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Espèces concernées et état des populations à l’échelle mondiale (V1.4)

Hypothèse 3 : Démarches de suivi et de diagnostic sous unique responsabilité régionale/locale

1.4. Espèces concernées et état des populations à l’échelle mondiale (V1.4)

Composante : Population et gestion des PMA (Europe + Outre-Mer) Rédacteur : Patrick Lambert

Mise à jour : 2 octobre 2014

1) Définition et indicateurs

1.1) Définition de la variable

La première définition d’un poisson migrateur amphihalin (traduit de l’anglais par poisson diadrome) est attribuée à Myers (1949). Il s’agit d’un poisson qui effectue une migration vraie (en opposition à une émigration (déplacement sans retour) ou à un nomadisme (déplacement sans but et sans gite)) entre l’eau douce et la mer. Il s’oppose donc à un poisson holobiotique qui vit uniquement dans un seul milieu (salé ou doux). Cet auteur distingue les catadromes (migration de reproduction vers la mer) des anadromes (migration de reproduction vers l’eau douce) et les amphidromes (migration eau douce –eau de mer non liée à la reproduction). Par la suite, Fontaine (1975 ; 1976) et McDowall (1992) ont précisé cette définition en insistant d’une part sur le caractère régulier de ces déplacements intervenant à des moments et des stades de développement prévisibles et d’autre part sur la dépendance physiologique de ces déplacements. Ils ont également souligné que ces migrations concernaient la majorité des membres d’une population bien que la diadromie facultative ait été démontrée depuis chez beaucoup d’espèces.

On parle d’espèces de PMA quand au moins une population de cette espèce exhibe ce type de comportement migratoire.

L’état d’une population vise à caractériser la viabilité sur le long terme du fonctionnement de la population (succession des processus biologiques résumée dans un cycle de vie). A l’échelle des espèces, l’union mondiale pour la nature (2012) définit les statuts suivants par ordre croissance de risque d’extinction : préoccupation mineure, quasi menacé, vulnérable, en danger, en danger critique d’extinction, éteint à l’état sauvage et éteint.

1.2) Indicateurs de la variable Nombre d’espèces de PMA recensés dans le monde Classification des espèces par IUCN

Trois critères ont été retenus par Limburg et Waldman (2009) pour évaluer l’état d’une espèce de PMA :

Nombre originel versus nombre actuel de populations

• Evolution des abondances ou des captures

• Statut officiel de conservation

Auxquels on pourrait rajouter le nombre des populations exploitées. 2) Rétrospective

Le nombre de PMA reste une question ouverte. Parmi les 32 000 espèces de poissons (Eschmeyer et al., 2010) étaient jusqu’à récemment recensés entre 140 et 160 espèces de PMA (McDowall, 1987). Cela représente moins de 1% de des espèces de poissons (Limburg et Waldman, 2009) mais toutefois avec un manque d’information pour la majorité des

33 espèces (Riede, 2000). Une requête de la base « FishBase », (Froese et Pauly, 2013) trouve maintenant plus de 700 espèces PMA avec une augmentation substantielle du nombre de poissons amphidromes (Tableau 5).

Tableau 5 : Nombre d'espèces migratrices (* : avec nom valide dans FishBase)

(McDowall, 1987) (McDowall, 1988) (*)

(Riede, 2000) FishBase (Froese et Pauly, 2013)

Catadrome 41 56 35 86

Anadrome 87 109 109 175

Amphidrome 34 61 452

Total 160 226 (219) 144 713

En Europe, en Afrique du Nord et au Moyen Orient, Lassalle et al. (2009) considèrent 29 espèces (si les deux espèces de corégones nordiques Coregonus albula et C. maraena sont distinguées) auxquelles il faut ajouter l’esturgeon atlantique Acipenser oxyrhinchus dont la présence en Europe est maintenant avérée (Chassaing et al., 2013). A cette échelle spatiale, les désaccords avec le recensement de McDowall (1988) et celui issu de FishBase (Tableau 5) s’expliquent par :

• Des erreurs manifestes comme pour le sterlet considéré comme anadrome pour McDowall ;

• Des diadromies abusives, par exemple, pour la perche fluviatile qui effectue effectivement des migrations de reproduction jusque dans la mer Baltique mais vers des secteurs à des salinités inférieures à 4 (Nesbø et al., 1998) ;

• Des espèces considérées comme migratrices dans FishBase de par l’existence de populations migratrices en dehors d’Europe, c’est le cas du mulet cabot Mugil

cephalus non migrateur en Europe mais considéré comme tel à Taiwan (Chang et al.,

