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3.3 UV-Ozone : traitement hydrophile en phase sèche pour la NOA

4.1.3 Essais de dépiégeage et tensio-actifs

Résultats expérimentaux

Nous nous intéressons en premier lieu à l’effet d’une solution aqueuse de tensio-actifs (SDS), sur le dépiégeage d’huile, dans différentes géométries, et pour une injection en se- condaire ou en tertiaire. L’ensemble des situations expérimentales observées est rassemblé dans le tableau suivant :

Géométrie Fluides Séquence État du pore

carré court ED + SDS tertiaire pas de dépiégeage triangle court ED + SDS secondaire lessivage

triangle court ED + SDS tertiaire pas de dépiégeage triangle profond ED + SDS secondaire piégeage à temps court

dépiégeage à temps long rectangle profond ED + SDS secondaire piégeage à temps court

et à temps long

Nous avons vu précédemment que l’injection secondaire d’une solution aqueuse de SDS dans une géométrie courte permet de lessiver entièrement l’huile contenue dans le pore (résultat rappelé figure 4.9a). Nous souhaitons étudier l’effet de cette solution sur la récupération d’huile, lors d’une injection tertiaire. La figure 4.9b présente le résultat d’une injection tertiaire d’une solution d’ED+SDS, après piégeage d’huile dans un système hydrophile. L’eau utilisée pour piéger l’huile est colorée en bleu, tandis que la solution ED+SDS est colorée en jaune : au cours de l’essai, la phase aqueuse présente dans le système, apparaît bleue puis verte (mélange progressif des deux solutions) puis jaune.

On observe qu’après injection de 200 volumes de pore (VP), la quantité d’huile dans le pore est constante. Le film de mouillage observé précédemment n’a pas pu se développer ni pénétrer dans le pore : la ligne de contact reste ainsi piégée sur les deux parois du pore, et le dépiégeage n’est pas possible. Seule la forme du ménisque a été modifiée, indiquant l’effet d’abaissement de l’énergie de surface eau/huile par la présence du tensio-actif dans la phase aqueuse. Dans la configuration d’huile résiduelle présentée ici, l’efficacité du tensio- actif apparaît optimale lorsqu’il est injecté en secondaire, via le développement d’un film de mouillage, qui assure la pénétration de la solution d’injection dans le pore, et le dépiégeage de l’huile.

Afin de préciser l’influence de la géométrie sur l’efficacité du tensio-actif en secondaire, nous utilisons les géométries profondes de la figure 4.8. Le système hydrophile est initia- lement saturé en huile (FC), puis on injecte une solution d’ED+SDS colorée en jaune. La figure 4.9 présente l’état du pore après injection du tensio-actif en secondaire au même débit (Q = 200 nL/min), pour un triangle profond (figure 4.9c) et un rectangle profond (figure 4.9d). Dans les deux géométries, une goutte d’huile est piégée après le passage du ménisque eau/huile : un film de mouillage se développe, mais il n’atteint pas le bord de sortie du pore avant le ménisque eau/huile. Il est important de remarquer que la goutte d’huile est piégée sans contact avec les parois du pore : un film de lubrification est présent à la surface du PDMS.

L’évolution de la goutte d’huile dans le pore au court du temps suivant le piégeage est également présenté sur les figures sus-citées. Le temps t0 correspond à l’instant où la goutte a été piégée. Après injection de 15 VP, la goutte est dépiégée et le pore triangulaire est entièrement lessivé, tandis qu’après injection d’un volume 3 fois plus important, la goutte d’huile est toujours présente dans le pore rectangulaire.

