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Description microscopique des solutions de polymères

1.2 Généralités sur les polymères

1.2.4 Description microscopique des solutions de polymères

Tout d’abord, il convient de rappeler qu’un polymère est constitué de la répétition d’un même motif, composé d’une ou plusieurs unités de bases, appelées monomères. Par ailleurs, on distingue trois types structuraux différents : les polymères linéaires composés d’une seule chaîne de monomères reliés par des liaisons covalentes, les polymères rami- fiés constitués d’une chaîne principale sur laquelle sont greffées des chaînes latérales plus courtes, et les polymères réticulés où les chaînes sont attachées les unes aux autres en formant un réseau tridimensionnel désordonné. On considérera ici des polymères linéaires de très grande masse, en solution aqueuse.

Propriétés statiques en solution

Un polymère est caractérisé par sa chaîne, ainsi que les interactions entre ces chaînes, qui peuvent être très diverses : entropiques, électrostatiques, de type volume exclu, ou de nature topologique. Les monomères sont reliés par des liaisons plus ou moins flexibles. Par conséquent, il existe une distance minimale typique pour une chaîne donnée, au dessus de laquelle deux monomères peuvent prendre des orientations relatives quelconques. En dessous de cette distance, leur position est corrélée : on peut alors représenter la chaîne comme une succession de segments rigides, appelés segments statistiques de Kuhn [135], mis bout à bout (figure 1.18a). La longueur de ces segments est appelée longueur de persistance et peut être considérée comme une longueur minimale de pas d’une marche aléatoire réalisée par le polymère. Cette longueur permet de caractériser la flexibilité de la chaîne.

On peut également décrire la réalisation de cette marche aléatoire par un modèle plus simple appelé chaîne gaussienne, qui représente le polymère comme une chaîne de billes reliées par des ressorts de taille l, ayant des configurations aléatoires (figure 1.18b). Cette vision revient à dire que la chaîne cherche à retrouver un certain diamètre de pelote Rg appelé rayon de giration, car il est le plus probable. Dans un fluide au repos, chaque molécule pouvant explorer les différentes conformations accessibles, l’effet de l’entropie de la chaîne est assimilable à une énergie élastique ramenant le polymère à cet état d’équilibre. Ainsi la structure de la pelote peut être appréhendée sans tenir compte des détails de la structure chimique de la chaîne, à condition de se placer à l’échelle de la longueur de persistence. La forme de l’objet a alors un caractère statistique reproduit à différentes échelles d’observation, ce qui apporte un caractère d’universalité à son comportement qui justifie l’emploi systématique des lois d’échelles [136, 137].

(a) Segments de Khun et marche aléatoire

(b) Modèle de chaîne gaussienne

Figure 1.18 – Représentations de la chaîne de polymère en solution. (a) Chaîne décrite comme une marche aléatoire, caractérisée par une longueur de persistence b, et un rayon de giration Rg. (b) Modèle de la chaîne gaussienne : généralisation du modèle de Hooke qui représente la chaîne par une série de ressorts de longueur l joignant des billes fictives.

Pour un polymère en solution, on distingue différents régimes en fonction de la concen- tration du polymère. On parle de régime dilué tant que les pelotes occupent un certain volume sans se toucher. Puis, lorsque la concentration dépasse une concentration cri- tique notée c∗, les pelotes commencent à s’interpénétrer : c’est le régime semi-dilué. Dans ce régime, les chaînes sont enchevêtrées et les fluctuations locales de concentration sont grandes [137]. Si on augmente encore la concentration, au délà d’une concentration critique

c∗∗, on passe au régime concentré caractérisé par des fluctuations faibles de concentration. Le régime extrême dans lequel il n’y a plus de solvant est le fondu de polymère.

La transition régime dilué–régime semi-dilué induit des changements de comporte- ments dynamiques importants. En considérant un polymère de masse molaire M et de concentration massique c, le volume accessible pour une pelote vaut M/cNA (avec NA la constante d’Avogadro). En supposant qu’à la transition dilué–semi-dilué, ce volume est égal à celui de la pelote, et en reprenant les notations précédentes, on peut estimer la concentracion c∗ par la relation suivante :

c∗≈ M

NA43πR3g

∝ M−4/5 (1.36)

Par ailleurs, bien que le passage au régime concentré dépende fortement de paramètres liés à la chimie du polymère et du solvant, la plupart des comportements des solutions semi- diluées, concentrées et des fondus sont similaires. Ainsi, en général les modèles dynamiques sont dérivés dans le contexte des solutions concentrées et des fondus, puis extrapolés au régime semi-dilué à l’aide du comportement en loi d’échelle : on fait l’hypothèse que dans ce régime, toute fonction dépend de c/c∗ [137].

Propriétés dynamiques des polymères en solution

Un paramètre essentiel qui caractérise le comportement d’une solution de polymères sous écoulement est le temps de relaxation de la chaîne. On va chercher à exprimer ce temps de relaxation en fonction des différents paramètres qui décrivent la chaîne au niveau microscopique.

