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ANALYSE EPISTEMOLOGIQUE DU DISCOURS ETHIQUE DANS LES SCIENCES ECONOMIQUE ET FINANCIERE ETHIQUE DANS LES SCIENCES ECONOMIQUE ET FINANCIERE

PARTIE 1 : ANALYSE EPISTEMOLOGIQUE DU DISCOURS

ETHIQUE DANS LES SCIENCES ECONOMIQUE ET FINANCIERE

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INTRODUCTION DE LA PARTIE 1

Quel est le lien historique entre le discours éthique et le développement de l’économie puis de la finance en tant que science ? Pourquoi assiste-t-on à une réapparition des questionnements moraux en finance ? Les théories qui constituent le fondement de ces disciplines sont-elles neutres du point de vue éthique ? Autant de questions qui restent à ce jour peu explorées dans le cadre des travaux relatifs à la finance éthique. Cette première partie se propose donc d’analyser sur un plan historique l’évolution de discours économique et financier à travers le prisme spécifique du référentiel éthique. Ainsi, plutôt qu’une revue de la littérature positionnant nos travaux de recherche par rapport aux travaux existants, notre choix d’aborder cette thématique à travers une analyse épistémologique a pour objectif de situer nos travaux dans une perspective théorique plus globale, celle du rôle de la référence normative dans les développements théoriques qui ont permis à la finance d’abord de prétendre, à la manière de la physique, être capable de modéliser les relations entre acteurs et objets sur les marchés, avant d’intégrer la complexité de ces relations et leur dimension socio-psychologique. Il s’agira pour nous de pousser la réflexion sur l’éthique financière en examinant les articulations épistémologiques qui permettent à la finance professionnelle moderne de demeurer imperméable à la critique éthique.

Afin d’appréhender cette première partie, il convient tout d’abord de situer le rôle et l’importance de l’analyse épistémologique en finance. Dans la sphère financière comme dans tout autre champ d’observation, il existe diverses manières d’appréhender le réel, de prendre en compte la rationalité des acteurs ou encore de reconnaître leur part de subjectivité, de représenter la relation objet/sujet, de s’accorder sur les critères de démarcation de la connaissance scientifique. La manière dont la théorie financière classique appréhende le réel est donc liée au paradigme épistémologique sur lequel elle se fonde. Pour Wacheux (1996) « la discussion épistémologique se concrétise par une prise de position pour l’un des quatre grands paradigmes principaux » qui sont le positivisme, la sociologie compréhensive, le constructivisme et le fonctionnalisme. La caractéristique fondamentale du positivisme, tel que le définit Comte (1830) est « de regarder tous les phénomènes comme assujettis à des lois naturelles invariables dont la découverte précise et la réduction au moindre nombre possible sont les buts de tous nos efforts ». De son coté Le Moigne a cherché à définir le constructivisme en utilisant une parabole: « ne postulant plus la réalité de la réalité mais

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la perfection de la superposition de ce réel et du modèle de ce réel. En revanche, nous saurons reconnaître l’adéquation des modèles de notre expérience du monde avec cette expérience. Ainsi, la clé qui ouvre la serrure : elle nous convient parce qu’elle s’accorde avec notre expérience de la serrure. Mais elle ne nous dit rien sur la réalité de cette serrure elle même, pas même que cette clé soit la seule bonne clé et moins encore la vraie clé ». (Le

Moigne, 1990, p.106). Nous pouvons sans trop de risque avancer que la naissance, durant les années 1950-60, d’une théorie financière essentiellement fondée sur la modélisation mathématique, se positionne, sur le plan épistémologique, aux confins de ces deux paradigmes. Cette théorie financière est confrontée depuis quelques décennies à des remises en question fréquentes de sa posture épistémologique avec comme toile de fond la question de la place de l’éthique.

Dans un premier temps, le premier chapitre de cette partie va s’attacher à réexaminer historiquement l’évolution du discours économique à travers son tiraillement entre normativisme et positivisme. Le second chapitre aura pour objectif de décortiquer le rôle du référentiel éthique dans le façonnement des théories financières classiques. Les conclusions apportées par ces deux premiers chapitres doivent nous permettre d’élucider les rôles implicites et explicites du référentiel éthique dans le processus décisionnel financier actuel afin de fournir une base théorique à l’étude des formes actuelles de finance éthique.

