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Le système calcocarbonique met en jeu simultanément trois phases: une phase gazeuse (l’atmosphère), une phase liquide où se déroulent toutes les réactions chimiques et une phase solide constituée par le dépôt en cours de formation (Figure 3).

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CO2(gaz) CO2(aq)

CO2(gaz) + H2O HCO-3 (aq) + H+ (aq)

HCO-3 (aq) + OH- CO2-3 (aq) + H2O

CO2-3 (aq) + Ca2+ (aq) CaCO3(germe) CaCO3(s) CaCO3. nH2O

Gaz Liquide Solide

Figure 3: Représentation du système calcocarbonique (CHAO, 2013).

Pour une eau constituant la phase liquide, contenant des ions calcium et des espèces carboniques en solution, en équilibre avec la phase solide de carbonate de calcium, réagit selon l’équilibre suivant :

CaCO3 Ca2+ + CO32- (6)

Cet équilibre, dit calcocarbonique, il est limité par la constante de solubilité Ks du carbonate de calcium qui est régi par la loi d’action de masse:

Ks = (Ca2+) (CO32-) Eq. I- 9

Chaque constante d'équilibre dépend de la température T (exprimée en Kelvin) selon la relation suivante :

Log K = a + b /T + cT

Le Tableau (1) donne les valeurs de a, b et c permettant de calculer les constantes d'équilibre en fonction de la température de 0 à 500C (OLIVE, 1978).

Tableau 1 : Paramètres a, b, c c b a 0,01422 2299,6 -13,417 K0 -0,03279 -3404,71 14,8435 K1 -0,02379 -2902,39 6,498 K2 -0,0401 -3000 13,543 Ks

10 Ainsi à 250C on obtient :

K0 = 10-1.46, K1 = 10-6,35, K2 = 10-10,33, Ks = 10-8,47

Si le produit de solubilité est dépassé, un précipité de carbonate de calcium peut se former. Mais une eau peut avoir dépassé son produit de solubilité sans pour autant conduire à la précipitation spontanée du carbonate de calcium. Le degré de sursaturation (δ) est alors défini comme étant le rapport entre le produit de solubilité réel et le produit de solubilité théorique:

[Ca2+] [CO32-] = δ Ks Avec : Ks: le produit de solubilité exprimé à partir des concentrations .

δ: coefficient de sursaturation.

En pratique, quatre cas peuvent se présenter suivant les valeurs prises par δ, voir Tableau (2). Tableau 2 : Les différentes valeurs de δ (LEDION et al. 1993).

Action sur le carbonate de calcium Nature de l'eau

δ

Risque nul de précipitation du

carbonate de calcium. On peut dissoudre le carbonate de calcium dans l'eau. Eau agressive

1 > δ

Système stable, cas rare.

Eau à l’équilibre

calcocarbonique δ = 1

Possibilité de précipitation

hétérogène du carbonate de calcium. Eau dite calcifiante

1<δ<40

Précipitation homogène et

spontanée du carbonate de calcium. Eau calcifiante sursaturée

δ> 40

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Figure 4 : Domaines thermodynamiques des entartrages (YANNICK, 2002). I.2.2. Diagramme de LEGRAND et POIRIER:

La situation de l’eau par rapport à l’équilibre calcocarbonique est un paramètre important dans l’étude du phénomène de l’entartrage. De nombreux auteurs ont développé des méthodes de calcul de l’équilibre calcocarbonique des eaux naturelles. Ces méthodes reposent sur des déterminations graphiques de l’agressivité ou du caractère entartrant d’une eau (TILLMANS

et HEUBLEIN (1912), LANGELIER (1948), HALLOPEAU (1949)). Par la suite

LEGRAND et POIRIER (1976) développent une méthode de calcul basée sur les équilibres thermodynamiques mettant en jeu toutes les espèces calcocarboniques et intègrent l’influence de la force ionique due aux autres espèces majeures.

Représentation de LEGRAND et POIRIER

C’est une méthode graphique reposant sur l’analyse d’une eau et incluant dans ses calculs tous les éléments fondamentaux et les éléments caractéristiques.

