4.4 Estimation des déterminants majeurs de la santé des migrants : statut légal, culture ou couche sociale ?

A la suite de ces résultats sur les priorités d’interventions spécifiques au niveau préventif et curatif pour les migrants, il nous semble primordial de mettre en perspective ces données et la question des déterminants majeurs de santé des migrants.

Le statut légal : la question de l’influence du statut légal sur des problèmes spécifiques de santé des migrants obtient le plus important consensus par rapport aux autres déterminants de la santé, comme le montre la valeur moyenne et la distribution des réponses67. Il existe peu de différence d’opinion entre les catégories de participants. Toutefois, une des fréquentes raisons remettant en cause l’impact de ce facteur est qu’il concerne selon les participants un relativement petit groupe de personnes (les requérants d’asile, les traumatisés de guerre ou des groupes très spécifiques comme les personnes issues de l’industrie de la prostitution). Il est intéressant de noter par ailleurs que lorsque les approbations sont plus faibles, celles-ci sont reportées sur un autre facteur qui aurait un plus grand impact sur la santé (par exemple la couche sociale).

Les mesures sociales ou légales pouvant améliorer la situation des migrants, et les principaux changements suggérés pour améliorer la situation des migrants par rapport au contexte d’accueil dans le nouveau pays de résidence, sont les suivants (par ordre de priorité) :

x Simplifier et accélérer les démarches concernant les procédures d'admission et les statuts de séjour : par ex. accroître la rapidité dans la décision en matière de procédure d’asile ; faciliter les naturalisations ; autoriser une plus grande mobilité intercantonale des migrants.

x Faciliter l’accès au marché du travail, obtention de permis de travail ; notamment pour les requérants d’asile ; améliorer les conditions salariales des travailleurs immigrés ; reconnaître les diplômes étrangers.

x Favoriser les regroupements familiaux.

x Augmenter les mesures en faveur d’une politique d'intégration, dans l’idée que l’intégration permet une meilleure santé et ainsi une réduction des coûts.

La culture : nous observons une adhésion relativement faible68 des participants par rapport à la détermination culturelle des problèmes de santé des migrants.

Toutefois, l’importance de la culture n’est pas vraiment remise en question, mais plutôt relativisée par rapport à un ensemble d’autres facteurs influents. Cet attribut semble en effet problématique pour beaucoup, ainsi plusieurs participants ont craint en approuvant cette assertion de cautionner une déclaration discriminatoire (l’idée

67 Moyenne de 2,48 avec un écart-type de 1,29

68 Moyenne de 3,72.

étant que « les autres cultures n’ont pas moins de valeur que la nôtre »). De plus, beaucoup de participants ont eu des difficultés à saisir le terme de « culture » malgré sa large utilisation dans le milieu des sciences sociales (plusieurs réponses ont été par exemple négatives et complétées par l’affirmation que le problème n’est pas culturel mais un problème de langue, etc.). Par ailleurs, certains ont fortement distingué la maladie et ses causes de la représentation sociale de celle-ci. Selon ces personnes, le facteur « culture » n’interviendrait qu’au seul niveau des représentations. Pour finir, une grande partie des participants a distingué l’influence de ce facteur en fonction des groupes de migrants. Pour ces personnes la culture aurait un impact sur la santé, mais uniquement pour certains groupes.

La couche sociale : la question de la corrélation entre la couche sociale et les problèmes de santé obtient des résultats variant selon les participants69. La plus forte approbation émane des représentants fédéraux, alors que la plus faible provient des organisations engagées dans le domaine de la migration. Différentes conséquences de la couche sociale sur la santé des migrants ont été mises en avant :

x Les conditions de travail (notamment liées à l’industrie de la prostitution) ont été décrites comme une conséquence de la couche sociale.

x La perte de statut social et civique par la migration (par exemple par la non reconnaissance des diplômes ou par l’accès au chômage) a été jugée tributaire de la couche sociale.

x Les facteurs sociaux ont été très souvent traités en relation avec les problèmes de langue et de communication des migrants dans la société d’accueil.

x Enfin, il ressort clairement des réponses que l’origine sociale inférieure a des conséquences entre autres sur les comportements de santé des migrants.