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CHAPITRE 1 - Ethique et économie, d’un divorce forcé à un remariage de

raison

Introduction générale

PARTIE 1

ANALYSE EPISTEMOLOGIQUE DU DISCOURS ETHIQUE DANS LES

SCIENCES ECONOMIQUE ET FINANCIERE

Ethique et économie, d’un divorce forcé à un remariage de raison

Limites théoriques de la « science » financière moderne : épistémologie d’une contre-éthique

PARTIE 3

EXPLORATION EMPIRIQUE ET COMPARATIVE DE L’INVESTISSEMENT

SOCIALEMENT RESPONSABLE ET DE L’INVESTISSEMENT ISLAMIQUE

Le profil financier et social des indices ISR et islamique

An empirical investigation of the link between Shariah compliance and social performance

PARTIE 2 FORMES ET ENJEUX DE L’INVESTISSEMENT ETHIQUE : LE CAS DE L’INVESTISSEMENT SOCIALEMENT

RESPONSABLE ET DE L’INVESTISSEMENT ISLAMIQUE

L’Investissement Socialement Responsable

L’Investissement Islamique

Introducing SRI criteria into Islamic portfolios

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1. Introduction

Dans le déroulé qui suit, nous avons opté pour une lecture singulière de la question éthique dans la théorie économique. Elle a pour objectif du justifier théoriquement les potentielles contradictions qu’il existe aujourd’hui dans la définition et les formulations pratiques de l’éthique dans le paysage économique actuel. Ainsi, cette relecture historique permettra de décortiquer les origines d’une révolution dans la pensée économique qui a vu l’émergence d’une analyse économique devenant une science à part entière. Cette nouvelle forme d’analyse économique que l’on pourrait définir comme « sécularisée » s’est construite en opposition avec les conceptions normatives traditionnelles de la pensée économique antique puis médiévale au profit d’une approche positive issue, prétendait-on, de l’observation scientifique des « réalités » économiques. Celle-ci deviendra plus tard la pensée dominante qui formera le socle théorique au capitalisme néolibérale. L’utilisation du terme « sécularisée » dans notre référence à la discipline économique contemporaine cherche précisément à resituer l’émergence de ce nouvel élan, qui constitua le point de départ de la « science économique », dans un contexte historique emprunt de sceptissisme vis-à-vis de la pensée cléricale traditionnelle et d’une approche empiriste de la pensée scientifique qui expliquera le rejet par certains de l’influence d’un dogmatisme moral dans le discours économique (Dermange, 2003). Cette révolution dans l’histoire de la pensée scientifique permet de comprendre l’origine de cette dilution du discours normatif dans l’analyse économique, et sa réapparition au sein de divers courant alternatifs (Micro-finance, finance Islamique, Economie Sociale et Solidaire, etc..).

Le mot « éthique » est emprunté, par l'intermédiaire du terme latin ethica, de même sens, du grec êthikos, « qui concerne les mœurs, la moral ». Le dictionnaire de l’Académie Française18 définit l’éthique comme une « réflexion relative aux conduites humaines et aux valeurs qui les

fondent, menée en vue d'établir une doctrine, une science de la morale ». Cette notion renvoie

aux principes et aux normes fixées en termes de conduite, elle est orienté vers la régulation d’une action et vise à la rendre plus juste et plus conforme aux principes moraux. Le concept anglo-saxon « ethics » est plus englobant et regroupe à la fois l’éthique et la morale (Jobard, 1992). Au-delà de la différence qu’il existe entre l’origine grecque de l’éthique et l’origine latine de la morale, les deux termes sont souvent regroupés sous un même concept par

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26 certains chercheurs (Guéranger, 2009). Au contraire certains les distinguent formellement et considèrent que la morale revêt un caractère général et absolu alors que l’éthique est plus individuelle et relative. Certains philosophes contemporains (Ricœur, 1995 ; Misrahi, 1997) définissent la morale comme un ensemble de devoirs (impératifs catégoriques qui commandent de faire « Le Bien » posé comme valeur absolue) et l’éthique comme la réalisation raisonnable des besoins individuels (tendance naturelle à chercher le bon en tant que valeur relative).

