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Erreurs médicamenteuses liées à la forme pharmaceutique du médicament

Table des abréviations

2. Etudes de différents cas d'erreurs médicamenteuses

2.4. Erreurs médicamenteuses liées à la forme pharmaceutique du médicament

2.4.1. Généralités sur les formes pharmaceutiques

La forme pharmaceutique du médicament (également appelée forme galénique) doit permettre à la substance active d’atteindre l’organe visé le plus vite et le mieux possible. C’est un élément important du médicament, car un mode d’administration adapté est gage de meilleure efficacité et de moindre risque.

La forme pharmaceutique est choisie par le médecin en fonction du site d’action, de la durée d’action (instantanée, retardée) et du malade (adulte, enfant).

Il existe un très grand nombre de formes pharmaceutiques. Les plus usuelles sont les formes (31) :

• orales administrées par la bouche,

• injectables administrées par injection,

• dermiques appliquées sur la peau,

• inhalées administrées par aérosols,

• rectales introduites par le rectum.

La voie orale concerne 80% des médicaments. Les comprimés et les gélules sont les formes les plus répandues pour cette voie.

Huit catégories de comprimés sont présentes sur le marché (32) : • non enrobés,

• enrobés, • effervescents, • solubles, • dispersibles,

• gastrorésistants (qui libèrent progressivement leurs principes actifs), • à libération modifiée (comme les comprimés « flottants » qui, grâce à un

enrobage qui se gonfle au contact des sucs gastriques, flottent dans l’estomac pour y libérer de façon prolongée l’actif contenu dans leur centre)

La majorité des comprimés commercialisés sont blancs puisque les principes actifs et excipients sont également de cette couleur.

En ce qui concerne la forme des comprimés, ces derniers sont souvent de forme allongée afin de faciliter l’ingestion. De plus, on retrouve également beaucoup de comprimé rond. Les bords anguleux ne sont pas présents car ils s’effritent facilement (33).

Les gélules, composées d’un corps et d’une coiffe, contiennent des poudres ou des granulés. La libération des gélules peut être également modifiée ou prolongée tout au long du tractus digestif (32).

Les gélules disponibles sur le marché sont de tailles différentes. Elles peuvent être unicolore ou bicolore (corps et coiffe ayant des couleurs différentes), avec des éventuels marquages sur l’enveloppe de la gélule.

La couleur des comprimés et des gélules permet aux patients de pouvoir différencier leurs médicaments notamment pour les personnes polymédiquées. La couleur a également un rôle marketing puisque certaines classes médicamenteuses sont associées à une couleur. Par exemple, les somnifères sont majoritairement bleus (33).

Figure 23 : Photo d’un comprimé d’Acétylleucine 500 mg Mylan, d’un comprimé pelliculé de Spiramycine/Métronidazole 1,5 MUI/250 mg Teva et d’une gélule de Lopéramide 2 mg Teva.

Enfin, les dispositifs transdermiques, plus connus sous le nom de patchs sont des systèmes maintenus sur la peau par un adhésif et permettent de libérer un principe actif en continu pendant plusieurs jours à une vitesse constante. Ils améliorent non seulement l’observance mais ils garantissent aussi une meilleure efficacité le principe actif n’étant pas dégradé par la digestion (32).

Les tailles et couleurs des dispositifs transdermiques varient en fonction des spécialités. De plus, certains patchs peuvent être découpés.

2.4.2. Etude de cas : Le changement de couleur des gélules de Duloxétine Mylan

2.4.2.1. Description du cas

Des signalements de confusion ont été rapportés à l’ANSM entre la spécialité Duloxétine Mylan 60 mg, gélule générique du princeps Cymbalta® 60 mg, gélule, et la spécialité Doliprane® 500 mg, gélule (paracétamol).

En effet, les gélules de Duloxétine Mylan 60 mg ont un corps jaune et une coiffe bleu comme le Doliprane® 500 mg, gélule. De plus, les teintes des couleurs de ces deux spécialités sont identiques. Cependant, des mentions sont bien présentes sur le conditionnement primaire ainsi que sur les gélules pour aider à l’identification :

l’inscription « MYLAN DL 60 » en blanc est présente sur le corps et sur la coiffe de la gélule de Duloxétine Mylan 60 mg (34).

Figure 24 : Image d’une gélule de Duloxétine Mylan 60 mg (35).

Malgré ces mentions ayant pour but d’empêcher tout risque de confusion, les gélules aux couleurs bleu et jaune restent associées au Doliprane® 500 mg aux yeux des patients. Effectivement, le Doliprane® 500 mg est un médicament extrêmement vendu avec ou sans ordonnance et ces couleurs lui sont caractéristiques.