(a) Triangle court ED + SDS secondaire

t0 40 VP 200 VP

(b) Triangle court ED + SDS tertiaire

t0 3.5 VP 12 VP 15 VP

(c) Triangle profond ED + SDS secondaire

t0 3.5 VP 40 VP 45 VP

(d) Rectangle profond ED + SDS secondaire

Figure 4.9 – État du pore pour différentes séquences d’injection d’une solution de tensio- actifs (fluides utilisés : FC (transparent), ED (bleue), ED+SDS (jaune)). (a) Injection en secondaire dans un pore triangulaire court. Un film de mouillage se développe le long de la paroi ce qui permet de lessiver entièrement le pore. (b) Injection en tertiaire dans un pore triangulaire court. La ligne de contact eau/huile est bloquée dans le pore, et le film de mouillage ne peut pas s’y développer : l’huile reste donc piégée dans le pore. (c) et (d) Injection en secondaire dans des géométries profondes. De l’huile est piégée dans les deux géométries, mais, pour un grand nombre de VP injectés, l’huile est dépiégée seulement dans la géométrie triangulaire (c).

Tensio-actifs en secondaire : dépiégeage capillaire

Le résultat précédent met en évidence une différence majeure de récupération d’huile lorsque le pore est triangulaire. De plus, si on stoppe l’écoulement de la phase aqueuse après piégeage de l’huile, on observe une éjection partielle de la goutte : une portion de la goutte sort dans le canal principal puis atteint un état d’équilibre. La géométrie du pore étant le seul paramètre différent dans ces expériences, le dépiégeage observé est induit par la géométrie : on peut parler ici de dépiégeage capillaire induit par la géométrie, mécanisme illustré par la figure 4.10.

4.1. Récupération à l’échelle du pore 141

À partir de la courbure de l’interface eau/huile et de la loi de Laplace, on peut calculer le saut de pression de part et d’autre de l’interface en haut et en bas de la goutte. Le rayon de courbure R = h de l’interface eau/huile dans la hauteur (direction z) dû au confinement est le même en haut et en bas de la goutte. En revanche, dans le plan (x, y), la géométrie triangulaire impose un rayon de courbure en haut de la goutte (R1) supérieur à celui en bas de la goutte (R2). Par conséquent le saut de pression (dont l’expression est donné par les équations (4.1) et (4.2)) est plus grand en bas de la goutte (4P2> 4P1).

4P1 = γ  1 R1 + 1 h  (4.1) 4P2 = γ  1 R2 + 1 h  (4.2)

(a) P constante huile 4P2 > 4P1⇒ P1> P2

(b) P constante ED+SDS 4P2 > 4P1⇒ P1< P2

(c) Rectangle R1 = R2

⇒ Goutte piégée

Figure 4.10 – Dépiégeage capillaire induit par la géométrie. L’asymétrie de la géométrie triangulaire impose R1 > R2 et donc 4P2> 4P1. (a) On suppose la pression P uniforme dans la goutte d’huile : alors P1 > P2. Il en résulte un flux d’eau du canal vers le fond du pore, à travers le film de lubrification le long de la paroi du pore : le pore se remplit d’eau et la goutte d’huile est totalement évacuée. (b) On suppose la pression P uniforme dans la phase continue : alors P1 < P2 dans la goutte d’huile. Ce gradient de pression met l’huile en mouvement (dans le sens de la flèche noire), et la goutte sort du pore. (c) Dans le pore rectangulaire, R1 = R2 et l’huile reste piégée, quelle que soit l’hypothèse sur P.

On peut alors développer deux approches pour décrire le mécanisme de dépiégeage : 1. On suppose la pression P uniforme dans la goutte d’huile, et on en déduit la pression

de part et d’autre de la goutte dans la phase continue (figure 4.10a). Ainsi, la pression en haut de la goutte (P1) est supérieure à la pression en bas de la goutte (P2). Le film de mouillage assurant la continuité de la phase aqueuse autour de la goutte dans

le pore, il en résulte un écoulement de phase continue du haut vers le bas du pore (indiqué par les flèches jaunes sur la figure 4.10). Par conservation de la matière, la goutte d’huile est ejectée du pore, puis entraînée par l’écoulement dans le canal principal.

2. On suppose la pression P uniforme dans la phase continue, et on en déduit les pressions en haut et en bas dans la goutte (figure 4.10b). Ainsi, la pression en haut de la goutte (P1) est inférieure à la pression en bas de la goutte (P2). Le gradient de pression dans la goutte induit un écoulement d’huile dans la goutte, dans le sens de la flèche noire, et la goutte sort du pore.

