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Espaces de négociation et contrôle entre autorités

PARTICIPATION DE L’INITIATIVE PRIVÉE

Section 2 > Gestion brésilienne de la santé publique

B) Espaces de négociation et contrôle entre autorités

Les compétences sont partagées entre trois niveaux de pouvoirs, caractérisés par une responsabilité solidaire128. Certains dénoncent la complexité excessive du Système, ne permettant pas toujours aux citoyens de bénéficier des services publics et limitant les possibilités de contrôle et de planification des actions. En réponse à ces critiques, le Système de santé publique brésilien a été modifié par des arrêtés ministériels dans le respect du principe de légalité et notamment des

125 La fondation nationale de santé (Fundação Nacional de Saúde, Funasa), entité exécutive du ministère de la Santé, est une des institutions du gouvernement fédéral chargée de la promotion de l’insertion sociale par des actions de prévention et de contrôle des maladies. Elle est également chargée de définir et de mettre en œuvre les actions de développement et de protection de la santé relatives aux actions établies par le sous-système national de contrôle de santé environnementale. (Funasa). Voir http://www.funasa.gov.br

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Favoriser la santé et le développement social, produire et diffuser le savoir scientifique et technologique, être un acteur de la citoyenneté. Ces concepts déterminent les actions de la fondation Oswaldo Cruz (Fiocruz) placée sous la tutelle du ministère de la Santé. Elle est l’institution scientifique et technologique de santé la plus renommée d’Amérique latine. Voir http://portal.fiocruz.br/

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La mise en place d’une société de dérivés de sang au Brésil est prévue par la loi n° 10.025 du 21 mars 2001. La norme est définie à l’article 199 § 4 de la Constitution fédérale disposant sur la prise de sang, son traitement, son stockage, sa distribution et son application, ainsi que ses composants et dérivés. La loi nº 10972 du 2 septembre 2004 a créé Hemobrás (Empresa Brasileira de Hemoderivados e Biotecnologia). Le statut de cette société d’État à caractère commercial placée sous la tutelle du ministère de la Santé est défini dans le décret n° 5.402 du 28 mars 2005. La constitution de cette société a été réalisée à la suite de la nomination de ses premiers dirigeants. La société, dont le siège est établi à Brasília, s’est depuis institutionnalisée et réalise des recherches, des travaux d’audit dans les hémocentres et, parallèlement à ces activités, participe à un projet de construction de la plus importante entreprise de fabrication de dérivés de sang d’Amérique latine, dont les premiers travaux ont débuté début en 2010 et qui devrait être opérationnelle en 2014. Voir http://www.hemobras.gov.br

128 Brasil. Ministério da Saúde. Secretaria Executiva. Coordenação Geral de Inovação Gerencial. Regimentos

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dispositions de la Constitution et de la LOS, mais en instituant des règles nouvelles sur la relation entre les différentes autorités et sur la mise en œuvre du système. Ces règles nouvelles sont notamment les suivantes :

- norme opérationnelle élémentaire du 1er janvier 1991 introduisant dans le Système l’idée de paiement à l'acte réalisée129

;

- norme opérationnelle élémentaire du 1er février 1992 disposant sur les conditions à respecter pour le transfert de fonds (notamment l’élaboration d’un plan quinquennal)130 ;

- norme opérationnelle élémentaire du 1er mai 1993 harmonisant les interventions du système en autorisant la négociation entre les différentes autorités et le transfert directe de fonds (de fonds à fonds) selon le degré d’autonomie des autorités concernées131 ;

- norme opérationnelle élémentaire du 1er août 1996 modifiant la forme de paiement des interventions du Système en établissant un niveau de rémunération et en permettant la perception de montants variables selon que l’État fédéré ou la municipalité concerné a adhéré ou non aux programmes fédéraux132 ;

- norme opérationnelle de soins de santé du 1er janvier 2001 autorisant les États fédérés et les municipalités à créer des zones sanitaires ou des consortiums de santé entre municipalités133.

Il est remarquable de noter que la norme 1/93 a créé des instances de négociation entre les différentes autorités, conformément à l’arrêté du ministère du Travail nº 545 du 20 mai 1993 disposant que « la gestion du processus de décentralisation du SUS, en application les règles énoncées, est fondée sur la pratique de la planification intégrée à chaque niveau institutionnel et de la négociation ou de la prise de décision dans les commissions entre les gestionnaires et les conseils de santé, selon les modalités suivantes :

129 Disponible sur le site :

http://siops.datasus.gov.br/Documentacao/Resolu%C3%A7%C3%A3o%20258_07_01_1991.pdf

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Disponible sur le site : http://siops.datasus.gov.br/Documentacao/Portaria%20234_07_02_1992.pdf

131 Disponible sur le site : http://bvsms.saude.gov.br/bvs/saudelegis/gm/1993/prt0545_20_05_1993.html

132 Disponible sur le site : http://siops.datasus.gov.br/Documentacao/NOB%2096.pdf

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154 2.1. Au niveau national :

2.1.1. La commission tripartite de gestionnaires (composée paritairement des représentants du ministère de la Santé et des instances de représentation de l’ensemble des secrétaires de Santé des États fédérés CONASS et de l’ensemble des secrétaires de santé des municipalités CONASEMS) a pour objet d’assister le ministère de la Santé dans l’élaboration des propositions de mise en œuvre du SUS, dans le respect du pouvoir délibératif et de contrôle du conseil de santé national.

2.1.2. Le conseil de santé national (institué par le décret n° 99.438 du 7 août 1990) est une instance délibérative définissant des stratégies et contrôlant l’exécution de la politique de santé nationale.

