• Aucun résultat trouvé

3.2 PECVD : traitement hydrophile en phase sèche pour le PDMS

3.2.2 Caractérisation du traitement

L’XPS, X-Ray Photoelectron Spectroscopy ou Spectrométrie de Photoélectrons induits par rayons X, est une méthode d’analyse chimique mise au point par Kai Siegbahn dans les années 1960. Elle repose sur l’effet photoélectrique : un matériau soumis à un rayonnement électromagnétique absorbe de l’énergie et réémet des électrons (aussi appelés photoélec- trons). L’énergie nécessaire à l’éjection d’un électron est égale à l’énergie de l’électron dans l’atome (énergie de liaison EB ou binding energy). Par conservation de l’énergie, l’excé- dent d’énergie non nécessaire à l’éjection est transféré aux électrons sous forme d’énergie cinétique (EC, kinetic energy). Dans un appareil d’XPS, l’échantillon soumis à un faisceau

de rayons X, va émettre des électrons : ces électrons sont collectés et on mesure l’énergie cinétique de chaque électron [313] (voir figure 3.11). L’énergie cinétique mesurée pour un électron est reliée à son énergie de liaison et à l’énergie hν des photons X incidents, par la formule d’Einstein [314] (3.2) :

EB = hν − (EC+ φ) (3.2)

où φ est la fonction de travail du spectromètre

On peut mesurer ainsi la distribution d’énergie des électrons émis par l’échantillon : on obtient un spectre présentant le nombre d’électrons collectés en fonction de l’énergie de liaison EB. L’énergie de liaison d’un électron est caractéristique de l’atome (élément chimique) à partir duquel il a été émis, et également du niveau électronique émetteur de cet atome (1s, 2s, 2p, ...). Chaque élément chimique produira donc une série de pics asso- ciés à des valeurs spécifiques de EB, correspondant à ses différents niveaux électroniques. Le spectre XPS d’un échantillon présentera, donc, des pics associés à des valeurs de EB caractéristiques des éléments chimiques qui composent le matériau analysé. Après conver- sion du nombre d’électrons en signal d’intensité, et une calibration qui tient compte de la section efficace d’éjection d’électron par type d’atome, l’aire sous chaque pic permet de calculer les concentrations atomiques relatives des différents éléments présents à la surface de l’échantillon.

De plus, l’énergie de liaison d’un électron émis à partir d’un atome donné, dépend éga- lement de l’environnement chimique de cet atome, c’est-à-dire des groupements chimiques auxquels il est relié. Ceci se traduit sur le spectre par une modification de la forme du pic correspondant à cet atome (écart à la forme gaussienne). La spectrométrie XPS étant un processus ne faisant intervenir qu’un seul électron, il est facile de déconvoluer l’ensemble complexe des pics du spectre [316]. Au moyen d’un logiciel de traitement adapté, chaque pic est analysé indviduellement pour identifier des pics secondaires associés à des valeurs de EB caractéristiques des groupements chimiques liés à l’atome (c’est ce qu’on appelle

la synthèse de pics 3.11c) [317]. L’aire sous chaque pic secondaire permet également de calculer la proportion de chaque groupement chimique.

La longueur de pénétration des photons X est d’1 à 5 µm, cependant, seuls les électrons émis par les dix premiers nanomètres de la surface sont captés par le détecteur. Les autres sont recapturés ou piégés, dans des états excités, à l’intérieur du matériau. L’XPS permet donc d’analyser la composition et la structure chimique des dix premiers nanomètres de la surface de l’échantillon.

En pratique, après un survol à basse résolution, on obtient un spectre comportant un certain nombre de pics (figure 3.11b). La comparaison de ce spectre avec des spectres connus permet de déterminer les éléments chimiques qui composent le matériau, et les énergies de liaison associés à chacun de ces éléments. Il est également possible, à partir de ce

