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2.5 Application au mortier étudié

2.5.2 Estimation du coefficient de Biot

Nous cherchons ici à estimer le coefficient de Biot du mortier étudié en utilisant le schéma de Mori-Tanaka. Le principe de calcul a été présenté au 2.4.6. Le milieu est constitué d’une matrice cimentaire et d’inclusions de sable. Comme nous l’avons évoqué précédemment, on ne

considère pas de pores à cette échelle, toute la porosité étant incluse dans la matrice. Aussi, nous allons prendre en compte le comportement poro-élastique de la matrice, au travers d’un coefficient de Biot bm. Sa mesure sur la pâte a été effectuée dans ce travail et sera présentée plus

loin. Nous avons obtenu bm= 0, 74. Ici il faut donc considérer une précontrainte dans la matrice,

les grains de sable n’ayant pas de comportement poro-élastique. Le tenseur des coefficients de Biot homogénéisés est donné par la relation :

Bmor = (1 − fs)bm1 : Am (2.51)

L’utilisation du schéma de Mori-Tanaka pour l’estimation de Am et le caractère isotrope des différentes phases nous fournit l’expression du coefficient de Biot homogénéisé, dans le cas d’in- terfaces parfaites :

Bmorparf = (1 − fs)bm(3ks+ 4µm) 3ks(1 − fs) + 3fskm+ 4µm

(2.52) L’application numérique dans le cas présent nous donne : Bmorparf = 0, 52. La valeur trouvée

expérimentalement par [31] est Bmor60 = 0, 64. Elle est calculée à partir de la relation b = 1−Kb Ks.

Les valeurs expérimentales obtenues sont des valeurs moyennes, avec des variations de 7 % pour Kb60 et 10 % pour Ks60. L’estimation obtenue diffère de 19 % de la valeur expérimentale, l’écart

paraît donc important. Néanmoins, nous n’avons pas pris en compte ici l’effet des interfaces imparfaites et donc de l’ITZ. Prenant en compte cet effet, l’estimation de Am comporte alors cette information et le résultat obtenu, en supposant que seule la matrice a un comportement poro-élastique, est le suivant :

Bmorint =

(1 − fs)bm(rsKn(3ks+ 4µm) + 12ksµm)

3rsKnks(1 − fs) + (rsKn+ 3ks)(3fskm+ 4µm)

(2.53)

L’application numérique au cas présent avec Kn60 = 64, 9.10

4 GP a donne Bint

mor = 0, 46. On

peut d’ailleurs s’intéresser à l’évolution du coefficient de Biot en fonction de la raideur normale d’interface Kn. Comme on peut le voir sur la figure 2.29, le coefficient de Biot varie entre 2

Figure 2.29 – Evolution du coefficient de Biot dans le cas du mortier M58 étudié en fonction de la raideur normale de l’interface.

valeurs limites, pour le cas où Kn −→ 0 et le cas Kn −→ ∞. Le premier cas limite correspond

au cas où l’interface ne transmet plus d’effort (les inclusions de sable ne contribuent alors plus aux propriétés élastiques macroscopiques et équivalent mécaniquement à des pores vides). Le deuxième cas correspond aux interfaces parfaites, et l’on retrouve le résultat 2.52.

2.5 Application au mortier étudié

Cependant, cette dernière modélisation est-elle satisfaisante pour rendre compte de l’influence de l’ITZ ? Comme nous l’avons évoqué précédemment, l’ITZ est une zone en périphérie des gra- nulats où la pâte est plus poreuse. Ses propriétés mécaniques sont donc plus faibles. Et comme on peut le voir sur la figure 2.28, plus un milieu est poreux et plus son coefficient de Biot sera élevé. De ce fait, il convient d’affecter un comportement poro-élastique à l’ITZ, avec des pro- priétés mécaniques plus faibles et un coefficient de Biot plus élevé que la pâte bulk. Aussi, dans le modèle de double inclusion, cela revient à affecter ces propriétés à la coque sphérique autour des inclusions. La coefficient de Biot homogénéisé sera alors obtenu en utilisant le théorème de Levin comme précédemment. Dans un modèle avec interfaces imparfaites, qui peut être vu comme limite du modèle à double inclusion, cela revient à conférer à l’interface un comporte- ment poro-élastique. Notant bitz le coefficient de Biot de la coque sphérique représentant l’ITZ, on peut alors réécrire la loi de comportement de l’interface (2.28) comme suite :