2004) ;

• Des espèces considérées comme migratrices (peut-être à tort par McDowall (1988)) parce que c’était le cas historiquement même si actuellement elles sont strictement holobiotiques, cas du sterlet Acipenser ruthenus (Kottelat et Freyhof, 2007) ;

• Des généralisations abusives à tout un genre sans éléments précis pour chaque espèce, cas des mulets dans FishBase, par exemple ;

• Des arbitrages discutables entre amphidromes marins (ou catadromes) et espèces marines secondaires ou sporadiques comme pour le gobie commun Pomatoschistus

microps ou le syngnathe Syngnathus abaster. Des vérifications de l’autoécologie de

ces espèces sont nécessaires pour vérifier si le but des migrations est bien la reproduction et non l’alimentation (Jager et al., 2008).

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Figure 4 : Diagramme de Venn représentant le nombre d’espèces de PMA en Europe en fonction des trois

sources d’information

En France métropolitaine, il est admis qu’il y a 11 espèces de PMA. Par contre, le décret de 1994 codifié aux articles 436 à 444 du Code de l’Environnement ne désigne que 7 espèces oubliant de fait l’esturgeon européen (qui fait l’objet d’un plan d’actions dédié), le flet, le mulet, l’éperlan et les PMA des territoires ultramarins.

Globalement, à partir de la liste des PMA issus de FishBase (Tableau 6) le statut IUCN est mal connu (63%). Les espèces menacées (vulnérable, en danger, en danger critique d’extinction) représentent une vingtaine de pourcents parmi les espèces dont le statut est connu.

Tableau 6 : Proportion d'espèces en fonction de leur statut IUCN (2012) pour les 712 espèces de PMA issus de

FishBase

anadrome catadrome amphidrome total

Statut connu 48% 29% 33% 37%

Éteinte ou menacée 15% 2% 5% 7%

Eteinte ou menacée parmi les connus 31% 8% 14% 19% A l’échelle de l’Europe, le statut des espèces est évidemment mieux connu. Seul le saumon de la caspienne et l’alose algérienne n’ont pas été évalués. Près d’un 1/3 des PMA est considéré comme menacé. Dans la littérature scientifique, le houting (Coregonus oxyrhincus) est éteint depuis les années 1940. Il a été classé comme telle en 2008 mais a fait l’objet de d‘un programme de réintroduction dans la Baltique dans les années 1990 qui semble être une réussite. Cinq espèces d’esturgeon (Acipenser sturio, A. gueldenstaedtii, A. naccarii, A.

stellatus, Huso Huso) et l’anguille européenne (Anguilla anguilla) sont classées en danger critique d’extinction, une alose (Alosa volgensis) en danger, l’alose immaculée (Alosa

immaculata) et un corégone (Coregonus maranea) sont vulnérables. Par rapport à

l’évaluation de Lassalle et al. (2008), le statut s’est dégradé. A l’époque, il n’y avait pas d’espèce éteinte, 1 seule était en danger critique d’extinction, 3 en danger et 1 vulnérable.

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Tableau 7 : Proportion d'espèces en fonction de leur statut IUCN (2012) pour les 30 espèces de PMA en Europe

anadromous catadromous total

Statut connu 93% 100% 93%

Éteinte ou menacée 33% 33% 33%

Éteinte ou menacée parmi les connus 36% 33% 36%

Éteinte (EX) 1 0 1

En danger critique d’extinction (CR) 5 1 6

En danger (EN) 1 0 1

Vulnérable (VU) 2 0 2

Presque menacée (NT) 2 0 2

Faible préoccupation (LC) 13 2 15

Faible risque / Faible préoccupation (LR/lc) 1 0 1

Manque de donnée (DD) 1 0 1

Non évalué 1 0 1

Total 27 3 30

A noter des disparités entre les façades maritimes de l’Atlantique nord (Limburg et Waldman, 2009), avec plus de statuts non déterminés sur la côte ouest, révélant une stratégie différente de classement.

Les effectifs de populations sauvages de saumon atlantique ont diminué notablement dans toute l’aire de répartition naturelle de l’espèce depuis les années 1980, du fait principalement de la construction de barrages sur les cours principaux des rivières mais également de la surpêche et, plus récemment, de modifications de conditions océaniques et de l’impact de l’aquaculture (Parrish et al., 1998 ; Chaput, 2012 ; Mills et al., 2013).

Les populations d’esturgeons à travers le monde sont, à de rares exceptions près, très fragiles (Pikitch et al., 2005). Concernant l’esturgeon européen, la dernière reproduction en milieu naturel de la dernière population a eu lieu en 1994 (Jarić et al., 2011).