Dans le régime dilué, la forme d’une chaîne isolée peut être décrite par une pelote sta- tistique comme nous l’avons vu plus haut. Lorsque la chaîne est soumise à un écoulement,

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la friction visqueuse exercée par le solvant sur la pelote tend à la déformer et à la dérouler. Afin de conserver sa forme de pelote, la chaîne développe une force élastique d’origine entropique. Le modèle de Zimm [138] permet de décrire l’équilibre mécanique de la chaîne en prenant en compte ces deux contributions ainsi que les interactions de volume exclu et les interactions hydrodynamiques entre les monomères. Le temps de relaxation le plus long est alors donné par la relation suivante :

λZimm=

µSN3/2b3

3πkBT ∝ µR

3 (1.37)

où N est le nombre de segments statistiques de Khun de longueur b.

Par ailleurs, en régime dilué, la contribution des pelotes à la viscosité µ0 aux faibles déformations varie à peu près linéairement avec la masse du polymère [96]. En revanche, lorsqu’on a dépassé c, en régime semi-dilué, l’évolution change, si bien que µ0 ∝ M3,4. Ce changement de comportement indique que la relaxation de la contrainte sera de nature très différente à partir du régime semi-dilué. Ceci est particulièrement important pour nous puisque nous utiliserons essentiellement des solutions de polymères dans ce régime.

Lorsque les chaînes sont enchevêtrées, la taille d’une chaîne devient moins importante que la connectivité du réseau : la présence des enchevêtrements va modifier la conformation du polymère car elle écrante les interactions internes à la chaîne. Ainsi, une chaîne donnée est soumise à une multitude de contraintes topologiques liées à la présence des chaînes voisines. On peut décrire cette configuration en supposant que le mouvement de la chaîne est confiné dans un tube de diamètre a [139]. La chaîne peut alors être assimilée à une succession de pelotes de diamètre a, reliées mais décorrélées [136]. Ces sous-pelotes où sont confinées toutes les interactions compliquées de volume exclu sont appelées blobs (figure 1.19). Le diamètre a est de l’ordre de grandeur de la longueur de corrélation ξ qui caractérise la taille des mailles du réseau d’enchevêtrement.

Figure 1.19 – Représentation d’une chaîne en régime semi-dilué ou enchevêtré (c > c∗). À gauche, les chaînes enchevêtrées forment un réseau ayant une taille de maille caracté- ristique ξ. À droite, matérialisation de l’environnement topologique vu par une chaîne en présence des chaînes voisines, par un tube de diamètre a qui confine ses mouvements. Les interactions intrachaînes sont écrantées sur une échelle supérieure à ξ et on peut décrire la chaîne comme une succession de sous-parties de diamètre ξ appelées blobs (cercle noir)

Doi-Edward et De Gennes ont proposé un modèle de reptation dans les fondus expli- quant la dépendance de µ0avec M [136, 137]. Ce modèle décrit la façon dont la chaîne peut diffuser en milieu concentré et ainsi relaxer une déformation. On considère une chaîne dans un environnement d’autres chaînes ayant subi une déformation globale. La chaîne se re- trouve ainsi dans une conformation initiale imposée qu’on peut assimiler au tube présenté précédemment. On considère que les contraintes topologiques en provenance des chaînes voisines sont vues fixes par la chaîne [139]. Ainsi, sous l’effet du mouvement brownien,

cette chaîne va diffuser dans le tube pour explorer de nouvelles conformations jusqu’à sortir du tube : c’est le mouvement de reptation [140]. À ce moment-là, la chaîne a ou- blié sa conformation intiale, c’est-à-dire qu’elle a relaxé la déformation (figure 1.20). Par conséquent, on peut évaluer le temps de relaxation en estimant le temps que la chaîne met pour sortir du tube, c’est-à-dire un temps de diffusion (equation (1.38)). Le diamètre du tube étant fixé, sa longueur L est proportionnelle au nombre de blobs et donc à M . Le frottement visqueux est également proportionnel au nombre de blobs et donc à M , ce qui induit un coefficient de diffusion D proportionnel à 1/M.

λrep∝ L2

D ∝ M (1.38)

Figure 1.20 – Illustration du modèle de reptation introduit par Doi-Ewdard et De Gennes. À partir d’une conformation intiale contrainte (A), la chaîne diffuse par des mouvements de va-et-vient dans son tube, pour retrouver une configuration d’équilibre non contrainte, perdant progressivement la mémoire du tube initial à ses extrêmités (B et C). Lorsque la mémoire du tube initial est entièrement perdue (D), la chaîne a complètement relaxé la contrainte.

En étendant ces lois de reptation au régime semi-dilué, par le principe de loi d’échelle [137], on obtient :

λrep∝ M3c3/2 (1.39)

µ0 ∝ M3c15/4 (1.40)

La courbe de viscosité non linéaire µ( ˙γ) aura donc l’allure d’une courbe rhéofludifiante : la rhéofluidification intervenant dès que ˙γ dépasse 1 et que les chaînes n’ont plus le temps de relaxer selon le processus de reptation.

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