-les éléments fondamentaux : ce sont les éléments majeurs qui interviennent dans les équilibres carboniques et calcocarboniques : H2CO3 (CO2 libre), HCO3-, CO32-,H+, OH-, Ca2+. -les éléments caractéristiques : ce sont les éléments majeurs qui n’interviennent pas dans les équilibres précédents que par leur action sur la force ionique de la solution. Ce sont en général: Mg2+, Na+, K+, SO42-, Cl-, NO3-.

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Le modèle de Legrand-Poirier est fondé sur une représentation graphique biaxiale de l'anhydride carbonique total en fonction de la concentration en ions calcium:

CO2 total = f (Ca2+)

A une température donnée, des eaux ayant les mêmes éléments caractéristiques à la même concentration ne diffèrent que par les concentrations des six éléments fondamentaux. Ces derniers sont liés par les quatre relations Eq. I-4, Eq. I-5, Eq. I-6, et la relation de neutralité électrique. Ces eaux constituent donc un ensemble à deux dimensions et peuvent donc être représentées dans un plan. Legrand et poirier ont adopté un système d’axes :

-en ordonnées:

( CO2 totale) = ( CO2 libre) + ( HCO3-) + ( CO32-)

-en abscisses : (Ca2+) Si on définit par :

P = 2 [ Mg2+] + [ Na+]+[K+]+….. et N = 2[SO42-] + [ Cl-] + [ NO3-]+…..

Si on considère une eau ne contenant que des éléments caractéristiques, son point figuratif M0 est confondu sur le graphique avec l’origine des coordonnés.

Au point M0 l’électroneutralité s’écrit : P + [H+] = N + [OH-]

Si on ajoute à cette eau de la chaux, la relation de neutralité électrique s’écrit: 2[Ca2+] + P + [H+] = N + [OH-]

On peut alors atteindre la neutralité ([H+] = [OH-]). L’eau est alors représentée par le point S. On peut montrer que la droite passant par S et de pente 2 a des propriétés singulières. Avec la verticale passant par S elle délimite trois régions (Figure 5).

Région I :

Elle est située à gauche de la demi-droite SY parallèle à l’axe des ordonnées. Les eaux dont le point figuratif à cette région sont caractérisées par :

[CO2]total = [H2CO3] N-P [Ca2+] = = λ 2

13 Et [H+] >> [OH-]

Ces eaux ont un TA et un TAC nuls. Région II:

Elle est située entre la demi-droite SX de pente 2 et la demi droite SY.

les eaux dont le point figuratif appartenantt à cette région sont caractérisées par : [CO2] total = [ H2CO3] + [HCO3-]

Ces eaux ont un TA nul et un TAC non nul. Région III :

Elle est située à droite de la demi-droite SX de pente 2.

Les eaux dont le point figuratif appartenantt à cette région sont caractérisées par : [CO2] total = [CO32-] + [OH-] et [OH-] >> [H+]

Ces eaux ont un TA et un TAC non nuls.

Figure 5 : Principe de la construction de Legrand et Poirier.

Pour les eaux en équilibre avec le carbonate de calcium, il existe entre les concentrations de Ca2+ et CO32- une relation supplémentaire : (Ca2+) (CO32-) = KS.

L’ensemble de ces eaux sont sur une courbe C dite d’équilibre calcocarbonique. Son allure est donnée par la Figure (6). Cette courbe comprend une branche ascendante et une branche descendante.

Y

14 La courbe C sépare le plan en deux domaines:

- Celui des eaux ″agressives″ pour les quelles (Ca2+

) (CO32-) < KS, elles sont capables de dissoudre du carbonate de calcium.

- Celui des eaux ″calcifiantes″ pour les quelles (Ca2+

) (CO32-) > KS, elles sont sursaturées de carbonate de calcium.

Quand une eau est très calcifiante (coefficient de sursaturation δ > 40), son point figuratif est situé à droite de la courbe C' (Figure 6). Il apparaît spontanément au sein de l’eau des particules de carbonate de calcium solide. Les dépôts peuvent être incrustants en présence d’une surface solide.