Les trois espèces d’anguilles tempérées (Anguilla anguilla, A. rostrata et A. japonica) connaissent une baisse depuis les années 1980 (Dekker et al., 2003) même si une inversion de la tendance semble se dessiner depuis les 3 dernières années (ICES, 2013).

Après avoir connu une contraction de l’aire de répartition de l’espèce au début des années 1980 (Baglinière et al., 2000), la population de grande alose du bassin Gironde-Garonne- Dordogne, considérée jusque-là comme la population de référence, a connu un crash spectaculaire au milieu des années 2000 (Rougier et al., 2012). Toutefois, des populations semblent en bonne santé dans des petits fleuves normands.

L’abondance de d’alose feinte dans le bassin de la Garonne était à la baisse jusqu’à très récemment (Girardin et Castelnaud, 2013). Plus au Nord, cette espèce semble se maintenir même si les effectifs ont largement diminué (Aprahamian et al., 2003 ; Thiel et al., 2008). La population d’éperlan a quasiment déserté le bassin de la Gironde, considéré comme la limite méridionale de son aire de répartition (Pronier et Rochard, 1998). L’explication avancée serait un allongement du cycle vital du fait d’un ralentissement de la croissance induit par l’augmentation des températures. Au contraire, la population de l’Elbe semble bien se porter du fait de l’amélioration de la qualité de l’eau (Thiel et al., 2003).

La lamproie marine ne semble pas présenter de signes de raréfaction dans le bassin de la Garonne (Beaulaton et al., 2008 ; Girardin et Castelnaud, 2013).

36 Plus globalement, 14 espèces de PMA anadromes considérées par Limburg et Waldman (2009) ont connu des réductions du nombre de populations. Les espèces nord-américaines fortement gérées (Acipenser oxyrhincus, A. brevirostrum et Morone saxatilis) ont connu des réductions plus faibles. Le saumon atlantique a souffert de moins d’extirpations sur la côte ouest-atlantique qu’est-atlantique. Les corégones sont en situation périlleuse ainsi que l’esturgeon européen. Pour les populations encore fonctionnelles, la tendance générale est à la baisse des abondances avec une diminution de 32 sur les 35 stocks considérés (Limburg et Waldman, 2009). Seules les lamproies dans le bassin de la Gironde (Beaulaton et al., 2008), la truite en Islande (Guðbergsson, 2007) et le bar rayé en Amérique du Nord (NOAA Fisheries statistics) connaissent des embellies. Ce travail de synthèse a conduit au schéma conceptuel expliquant l’histoire générale et les facteurs ayant conduit au déclin des populations de PMA mettant en exergue le risque de disparitions des têtes des gestionnaire après leur disparition des têtes et des bas de bassins versants (Limburg et Waldman, 2009).

Certaines populations font l’objet de programmes de gestion ou de restauration, depuis longtemps pour le saumon, ou plus récemment pour l’esturgeon européen, les anguilles européenne (Europe) et américaine (est de l’Amérique du Nord), l’alose savoureuse (côte ouest-atlantique), le bar rayé (Saint-Laurent) ou la vimbe (mer Baltique). Certains plans sont en gestation comme pour la grande alose (Gironde).

Les facteurs de succès de ces programmes sont encore largement incertains. Clairement, la domestication des souches associées à l’alevinage massif à partir de reproductions contrôlés est soulevée. La non-prise en compte des causes multiples de diminution des stocks explique également les échecs de la restauration de certaines populations. L’intervention trop tardive diminue également les chances de succès. Au contraire, lorsque une seule cause majeure est identifiée (e.g. surpêche, dégradation d’un habitat essentiel), la réussite est souvent au rendez-vous. La mobilisation de l’ensemble des acteurs concernés est également un gage de réussite.

Figure 5 : Schéma conceptuel de l’histoire générale et des facteurs ayant conduit au déclin des populations de

37 3) Prospective

3.1) Tendance lourde

La fragilisation du fonctionnement des populations actuelles de PMA (e.g. surpêche, pollution, destruction d’habitat, artificialisation des débits, obstacles à la migration, changement climatique) se poursuit avec un risque croissant d’extirpation de populations voire d’extinction de certaines espèces.

3.2) Principales incertitudes

• Mise en œuvre et efficacité des programmes de gestion ou de restauration

• Fluctuations des conditions environnementales

• Prise en compte ou arrivée de nouvelles espèces de PMA 4) Hypothèses

Hypothèse 1 : Augmentation du nombre d’espèces menacées malgré quelques populations