Figure 25 : Image d’une boite et d’un blister de Doliprane® 500 mg, gélule (36).

2.4.2.2. Les conséquences pour le patient

En ce qui concerne le cas Duloxétine Mylan 60 mg et Doliprane® 500 mg, ces deux spécialités ont des indications thérapeutiques différentes : alors que le Duloxétine est prescrit pour traiter les troubles dépressifs majeurs et les anxiétés généralisées,

le Doliprane® est, quant à lui, un antidouleur et antipyrétique agissant contre les douleurs d’intensité légère à modérée. Au vu de leurs indications thérapeutiques, une éventuelle confusion entre ces deux spécialités pourrait avoir de graves conséquences pour les patients.

Un surdosage en duloxétine peut, malheureusement, se produire très rapidement : la dose maximale en duloxétine est de 120 mg par jour soit 2 gélules par jour alors que 4 g de Doliprane® peut être administré par jour c’est à dire jusqu’à 8 gélules de Doliprane® 500 mg. Un patient inversant ses gélules de Duloxétine Mylan 60 mg et de Doliprane® 500 mg peut donc prendre jusqu’à 4 fois la dose maximale de duloxétine.

Un sous dosage en duloxétine peut être observé ce qui va fausser le traitement du malade et donc augmenter le risque de suicide du patient car la dépression est associée à un risque accru d'idées suicidaires.

De plus, les gélules de Duloxétine Mylan 60 mg sont contre-indiquées chez les enfants et adolescents de moins de 18 ans alors que les gélules de Doliprane® 500 mg peuvent être administrées aux adultes et enfants à partir de 27 kg.

Enfin, ces deux spécialités ne nécessitent pas les mêmes précautions d’emploi, les mêmes mises en garde et ne possèdent pas les mêmes interactions thérapeutiques (37) et (38).

2.4.2.3. Les actions mises en place par l’ANSM et le laboratoire

pharmaceutique

Suite aux signalements de confusion entre les gélules de Duloxétine Mylan 60 mg et de Doliprane® 500 mg, de nouvelles spécialités de Duloxétine Mylan 30 mg et 60 mg sont sur le marché depuis septembre 2016. Les nouvelles gélules de Duloxétine Mylan 30 mg et 60 mg sont maintenant de taille et de couleurs plus proches de leurs princeps Cymbalta® 30 mg et 60 mg gélule.

Un changement de dénomination a eu lieu en même temps que le changement de couleur et de taille : Duloxétine Mylan 30 mg et 60 mg gélule gastro-résistante est devenu Duloxétine Mylan Pharma 30 mg et 60 mg, gélule gastro-résistante suite à un changement d’AMM (34).

Les nouvelles gélules de Duloxétine Mylan Pharma 60 mg sont maintenant plus petites et composées d’une coiffe bleue où est imprimée la lettre « E » en noir et d’un corps vert où est imprimé le chiffre « 129 » en noir. Ces nouvelles gélules ressemblent maintenant beaucoup plus à leur spécialité de référence le Cymbalta® 60 mg : leurs gélules ont une coiffe bleue et un corps vert portant imprimés en blanc les mentions « 60 mg » sur le corps et le code « 9542 » sur la coiffe (39).

Quant aux gélules de Duloxétine Mylan 30 mg, elles étaient initialement composées d’un corps blanc avec l’inscription « MYLAN DL 30 » en jaune et d’une coiffe bleue avec la même inscription que sur le corps mais en noir. Les gélules Duloxétine Mylan Pharma 30 mg sont désormais constituées d’un corps blanc où est imprimé le chiffre « 127 » en noir et d’une coiffe bleue où est imprimée la lettre « E » en noir. Il faut noter que le bleu utilisé pour les nouvelles gélules de Duloxétine Mylan Pharma 30 mg est plus foncé que le bleu initial. Ce dernier était identique au bleu des gélules de Doliprane® 500 mg. A présent, les gélules de Duloxétine Mylan 30 mg sont proches des gélules de Cymbalta® 30 mg qui ont un corps blanc qui comporte l’inscription « 30 mg » en jaune et une coiffe bleue sur laquelle est inscrit le code « 9543 » en jaune (34) et (39).