Une élévation de température a pour effet d’éloigner vers la gauche la partie ascendante de la courbe C de la demi droite 2 passant par S, c'est-à-dire d’étendre le domaine des eaux calcifiantes. Il en résulte qu’une eau à l’équilibre devient calcifiante si elle est portée à une température plus élevée. Il y a avantage à ajuster le pH d’équilibre par addition de chaux à une valeur aussi élevée que possible pour éviter que l’eau ne devienne trop entartrante lorsqu’elle est chauffée (ROSSET et al. (1993)) in WALHA (1999).

On montre aussi facilement que le point M1 figuratif d’une eau agressive dans laquelle on dissout le carbonate de calcium se déplace sur une droite de pente 1 jusqu’à atteindre éventuellement la courbe C lorsque l’équilibre est atteint. De même pour une eau sursaturée, le point figuratif M2 se déplace sur une droite de pente 1 lorsque le carbonate de calcium se dépose (Figure 7).

Figure 6: Points représentatifs d’une eau en équilibre calcocarbonique dans le diagramme de Legrand et Poirier.

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Figure 7: Déplacement du point figuratif d’une eau agressive dissolvant du carbonate de calcium ou d’une eau calcifiante déposant du carbonate de calcium dans la représentation de

LEGRAND et POIRIER. I.2.3. Cinétique de formation du précipité de CaCO3 :

La précipitation du carbonate de calcium est une précipitation massive spontanée, qui a lieu lorsqu’un coefficient de sursaturation (δ) est atteint par le système. En effet, des conditions thermodynamiques ainsi l’expérience, montrent que la précipitation massive se produise, il est nécessaire que δ atteigne une valeur de l’ordre de 40 (LEDION et al. (1999)).

Comme dans tout phénomène de cristallisation à partir d’une solution sursaturée, le carbonate de calcium se forme en deux étapes successives : la germination et la croissance.

LEDION (2002), a établit un processus d’entartrage en trois étapes : la germination, la déshydratation et la croissance. Le processus commence par l’agglomération d’ions hydratés CO32- et Ca2+ ; ces paires d’ions vont se grouper pour donner un germe possédant une charge électrique. Cette caractéristique lui permet de grossir tout en ayant tendance à se déshydrater de plus en plus en donnant un cristal qui aura sa propre croissance.

Les travaux concernant l’étape de croissance cristalline du CaCO3 sont relativement nombreux (GIROU (1970), HORT et al. (1995), ABDEL-AAL et al. (2002), CHEN et al. (2005)), alors que, ceux concernant l’étape de germination sont beaucoup plus rares (ELFIL et al. (1998), HORT et al. (1995), TLILI (2002)). Ceci est dû, d’une part au fait que les méthodes d’étude utilisées pour ces systèmes ne permettent pas, de séparer les deux étapes des échanges de matière à l’interface solide-liquide. D’autre part, la modélisation mathématique de la germination a été beaucoup moins étudiée que la phase de croissance cristalline.

16 I.2.3.1. La germination(la nucléation):

La germination est le processus de formation des cristaux au sein d’une solution sursaturée. C’est le premier stade de la cristallisation. Les petits cristaux naissants sont appelés germes ou nuclei et peuvent croître. Selon LEROY (1994), La germination consiste en l’apparition d’une phase solide stable dans une solution qui en était initialement dépourvue. Les germes ainsi formés vont croître par dépôts successifs d’ions calcium et d’ions bicarbonates, c’est la croissance.

La germination est classée en deux catégories, la germination, qui peut être homogène ou hétérogène.

I.2.3.1.1. La germination homogène:

Dans ce type de germination, les cristaux vont se former de façons spontanées dans la solution sursaturée. Les molécules en solution vont donc s'agglomérer pour former un premier monomère, un dimère, un trimère, jusqu'à l'obtention d'une taille suffisante pour être considérée comme un germe cristallin.