T= K.JξK − bitzpn (2.54)

où n est le vecteur normal à l’interface au point considéré. On cherche alors à résoudre le problème d’Eshelby généralisé où la matrice est le siège d’une précontrainte −bmp1 et l’interface du pré-

chargement −bitzpn, le milieu étant soumis à la déformation auxiliaire sphérique E0 = E01. Les

inclusions sphériques de rayon rs ne sont pas, elles, le siège d’une précontrainte. La solution en déplacement du problème est cherchée sous la forme : ui = (αir +rβi2)er dans chacune des phases

(i = s ou m), où er est le vecteur radial de la base sphérique. On écrit alors la continuité de la contrainte au passage de l’interface et la loi de comportement de l’interface, sachant que pour r −→ 0, on écrit que le déplacement est fini (βs= 0) et que pour r −→ ∞, le déplacement vérifie

ur−→∞ = E0.x (d’où αm= E0) :

en r = rs : ((Cm : ε − bmp1) − σs).er = 0

en r = rs : (Kn.(um− us) − bitzp)er− σs.er = 0

(2.55)

On a ici deux équations indépendantes pour deux inconnues aset bm. On peut donc résoudre ce problème et déterminer la solution en déplacement dans chacune des phases. On calcule ensuite la déformation moyenne dans l’ensemble (grain + interface) par :

εGU I = 1 | Ωs| Z |∂Ωs| er s ⊗ umr=rsdS (2.56) où a⊗ b =s 1

2(a ⊗ b + b ⊗ a) est le produit tensoriel symétrisé. La déformation macroscopique

se calcule alors comme la moyenne des déformations microscopiques, la déformation dans la matrice étant prise égale à la déformation auxiliaire E0 :

E =ε = fsεGU I+ (1 − fs)E0 (2.57)

On peut ainsi déterminer l’expression de E0. On calcule maintenant la contrainte moyenne dans

les inclusions : σG = σGU I = 1 | Ωs| Z |∂Ωs| rser s ⊗ T dS (2.58)

où T = (Kn.(um−us)r=rs−bitzp)er. La contrainte macroscopique est la moyenne des contraintes

microscopiques :

Σ = σ = fsσG+ (1 − fs)(Cm : E0− bmp1) (2.59)

On cherche maintenant l’expression du coefficient de Biot homogénéisé Bhomint . On écrit que −Bint

nulle. On tire donc l’expression de la déformation auxiliaire correspondant au cas E nulle de l’expression 2.57, et on l’injecte dans la relation 2.59 pour obtenir l’expression de Bhomint :

Bhomint = Bhomint

bitz =0 +

3fsksbitz(3km+ 4µm)

3rsKnks(1 − fs) + (rsKn+ 3ks)(3fskm+ 4µm)

(2.60)

où Bhomînt

bitz =0 est l’expression obtenue au 2.53 en ayant négligé le comportement poro-élastique de

l’interface (c’est à dire dans le cas bitz = 0). On voit donc que la prise en compte du comportement

poro-élastique de l’ITZ ajoute un terme au coefficient de Biot homogénéisé. On considèrera ici par exemple que l’ITZ a un coefficient de Biot valant 1. On peut ainsi calculer avec les valeurs numériques précédemment citées la nouvelle estimation de Mori-Tanaka du coefficient de Biot homogénéisé Bhomint = 0, 60. La prise en compte dans la modélisation d’un comportement poro- élastique de l’interface améliore donc l’estimation.