Afin de sensibiliser les patients à ces changements, les conditionnements extérieurs des Duloxétine Mylan Pharma présentent une photographie des gélules permettant de différencier les nouvelles gélules des anciennes. De plus, les pharmacies sont invitées à délivrer les boites de Duloxétine Mylan Pharma uniquement lorsque les stocks des anciennes gélules seront écoulés. Un stockage séparé des anciennes et nouvelles gélules est recommandé. En septembre 2016, un courrier d’information a été envoyé aux pharmaciens d’officine et hospitaliers afin de les informer de ces modifications.

Figure 26 : Images des différentes gélules de Doliprane® 500 mg, Duloxétine Mylan 30 mg et 60 mg, Duloxétine Mylan Pharma 30 mg et 60 mg ainsi que Cymbalta® 30 mg et 60 mg montrant les ressemblances entre ces gélules (36).

2.4.3. Etude de cas : le changement de couleur des patchs de Durogesic®

2.4.3.1. Description du cas

Différentes erreurs médicamenteuses ont été signalées à propos des patchs de Durogesic® ainsi que des cas de sur-exposition au Durogesic® mettant en cause le manque de visibilité du dispositif transdermique. En effet, les patchs sont transparents avec un liseré de couleur. Il s’agit de situation à risque pouvant entrainer des sur-expositions accidentelles au Durogesic®. Les cas suivants ont été rapportés :

• le transfert du patch du patient traité vers un tiers,

• l’ingestion accidentelle, notamment chez l’enfant, d’un patch usagé, d’un patch qui s’est décollé du patient traité ou d’un patch retiré par l’enfant traité. Des cas d’oubli du dispositif sur le corps du patient ou de confusion entre les dosages ont eu lieu (40) et (41).

2.4.3.2. Les conséquences pour le patient

Suite aux erreurs médicamenteuses liées aux patchs de Durogesic®, de rares cas d’évolution fatale sont survenus notamment chez les enfants. De plus, les différentes situations signalées peuvent entraîner des symptômes de surdosage, notamment du fait que les patchs usagés contiennent encore du principe actif (même après 72 heures d'application) ; le plus grave de ces symptômes est la dépression respiratoire, potentiellement d'issue fatale.

En effet, les dispositifs transdermiques de Durogesic® sont utilisés pour le traitement des douleurs intenses et prolongées qui ne peuvent être correctement traitées que par des analgésiques forts. Ces médicaments contiennent une quantité importante de fentanyl qui est un puissant antidouleur. Ils sont indiqués chez l'enfant à partir de 2 ans recevant des analgésiques opioïdes (médicament permettant de lutter contre la douleur) et chez l'adulte (40) et (41).

2.4.3.3. Les actions mises en place par l’ANSM et le laboratoire

pharmaceutique

Suite aux erreurs médicamenteuses signalées et en accord avec l’ANSM et l’EMA, étant donné que la spécialité a une AMM Européenne, le laboratoire commercialisant les patchs de Durogesic® a décidé de modifier l’aspect visuel des dispositifs transdermiques afin d’améliorer leur visibilité sur la peau des patients, de mieux distinguer les dosages et de limiter ainsi les cas d’exposition ou de surexposition accidentelle. Une bordure colorée a été ajoutée sur les patchs et une couleur particulière a été attribuée à chaque dosage.

Figure 27 : Images des nouveaux dispositifs transdermiques de Durogesic® suite au changement d’aspect visuel.

Suite à l’arrivée de ces nouveaux patchs, qui sont disponibles sur le marché depuis décembre 2016, le laboratoire a rappelé, en même temps, aux professionnels de santé les précautions suivantes :

• il est important d’informer les patients et/ou le personnel soignant de la nouvelle apparence des patchs de DUROGESIC® ainsi que de les sensibiliser aux risques d’une mauvaise utilisation de ces derniers et leur rappeler les modalités de manipulation telles que décrites dans la notice destinée au patient,

• il est important de leur rappeler les modalités de retrait et qu’il est nécessaire de retirer le patch usagé (car ce dernier contient encore du principe actif) avant d’en apposer un nouveau (l’absence de retrait des patchs peut conduire à un surdosage).