3.2. PECVD : traitement hydrophile en phase sèche pour le PDMS 105

(a) Schéma de l’analyse par XPS

(b) Spectre XPS total (c) Détails pour le pic du C 1s

Figure 3.11 – XPS : spectrométrie de photoélectrons pour l’analyse chimique. (a) Schéma du procédé mis en oeuvre par l’XPS [315]. (b) Spectre typique obtenu par XPS : chaque pic est associé à une énergie de liaison. À chaque élément chimique correspond une série de pics spécifique. En comparant le spectre à ces séries, il est possible de déterminer les éléments chimiques présents dans le matériau. Par intégration sous les pics, on calcule les pourcentages atomiques de ces éléments. (c) Spectre du C 1s (détail du spectre global correspondant au rectangle bleu). Synthèse de pics pour identifier les pics secondaires correspondant aux différents groupements liés au carbone.

premier spectre, de calculer les concentrations atomiques relatives des différents éléments chimiques du matériau. On effectue, ensuite, un deuxième survol à haute résolution, et on isole chaque pic grâce aux énergies de liaison déterminées lors du premier survol. On procède alors à une analyse individuelle de chaque pic (synthèse de pics), afin d’obtenir un aperçu des fonctions chimiques présentes à la surface du matériau (figure 3.11c). Toutefois, pour certains atomes comme le C 1s, les énergies de liaison de différents groupements peuvent être très proches, ce qui les rend difficiles à séparer et à identifier de façon certaine. Par exemple, il est difficile de séparer les pics secondaires correspondant, respectivement, à la liaison C-C et à la liaison C-H. Il existe des méthodes permettant d’améliorer ce pouvoir de séparation, mais elles n’ont pas été mises en œuvre ici [317].

Afin de déterminer la composition et la structure chimique de la couche de polyallyla- mine déposée par PECVD, nous avons analysé, par XPS, des dépôts sur surface de verre.

Le tableau ci-dessous compare les concentrations atomiques relatives mesurées par XPS pour trois types d’échantillons :

– surface de verre traitée par PECVD allylamine

– surface de verre traitée par PECVD allylamine, puis chauffé pendant 16 min à 150˚C – surface de verre non traitée (témoin)

PPAA PPAA + chauffage témoin

Calcium (Ca 2p) - - <1 Carbone (C 1s) 67,8 65,9 19,4 Chlore (Cl 2p) <1 <1 - Azote (N 1s) 19,2 18,1 - Oxygène (O 1s) 11,4 13,7 53,5 Silicium (Si 2p) 1,5 1,4 23,4 Sodium (Na 1s) <1 <1 2,7

Le témoin est constitué principalement de carbonne, d’hydrogène et de silicium, ce qui correspond à la structure silicatée du verre. La diminution presque totale du silicium, ainsi que l’apparition d’azote, sur les échantillons traités par PECVD, indiquent que le dépôt de polyallylamine a bien eu lieu. Cette couche de polyallylamine est composée majoritairement de carbone, d’azote et d’oxygène. Les deux premiers éléments (C et N), sont associés à la structure du monomère d’allylamine (CH2=CH-CH2-NH2) ; la présence d’oxygène, qui n’est pas un élément constitutif de ce monomère précurseur, indique que le dépôt de polyallylamine a été oxydé pendant ou après le plasma.

Par ailleurs, les éléments chimiques détectés à l’état de trace dans la couche de po- lyallylamine (chlore, sodium), peuvent provenir de contaminations atmosphériques, lors du retour à pression ambiante entre l’étape de plasma et l’analyse par XPS. En outre, le silicium identifié pourrait provenir de l’ablation du substrat de verre au démarrage du traitement plasma : cette ablation induit une désorption d’atomes de silicium, qui per- sistent dans le réacteur, et contaminent, ensuite, la couche de polyallylamine, au cours du processus de dépôt.

Enfin, les surfaces de verre traitées par PECVD et celles traitées par PECVD et chauf- fées, présentent des pourcentages atomiques similaires. On remarque seulement une légère augmentation d’environ 2 % du pourcentage d’oxygène, couplée à une diminution du carbone et de l’azote, après traitement thermique. Ceci suggère une altération chimique thermo-oxidante des couches supérieures du dépôt de polyallylamine.