La deuxième étape du processus Delphi permet de définir lequel de ces facteurs sociaux (statut légal ; couche sociale inférieure ; condition de travail ; problème de langue et de communication) 70 a selon les participants une plus forte influence sur les problèmes de santé. Il s’agit donc de s'interroger sur l’influence estimée des facteurs les uns par rapport aux autres.

La question de l’interdépendance entre ces différents facteurs et des problèmes de santé ne mène pas à un accord complet pour toutes les catégories de participants.

69 En effet, si les réponses équivalent à une moyenne de 3,12, l’écart-type entre les participants est de 1,4.

70 Le statut légal, la culture et la couche sociale ont été précisés au deuxième tour. Les conditions de travail ont été ajoutées comme un facteur potentiel, car elles sont liées en partie au statut légal. De plus, nous avons interrogé les participants sur l’influence des facteurs tels que la langue et la communication. Ceux-ci regroupent des dimensions relevant à la fois de la migration, de la couche sociale et de la culture. Nous n’avons plus au deuxième tour questionné les experts sur l’impact de la culture, car celui-ci n’avait pas été jugé important par la majorité d’entre-eux lors de la première étape.

Par ailleurs, des divergences existent entre celles-ci. Les organisations dans le domaine de la migration considèrent que la perte du statut et les limites d’accès aux mêmes droits que les autochtones constituent les déterminants les plus importants.

Pour les instances fédérales, l’influence de la couche sociale est plus importante.

Cependant, il semble que ce désaccord provienne du fait que les migrants auxquels les participants se réfèrent n’ont pas été différenciés. En effet, les différents participants s’accordent sur les facteurs déterminant la santé, lorsque des groupes-cible sont précisés par rapport aux différents facteurs.

Ainsi, les facteurs déterminants pour tous les groupes-cible, excepté pour les requérants d’asile et les femmes issues de nouvelles migrations, sont, selon la majorité des participants, d’abord la couche sociale. Pour les requérants d’asile et ces femmes, les participants sont d’avis que le statut juridique influe, en revanche, davantage sur la santé que la couche sociale ou la culture(cf. tableau 4).

Tableau 7 : Facteurs déterminant des problèmes de santé selon les groupes

(requérants d’asile ; 1ère génération de migrants ; personnes de la 2ème génération ; femmes issues des nouvelles migrations ; femmes issues d’anciennes migrations) Requérants

d’asile

1ère génération

2ème génération

Femmes

« nouvelle migration »

Femmes

« ancienne migration » Facteurs : Moyenne (n)* Moyenne (n)* Moyenne (n)* Moyenne (n)* Moyenne (n)*

Culture 2,15 (84) 2,25 (79) 2,18 (77) 2,09 (77) 2,05 (74) Couche sociale 2,18 (84) 1,67 (79) 1.47 (77) 1,92 (76) 1,57 (74) Statut juridique 1,48 (85) 2,03 (80) 2,47 (76) 1,74 (76) 2,37 (73)

* Moyenne des réponses (Nbr. de participants toutes catégories )

En résumé, le lien entre la santé et la migration n’est pas seulement une problématique de santé, mais relève du contexte d’accueil dans le nouveau pays de résidence. Cette affirmation semble aujourd’hui banale, car ce lien a été mis en évidence par la littérature. Pourtant les mesures actuelles prenant ce lien en considération sont encore rares. Nous pouvons faire ainsi l’hypothèse que des mesures qui ne viseraient pas directement des problèmes de santé pourraient être aussi efficaces, voire même davantage.

Ces résultats permettent aussi de relever que la résolution des facteurs déterminant la santé ne peut être laissée seulement aux acteurs dans le domaine de la santé. La question a aussi des implications politiques comme par exemple le développement d’une stratégie d’interventions pour un symptôme somatique particulier.