La création d’une phase solide au sein d’une phase liquide est un phénomène qui nécessite de l’énergie, donc la formation d'un germe cristallin implique une énergie libre de Gibbs (AG), la variation de l’énergie libre, ΔG, pour former un nouvel germe de rayon r correspond à la somme de l'énergie libre, liée à la formation du volume d’une nouvelle particule, ΔGV et de l’énergie libre nécessaire pour la construction de la nouvelle surface, ΔGS. (FERREUX et al.

(1994), ST-JEAN (2011), CHAO (2013)):

où l’énergie ΔGS peut être calculée selon :

et l’énergie ΔGV peut être calculée selon :

où Rg est la constante des gaz parfaits, T est la température absolue, r le rayon d'un germe cristallin s'il est considéré comme une sphère et ῳ est la tension superficielle de l’interface entre le germe du carbonate de calcium et l’eau et δ est le degré de sursaturation. L’équation Eq. I-10 peut alors être écrite selon :

∆G = ∆Gv + ∆Gs Eq. I-10

∆Gs = 4 ᴨ r2

ῳ Eq. I-11

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D’après la (Figure 8), qui présente l’évolution de l’énergie d’activation de germination (∆G) en fonction du rayon du germe. ΔGV et ΔGS augmentent en valeur absolue au fur et à mesure que la taille du germe s’accroît. Il existe un rayon critique rc qui correspond à un maximum d’énergie d’activation de germination (∆G).

L’expression de ce maximum s’écrit :

Le rayon critique rcritique représente la taille minimale d’un germe stable du carbonate de calcium dans une solution:

δ Si r < rcritique, le germe est instable et tend à disparaître (va se redissoudre). Si r > rcritique, le germe se développe (tend à grossir) et donne un cristal.

L’énergie nécessaire pour la formation d’une particule de rayon critique rcritique a pour expression :

∆Gcrit est donc une barrière énergétique à franchir pour donner naissance aux nouveaux

germes qui vont devenir des cristaux.

A partir de l’équation I-16, il a été montré que l’énergie libre de formation pour la formation d’un germe de rayon rcritique diminue lorsque la sursaturation augmente. De même, plus la sursaturation est grande, plus le rayon critique d’un germe qui doit croître est petit. La germination est donc d’autant plus aisée que la sursaturation est importante. Une augmentation de la sursaturation favorise l’apparition des germes dans la solution.

∆G = - 4/3 ᴨ r3

RgT/2 (lnδ) + 4ᴨ r2

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Figure 8 : Energie d’activation de germination (∆G) en fonction du rayon du germe (ST-JEAN, 2011).

I.2.3.1.2. La germination hétérogène:

La germination est dite hétérogène quand les germes se forment plutôt sur un support ou sur une substance de nature différente de celle du germe (particules étrangères) ou d’un solide en suspension. Ces particules ou corps étrangers vont alors être des sites de nucléation préférentiels pour la formation de germes de CaCO3 cristallins. La formation du germe sur une particule étrangère implique trois énergies interfaciales : ῳgl entre le germe et le liquide, ῳsl entre le substrat et le liquide et ῳsg entre le substrat et le germe. La (Figure, 9) représente ces trois énergies interfaciales. En effet, les germes formés sur des surfaces n'ont plus la forme de sphères complètes mais de calottes sphériques avec un angle de raccordement (θ) comme le montre la (Figure, 9).

Pour un germe de carbonate de calcium ayant la forme d’une calotte sphérique en contact avec l’eau, formé à la surface du corps étranger, (Figure 9), la condition d’équilibre des tensions superficielles peut être écrite selon l’équation (I-17):

sl= gs + gl cos θ La valeur de l'énergie critique nécessaire pour la formation d’un germe de rayon critique en forme de calotte est donnée par l'équation (Eq. I-18).

∆Gcrit ∆G

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Une comparaison entre l’équation Eq. I-178 et l’équation Eq. I-16 montre que, l’énergie nécessaire pour la formation d’un germe d’un rayon critique donné par germination hétérogène est plus faible que celle obtenue par germination homogène car le facteur angulaire f(θ) est inférieur à 1.

Figure 9: Représentation du germe sous forme de calotte formée sur une surface de rayon r et d’angle de raccordement θ (ST-JEAN, 2011).