La synthèse de pic pour le carbone C 1s, permet d’identifier 3 pics secondaires, après traitement PECVD ou après traitement PECVD et traitement thermique (figure 3.12) :

– un pic à 285,0 eV correspondant à la liaison C-C ou C=C de la chaîne polymérisée ou à des groupements C-H en dérivation

– un pic à 286,4 eV correspondant à des groupements C-N, C=N ou C-O – un pic à 287,9 eV correspondant à des groupements C=O

Pour les deux premiers pics, la séparation des différents groupements n’est pas pos- sible, en raison de la proximité de ces groupements en terme d’énergie de liaison. Les groupements correspondant au premier pic sont caractéristiques de la chaîne carbonée de la polyallylamine, issue de la polymérisation du monomère d’allylamine. Les groupements correspondant aux deux autres pics, sont des groupements plutôt polaires, présents en dérivation de la chaîne, pouvant expliquer le caractère hydrophile du dépôt.

On retrouve la modification chimique observée sur les pourcentages atomiques après traitement thermique. Le traitement thermique induit une diminution d’environ 4 % du

3.2. PECVD : traitement hydrophile en phase sèche pour le PDMS 107

(a) échantillon après dépôt de polyallylamine (b) échantillon après dépôt de polyallylamine puis traitement thermique

Figure 3.12 – Caractérisation du dépôt d’allylamine obtenu par PECVD sur surfaces de verre. Spectres haute résolution du C 1s obtenus par XPS, pour un dépôt d’allylamine par PECVD, pour des échantillons non chauffé (a) et chauffé à 150◦C (b). Les données entre parenthèses indiquent les moyennes des aires relatives issues de la synthèse de pic, et donc les proportions relatives des groupements correspondant à chaque pic.

pourcentage relatif des groupements C-C/C-H (pic à 285,0 eV), couplée à une augmenta- tion d’environ 4 % du pourcentage relatif des groupements C=O (pic à 287,9 eV), tandis que le pourcentage des groupements C-N/C-O (pic à 286,4 eV) est inchangé (figure 3.12b). Ceci confirme que le traitement thermique engendre une oxydation du dépôt de polyally- lamine, sans altération chimique hétéroatomique.

Analyse du mouillage des surfaces

Après avoir caractérisé la structure et la composition chimiques du dépôt de polyal- lylamine, nous souhaitons étudier ses propriétés de mouillage. Nous avons donc mesuré l’angle de contact statique eau/air pour des surfaces planes de PDMS traitées par PECVD allylamine. Les résultats de l’étude de vieillissement sont présentées en figure 3.13. L’angle de contact est réduit de 110˚pour du PDMS non traité, à environ 60˚pour du PDMS recouvert de polyallylamine : le dépôt de polyallylamine rend donc la surface de PDMS hydrophile. De plus, cet angle est stable jusqu’à 14 jours après le traitement : c’est un progrès par rapport au traitement au plasma O2.

Tout d’abord, l’hydrophilie conférée à la surface par le dépôt de polyallylamine est due, majoritairement, à la présence en surface de groupements polaires C=O et C-N/C- O, mis en évidence par XPS. Par ailleurs, l’altération des propriétés de mouillage sur des surfaces traitées par les méthodes conventionnelles, est due à la diffusion de chaînes courtes de PDMS du bulk vers la surface. Le dépôt de polyallylamine est caractérisé par une densité et un degré de réticulation élevé, qui rendent la couche de polyallylamine imperméable à la diffusion de ces chaînes courtes de PDMS. Ceci explique donc la stabilité des propriétés de mouillage observée après traitement PECVD allylamine. Enfin, l’angle de contact mesuré sur des échantillons traités en PECVD puis soumis à un traitement thermique, est similaire à celui mesuré sur des échantillons seulement traités en PECVD : le traitement thermique n’affecte donc pas les propriétés de mouillage. Après fermeture

Figure 3.13 – Étude de stabilitié du dépôt de polyallylamine sur surfaces planes de PDMS. Mesures de l’angle de contact statique eau/air au cours du temps, après traitement : les surfaces de PDMS recouvertes de polyallylamine présentent un angle d’environ 60˚, stable jusqu’à 14 jours après le traitement. La stabilité est améliorée par rapport au traitement au plasma O2, pour lequel l’hydrophobie est retrouvée au bout de 7 jours.

du microsystème, le mouillage sera donc intact, ce qui est confirmé par la réalisation d’émulsion eau/huile dans des jonctions en T, traitées par PECVD [301].