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Chapitre 2 : Le Contexte Archéologique Balkanique

2.4 Les animaux dans la société du Néolithique Ancien balkanique

2.4.3 L'espérance de vie des animaux

L'hypothèse selon laquelle les ratios des restes animaux trouvés dans un site archéologique, divisés par espèce, seraient représentatifs des ratios des animaux faisant partie du troupeau des agriculteurs Néolithiques, est basée sur un postulat : que les animaux avaient tous la même espérance de vie. Autrement, les animaux avec une vie plus longue seraient sous- représentés, car ils laisseraient moins d'os dans les fouilles ; au contraire, les animaux à vie courte produiraient plus d'os dans les vestiges.

Les analyses des os, en particulier des dents, permettent d'estimer l'âge à la mort des animaux (Greenfield 2005). Le fait que la plupart d'entres eux mourait bien avant leur limite d'âge biologique suggère qu'ils étaient sans doute exploités pour la viande. Dans les paragraphes précédents a été montré que les animaux avaient aussi d'autres rôles dans le système agricole, et étaient utilisés en particulier pour la production de fumure ; néanmoins, ces données

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montrent qu'à un certain point de leur existence ils étaient tués et, vraisemblablement, mangés.

La figure 2.2 montre la distribution par âge au décès des ovicapridés dans plusieurs sites et sur différentes périodes ; on s'intéresse au Néolithique, en particulier Ancien (EN). Les chèvres et moutons ne sont pas habituellement tués pendant leur première année de vie, mais la plupart meurt vers 3 ans, comme le suggère aussi Orton (2012). Cela est un indicateur selon lequel ils étaient exploités pour la viande, car leur vie biologique est nettement supérieure, même si la productivité décline après 7 ans (Kimberling 1999). Les données suggèrent donc qu'avant d'être mangés, ils étaient exploités pendant quelques années pour la fumure, ainsi que la laine et peut être le lait. Après le Néolithique seulement, la vie moyenne semble devenir plus longue, avec de nombreux exemplaires de survie à 5 ans ou plus.

Figure 2.2 : Distribution par âge au décès des ovicapridés, estimée à partir de l'éruption dentaire. Source : Greenfield 2005.

Pour les bovidés (fig. 2.3), il y a des décès à partir de 8-18 mois, mais en général l'âge à la mort est vers trois ans. En ce cas aussi, le décès se passe avant l'âge biologique des bovidés, qui peut atteindre 20 ans et plus, et c'est un signe que ces animaux, à un certain moment, étaient exploités pour la viande. Néanmoins, le fait que normalement ils vivaient 3 ans et plus, avec des cas qui arrivent à 8 ans, ne montre pas un abattage systématique de ces animaux, et

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est compatible avec le modèle d'un système agricole intensif où les bœufs contribuent à accroître la productivité avec la fumure. Comme pour les ovicapridés, une augmentation de l'âge à l'abattage est montrée pour les périodes successives au Néolithique.

Figure 2.3 : Distribution par âge au décès des bovidés, estimée à partir de l'éruption dentaire.

Source : Greenfield 2005.

En ce qui concerne les porcins (fig. 2.4), des données spécifiques pour le Néolithique ancien ne sont pas disponibles. Néanmoins, la tendance est uniforme à partir du Néolithique moyen jusqu'à l'âge du bronze ; il s'agit d'un possible signal que le rôle du cochon n'a pas changé dans le temps. Ils ont une mortalité élevée, qui commence à partir de 2-7 mois ; il est très rare qu'ils dépassent les 21-27 mois d'âge. Ces données suggèrent donc que les porcins étaient exploités principalement pour la viande (Greenfield 2008) ; probablement ils n'avaient pas d'autre rôle important dans le système agricole préhistorique.

Un estimation générale est que les ovicapridés et les bovidés sont tués, en moyenne, à 3 ans ; les suidés meurent en moyenne autour du 15è mois d'âge (1,25 ans). Grâce à ces estimations, les ratios obtenus précédemment, référés aux os qui ont été trouvés, peuvent être calibrés sur la base de l'âge moyen des animaux à l'abattage.

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Figure 2.4 : Distribution par âge au décès des porcins, estimée à partir de l'éruption dentaire. Source : Greenfield 2005.

Les valeurs initiales de la table 2.2, corrigées selon l'âge à la mort des animaux, sont présentées dans la table 2.3. Avec cette calibration, le nombre des porcins devient encore plus faible. En effet, à cause de leur durée de vie moyenne, qui était environ un tiers de celle des autres animaux, le nombre de squelettes trouvés, même si faible, avait probablement été l'objet d'une surestimation. Il semble donc que le cochon, au Néolithique ancien, était un animal extrêmement marginal dans le système agricole ; probablement, certaines familles seulement avaient des porcs.

Table 2.3 : Fréquencesdes animaux calibrées sur l'âge moyen à l'abattage.

Echantillon Fréquence Bovins (%) Fréquence Caprins (%) Fréquence Porcins (%) Total 30,30511 67,40098 2,29389 Audit 29,59104 64,41088 5,99807

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L'estimation des ratios d'animaux domestiqués qui composent un troupeau typique du Néolithique Initial est une problématique complexe à cause de la mauvais qualité des échantillons, de leur catalogage et de leur publication. Néanmoins, un comptage des NISP montre d'une façon non équivoque que les chèvres/moutons étaient l'espèce prévalent dans toute la péninsule Balkanique. La présence d'un ratio élevé de ces animaux dans la région Méditerranéenne n'est pas surprenante, mais le fait qu'ils soient prédominants même dans les plaines du Nord des Balkans fait refuser l'hypothèse d'un gradient de réduction des ovicapridés. De différences régionales sont plus ou moins présentes, dues peut-être à des pratiques locales variées, ou simplement à des problèmes d'échantillonnage.

Une calibration du nombre d'échantillons d'os, basée sur l'âge à l'abattage des animaux, confirme cette prévalence des ovicapridés. La présence des bovidés est toujours importante, tandis que les porcins semblent être très marginaux. Le modèle OBRESOC-BEAN ne peut pas prendre en compte les différences locales relatives à chaque site, mais peut modéliser l'élevage sur la base de la typologie de troupeau standard trouvée dans la région, dont la composition vient d'être décrite.