Il est important de noter que la contribution majoritaire aux sauts de pression 4P1 et 4P2, est celle de la courbure 1/R, dans la hauteur du sytème. Toutefois, puisque cette contribution est identique en haut et en bas de la goutte elle se compense lorsqu’on écrit

P1 − P2. C’est donc bien la différence entre les rayons de courbures R1 et R2 qui est motrice de l’éjection de la goutte.

Ces deux approches conduisent au même fait expérimental, le dépiégeage de la goutte, qui est pour la goutte, l’état correspondant au minimum d’énergie de surface, mais dif- fèrent par le processus responsable de la dissipation visqueuse. Pour décrire entièrement ce phénomène, il conviendrait de développer un modèle comprenant à la fois la minimisation de l’énergie et la minimisation de la dissipation visqueuse, puis le résoudre analytiquement, ce qui dépasse le cadre de cette thèse.

Nénmoins, on peut donner des ordres de grandeur de la dissipation dans les deux hypothèses, en raisonnant en loi d’échelle, à partir de l’équation de Stokes (equation (4.3)) qui régit le mouvement du fluide qui s’écoule (écoulement à petit nombre de Reynolds), afin d’exprimer la dissipation visqueuse.

∇P = µ∆U (4.3)

Dans le cas de l’hypothèse 1, la dissipation s’effectue dans la phase continue par friction dans les films de coin. On peut alors écrire :

4P

Lp ∼ µeau

Ugoutte

r2 (4.4)

où r est le rayon du ménisque de coin, Lp la longueur du pore et la vitesse dans la phase continue au niveau des films de coin est estimée à l’aide de la vitesse de la goutte.

Dans le cas de l’hypothèse 2, la dissipation a lieu majoritairement dans la goutte (huile en mouvement), et on peut écrire :

4P Lp

∼ µhuileUgoutte

h2 (4.5)

avec h la hauteur du système.

Pour déterminer la situation dominante, on compare les termes de droite des équa- tions (4.6) et (4.5), en supposant que le système sélectionne le mécanisme permettant de minimiser la dissipation visqueuse. En considérant les valeurs des viscosités des deux fluides, une vitesse d’éjection moyenne pour la goutte d’environ 10 µm/s, un rayon r ≈ 1 µm, et une hauteur h = 60 µm on obtient 4PL

p ≈ 10

4 avec l’hypothèse 1, et 4P Lp ≈ 70 avec l’hypothèse 2. Ceci implique que la dissipation visqueuse est majoritaire dans la phase continue, indiquant que le mécanisme décrit par l’hypothèse 2 (P uniforme dans la phase continue) semble dominer.

4.1. Récupération à l’échelle du pore 143

Cependant, dans le cas de l’hypothèse 1, on peut également considérer que la dissi- pation a lieu majoritairement dans la phase continue, en particulier dans le ménisque à l’avant de la goutte [325]. On peut écrire :

4P Lp ∝ γα Lp  1 R1 − 1 R2  µ eauUgoutte γ 2/3 (4.6)

avec Ugoutte la vitesse d’éjection de la goutte et α ∼ 5.

En considérant des rayons de courbure R1 ∼ 80 µm et R2 ∼ 25 µm, on obtient cette fois-ci 4PL

p ≈ 90, ce qui indique que la dissipation est comparable dans les deux hypothèses. On voit donc à partir de ces ordres de grandeurs, qu’il n’est pas trivial de trancher entre l’hypothèse 1 et l’hypothèse 2. On peut raisonnablement supposer que c’est la combinaison des deux mécanismes présentés sur la figure 4.10 qui aboutit au dépiégeage de la goutte. Pour le vérifier, il conviendrait, par exemple, d’étudier la loi de vitesse d’éjection de la goutte.

Par ailleurs, le pore rectangulaire étant symétrique sur toute sa longueur, les rayons de courbures sont identiques en haut et en bas du pore. Quelle que soit l’approche considérée, la goutte d’huile y est donc en équilibre statique et n’est pas dépiégée (figure 4.10c).