L’ANSM et le laboratoire rappellent au sein du tableau ci-dessous, à la fois dans leur courrier à destination des professionnels de santé (Annexe 3) ainsi que sur leur site internet, les recommandations à respecter pour éviter ces situations à risque :

Situations à risque Précautions à prendre pour éviter les

situations à risque

Conduite à tenir en cas d'exposition

accidentelle Transfert du patch du patient traité vers un tiers

o - Privilégier des sites d'application couverts

o - S'assurer régulièrement

de la bonne adhésion du

- Retrait du patch de la personne faisant l'objet d'une exposition

patch

o - Porter une attention particulière, notamment lors du sommeil ou de contacts physiques rapprochés - Consultation médicale immédiate

Ingestion accidentelle (notamment chez l'enfant)

o - d'un patch usagé - Replier le patch sur lui-

même car les patchs usagés contiennent encore une quantité importante de principe actif

- Placer ensuite le patch dans le système de récupération fourni, le placer hors de portée des enfants et le retourner à la pharmacie

o - Consultation médicale

immédiate

o - d'un patch qui s'est décollé du patient traité

o - d'un patch retiré par l'enfant traité

- De manière générale, privilégier des sites d'application couverts et difficilement accessibles. De plus, chez l'enfant, favoriser la partie supérieure du dos pour éviter le retrait par l'enfant - S'assurer de la bonne adhésion du patch lors de l'application (couper les poils superflus, laver la zone à l'eau propre, sans

produit nettoyant, s'assurer qu'elle est parfaitement sèche avant application) et

régulièrement après la pose

Tableau 2 : Recommandation à respecter afin de limiter les erreurs médicamenteuses liées aux dispositifs d’administration (42).

En 2014, l’ANSM avait déjà lancé une campagne de sensibilisation et d’information afin d’alerter les patients ainsi que les professionnels de santé sur le risque d’erreur médicamenteuse liée aux dispositifs transdermiques.

L’ANSM a mis en évidence le fait que les erreurs médicamenteuses liées aux dispositifs transdermiques sont principalement dues à un manque d’information ou de formation sur les modalités d’utilisation.

Il est donc recommandé de suivre les conseils suivants :

• le patch ne doit pas être découpé sauf quand la possibilité de découpe est précisée dans la notice ou le Résumé des Caractéristiques des Produits (RCP),

• les recommandations données par les professionnels de santé ou précisées dans la notice ou le RCP doivent être respectées, notamment en ce qui concerne :

o le site anatomique : des applications, par erreur, des patchs contenant des opioïdes au niveau du point douloureux ont été rapportées,

o les modalités d’application : le film protecteur du patch doit être retiré avant application, il ne faut pas écrire sur le patch ;

• les patchs usagés contiennent encore du principe actif après leur utilisation. Il est donc nécessaire de retirer le patch usagé avant d’en appliquer un nouveau. De plus, un stockage des patchs, y compris usagés, hors de la portée et de la vue des enfants et une élimination sécurisée (à savoir, pour la ville, un retour à l’officine pour une destruction) permet de limiter l’exposition

des enfants à des surdosages accidentels (ingestion par des enfants de patchs usagés),

• lors de la recherche des traitements en cours, le port de patchs doit être précisé car un oubli peut être à l’origine d’un surdosage ou d’une interaction médicamenteuse,

• une augmentation de la température du corps peut entraîner une modification de la vitesse et de la dose délivrée du principe actif à travers la peau et être à l’origine de surdosage. Il faut donc éviter des sources de chaleurs importantes (bouillotte sur le patch, bain chaud, sauna), de réaliser des activités sportives par fortes chaleurs, de s’exposer au soleil de façon prolongée ou sans protéger le patch par un vêtement,

• la présence de métaux dans certains patchs peut provoquer des brûlures lors de réalisation d’une Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) ; il faut donc systématiquement informer les professionnels de santé du port d’un dispositif transdermique avant la réalisation de cet examen.

En 2014, l’ANSM a également mis en place un groupe de travail dédié aux dispositifs transdermiques composé en particulier de professionnels de santé de terrain afin d’améliorer la présentation et l’information relatives aux dispositifs transdermiques et d’en favoriser plus largement leur bon usage.

Au cours de cette campagne de sensibilisation, l’ANSM a élaboré des documents d’information sous forme de questions/réponses adaptés aux patients et aux professionnels de santé ainsi que l’outil suivant qui a pour objectif d’aider les patients au suivi de leur traitement.

Enfin, l’ANSM rappelle que les professionnels de santé ont un rôle déterminant de conseil, notamment de :

• s’assurer de la bonne compréhension des modalités d’utilisation du dispositif transdermique par le patient ou par ses proches : posologie (durée et nombre de patchs, nécessité ou non d’un intervalle libre entre deux patchs), sites d’applications autorisés, modalités pratiques d’utilisation (douche, absence d’exposition au soleil de manière prolongée…),

• remettre aux patients le dépliant « Patch : outil d’aide au suivi du traitement » notamment lors de la délivrance de ces médicaments (42).

2.5. Les erreurs médicamenteuses liées à des spécialités avec