2.2. Au niveau des États fédérés :

2.2.1. La commission bipartite de gestionnaires (composée des dirigeants du secrétariat d'État à la Santé et de l’instance de représentation des secrétaires municipaux à la Santé de cet État fédéré) doit être créée et formalisée par un arrêté du secrétaire d'État à la Santé, qui est l’autorité en charge de la négociation des aspects opérationnels du SUS.

2.2.1.1. Le secrétaire d'État à la Santé de la capitale de cet État est membre de cette commission.

2.2.1.2. Chaque État fédéré a une commission bipartite, dont les actes ou les propositions doivent être enregistrés ou approuvés par le conseil de l’État fédéré, dans le respect du pouvoir délibératif et de contrôle.

2.2.2. Le conseil de santé de l’État fédéré est une instance permanente et délibérative définissant des stratégies et contrôlant l’exécution de la politique de santé de l’État fédéré, et dont la composition et les attributions sont prévues par la loi de l´État fédéré, conformément aux dispositions de la loi n° 8.142 du 28 décembre de 1990.

2.3. Au niveau municipal :

2.3.1. Le conseil de santé municipal est une instance permanente et délibérative, définissant des stratégies et contrôlant l’exécution de la politique de santé municipale, et dont la composition et les attributions sont prévues par la loi

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municipale, conformément aux dispositions de la loi n° 8.142 du 28 décembre de 1990 ».

Les commissions de gestionnaires sont des instances faisant partie du pouvoir de décision du système de santé et donc elles participent à la stratégie de coordination et de négociation des politiques de santé devant être mises en œuvre par les autorités fédérales, fédérées et municipales. Par ailleurs, les conseils de santé placés sous la tutelle du ministère de la Santé et des secrétariats des États fédérés et des municipalités interviennent dans la définition et le contrôle de l’exécution des politiques de santé publique. Ce même arrêté précise aussi l’ordre de prise de décision : « Au-delà des fonctions de chacune de ces instances compétentes, la gestion du processus de décentralisation suppose des relations organisées selon les modalités suivantes :

2.4.1. Tous les aspects opérationnels du processus de décentralisation vers l’État fédéré font l’objet d’une réglementation de la part de la commission bipartite. En cas de divergence non résolue par cette instance, le conseil de santé de l’État fédéré peut être saisi. A défaut, la commission tripartite peut être saisie. Dans le cas où l'une des parties serait lésée par la décision de la commission tripartite ou du conseil de santé de l’État fédéré, le conseil de santé national peut être saisi.

2.5. Le conseil de santé national peut être saisi comme instance de recours à tout moment et peut décider de consulter ou de déléguer à la commission tripartite la résolution du problème.

2.6. Les accords signés par la commission bipartite et approuvés par le conseil de Santé de l´État fédéré prévalent sur les dispositions de cette norme, à condition qu’ils ne contrarient pas les dispositifs de la loi ».

En thèse, les commissions de gestionnaires, ainsi que les conseils de santé, exercent une fonction importante en matière de décentralisation et de démocratisation du Système de santé publique brésilien. Dans la mesure où l’existence de ces organismes est relativement récente, il est difficile d’apprécier précisément en pratique l’impact de leurs actions sur la santé brésilienne, notamment parce que leur fonctionnement dépend d'une décision éventuelle du Président. Le conseil de santé national est l’entité de dernier ressort de la santé

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publique brésilienne en charge de la direction et de l’organisation du fonctionnement des autres conseils des États fédérés et des municipalités. Ces derniers sont les plus concernés par l’absence de structures administratives opérationnelles et de formation des conseillers exerçant une fonction juridique. Cette situation a impact négatif sur le Système de santé. Par ailleurs, les gouvernements se montrent politiquement peu concernés par le développement de ces instances ; ce qui caractérise un manque d’expérience de la part des responsables politiques brésiliens agissant de façon autoritaire dans un système insuffisamment financé par les pouvoirs publics. En 2006, sous le gouvernement de Monsieur Lula, la politique de concertation sectorielle a évolué à la suite de la publication des « pactes pour la santé » déterminant que les autorités publiques fédérales, fédérées et municipales doivent participer à des programmes nationaux définis par le gouvernement fédéral. Les commissions de gestionnaires et les conseils de santé n’ont pas pu exercer par la suite une fonction dans l’organisation et la planification stratégiques

§ 6. Conclusion

Le système de répartition des compétences au Brésil est complexe en raison de ses contraintes fédérales caractérisées par trois catégories d’acteurs institutionnels distinctes bénéficiant chacune d’une autonomie politique, financière, administrative et législative. Ce système n’est certes pas parfait, mais l’histoire institutionnelle et politique brésilienne est ainsi et le Système de santé doit s’adapter. A cet égard, au-delà de la conception théorique du Système de santé, il est remarquable d’en analyser de façon critique le fonctionnement. Le législateur pourrait non seulement simplifier la répartition des compétences, mais également lier les trois catégories d’acteurs institutionnels afin d’harmoniser le Système de santé publique. Cette solution permettrait d’optimiser l’utilisation des fonds et de rendre ainsi des services de qualité aux citoyens. En tout état de cause, les commissions de négociation (commissions de gestionnaires bipartite ou tripartite) interviennent déjà dans le respect d’une certaine harmonie du système et, pour cette raison, devraient être aidées par les pouvoirs publics. Mais ce serait sans compter sur les contraintes

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du système liées aux conflits entre les partis politiques et à l’opposition des corporations engendrées par le système de répartition des compétences limitant le développement du Système de santé. Cette répartition actuelle des compétences institutionnelles et politiques est appréhendée par la société civile brésilienne : sa complexité sert les intérêts de ceux qui ne veulent pas que leur action soit sanctionnée de manière précise et transparente. Cette situation devrait être modifiée et évoluer.