Ce coefficient de Biot homogénéisé peut aussi être calculé à partir du modèle de double inclusion, où l’on utilise le théorème de Levin avec une précontrainte −bitzp1 dans la coque sphérique, à

partir des relations A.1 et en passant à la limite e → 0. On retrouve alors bien la même expression. On peut alors s’intéresser à l’évolution de cette nouvelle estimation en fonction de la raideur d’interface.

Figure 2.30 – Evolution du coefficient de Biot du mortier M58 étudié en fonction de la raideur normale de l’interface, pour un coefficient de Biot de l’interface bitz = 1.

Comme on peut le voir sur la figure 2.30, et contrairement au résultat précédent (voir figure 2.29), le coefficient de Biot homogénéisé augmente lorsque la raideur d’interface diminue. En effet, dans le cas limite où Kn → 0, l’inclusion joue le rôle mécanique d’un pore, mais cette

fois, étant donné que l’on a conféré un comportement poro-élastique à l’interface, tout se passe comme si l’inclusion était un pore saturé à la pression bitzp. Dans le cas Kn→ ∞, l’interface est

parfaite et l’on retrouve le même résultat que précédemment. 2.5.3 Influence de la fraction volumique de sable

Nous avons présenté sur la figure 2.9 l’influence de la fraction volumique de sable sur la raideur du mortier. Nous avons obtenu une évolution non-linéaire pour des fractions volumiques ≥ 30%. Nous allons donc tester le schéma d’homogénéisation précédent pour estimer l’influence de cette fraction volumique. On peut observer sur la figure 2.31 deux estimations de Mori- Tanaka : l’une avec des interfaces parfaites, l’autre en considérant des interfaces avec une raideur Knindépendante de la fraction volumique de sable et prise égale à celle permettant de retrouver

2.5 Application au mortier étudié

Figure 2.31 – Comparaison de deux estimations de Mori-Tanaka (l’une avec interfaces parfaites, l’autre avec une raideur d’interface Kn indépendante de fs) avec les résultats expérimentaux

obtenus en compression simple.

On peut voir que les estimations sous-estiment énormément les modules expérimentaux pour fségal à 0,15 et 0,3, que l’on utilise un schéma avec interfaces parfaites ou non. Or le schéma de

Mori-Tanaka est logiquement adapté à ces fractions volumiques. Une explication possible peut venir du choix du module d’Young de la pâte de ciment utilisé dans le schéma de Mori-Tanaka. Nous l’avons pris égal au module expérimental obtenu sur des échantillons de pâte. Or, le séchage a un impact majeur. On peut alors se poser la question de l’influence de la fraction volumique de sable sur la raideur de la pâte dans le mortier. On peut par exemple, par calcul inverse, déterminer le module d’Young de la pâte permettant de retrouver les résultats expérimentaux sur mortier (voir figure 2.32), pour les deux schémas évoqués précédemment.

Figure 2.32 – Calcul inverse du module d’Young de la pâte de ciment pour deux estima- tions de Mori-Tanaka (l’une avec interfaces parfaites, l’autre avec une raideur d’interface Kn indépendante de fs).

Au vu de ces résultats, on peut se demander si une faible fraction volumique de sable ne protège pas la pâte des effets du séchage, alors qu’une forte fraction volumique anéantit cet effet protecteur. En toute rigueur, et sous réserve que le schéma d’homogénéisation soit suffisamment

précis, l’exploitation des résultats expérimentaux sur mortier utilisés en vue d’obtenir, par ana- lyse inverse, les caractéristiques mécaniques de la pâte devraient conduire à un module d’Young Epâte uniforme si les inclusions n’induisaient pas une modification de la pâte. Or la figure 2.32

fait clairement apparaître que l’effet des inclusions est loin d’être négligeable. Des essais de na- noindentation sur mortier permettraient de répondre à cette question. Si cela se confirmait, la possibilité de passer de la pâte de ciment au mortier de manière prédictive s’avèrerait alors très complexe, puisqu’il faudrait être capable d’introduire dans un modèle le rôle des grains de sable lors de l’hydratation et du séchage du mortier.

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