Si, aujourd’hui, les questionnements sur l’éthique sont de plus en plus audibles et constituent un pan de la recherche de plus en plus exploité, il n’en reste pas moins que cette question n’est pas nouvelle dans la pensée économique. Ce type de réflexion est pratiquement indissociable de l’histoire même de la pensée économique bien qu’elle fût pratiquement exclue de la constitution de celle-ci comme science. Retracer la place de l’éthique dans l’histoire de la pensée économique, c’est mettre en perspective le cadre cognitif dans lequel les économistes ont pensé celle-ci. On peut observer, durant l’émergence de la « science économique » au cours des 17ème et 18ème siècles, une séparation très nette entre la revendication de scientificité de l’économie et ses finalités morales. La dissociation entre ces deux éléments est le résultat d’un certain nombre d’évolutions, de tournants auxquels les différents courants précurseurs de l’économie moderne ont chacun à leur manière contribué. La première phase de cette révolution a été de revendiquer la poursuite du bonheur, au sein matériel, comme unique objectif de l’activité économique au détriment du salut moral (trop subjectif). Par la suite, ce transfert d’objectif s’est imposé dans les esprits par le simple fait que le bonheur pouvait être penser comme une réalité du monde temporel. En outre, la pensée économique s’est constituée de telle manière que le libéralisme a été très vite associé aux « lois naturelles » de l’économie garantissant l’enrichissement de chacun. La troisième phase a consisté à associer l’enrichissement de chacun au bonheur collectif. Ces trois phases ont été tour à tour conduites par les courants précurseurs et fondateurs de l’économie que sont le mercantilisme, la physiocratie et l’école classique. Cette évolution de la pensée économique a contribué à défaire les liens originels liant la doctrine morale de source religieuse et l’analyse économique. L’économie contemporaine s’est alors retrouvé au cœur d’un paradoxe puisqu’elle a, à la fois, mis au centre de sa réflexion les questions de bien-être collectif, d’interdépendance des préférences, d’altruisme et de justice sociale, en négligeant leurs implicactions normatives et légales.

27 Il s’agit de retracer ici de manière très brève les différentes évolutions de la pensée qui ont conduit à l’élimination puis à la réintroduction du logos éthique et moral au sein de la science économique. Comme le suggère Piettre (1973, p. 2) « relier les phases successives de la pensée économique aux mœurs intellectuelles et sociales de leur temps » nous aidera à mieux situer l’attitude de certains penseurs face à la question éthique.

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2. Ethique et pensée économique classique : un divorce non-consommé

2.1. L’ère de la philosophie économique

Jusqu’au 16ème siècle, la pensée économique se présente plus comme un forme particulière de philosophie politique plutôt que comme une description de la « réalité économique ». Ceci se démontre par le fait que depuis l’Antiquité jusqu’au Moyen-âge la réflexion économique ne constituait pas un domaine réservé et cloisonné. Les penseurs, philosophes ou religieux comme Platon, Aristote ou saint Thomas d’Aquin traitaient de questions économiques sans que l’on puisse véritablement parler d’analyse scientifique. Dans leurs réflexions, le point de vue adopté est d’abord moral et normatif, les conceptions économiques d'alors dénoncent la chrématistique, l'accumulation des richesses et le prêt à intérêt. L'activité économique est considérée par les scolastiques comme un jeu statique, à somme nulle, dans lequel ce qui est gagné par l'un, est obtenu aux dépens de l'autre. Jusqu’à l’avènement de la Renaissance, l’économie n’est pas considérée comme une discipline autonome. Cette absence d’analyse spécifique et positive s’explique tant par le faible développement des échanges ou la représentation négative du travail dans l’Europe médiévale qui est longtemps apparu comme non-noble et réservé aux couches les plus basses de la société. De ce point de vue, le 16ème siècle constitue une époque charnière. Ainsi, jusqu'au Moyen Âge, les questions économiques sont traitées sous l'angle de la religion et les théologiens sont les principaux penseurs des questions économiques.

Le 16ème siècle va en effet voir le développement des échanges maritimes transatlantiques et la naissance des premiers entrepreneurs capitalistes et des riches marchands. Parallèlement à cette évolution du paysage économique, la Renaissance est également marquée par un progrès de la connaissance scientifique, du rationalisme et de l’individualisme. Du point de vue politique, les États, dirigés par des monarques au pouvoir absolu, et les sociétés s’émancipent de plus en plus de l’influence de l’Église. Pour asseoir leur puissance, les monarques ont besoin de ressources. Il y a donc convergence entre le développement de l’économie, la richesse des marchands et la puissance de l’État19. Dès lors, l’analyse économique devient l’une des missions des conseillers royaux. Un intérêt plus grand est porté aux questions de commerce, de monnaie et surtout, au même titre que les questions politiques. C’est tout

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Ainsi en 1513, Machiavel, dans son essai intitulé le Prince, ne craint pas d'expliquer que « dans un

29 l’objet de la pensée mercantiliste qui sanctionnera les prémisses d’une analyse économique sécularisée dans lequel l’intérêt de la nation passe avant tout jugement moral (Laval, 2007). Plus tard très critiqué par Adam Smith, le mercantilisme se présentait comme un ensemble de réflexions et de politiques économiques développées entre le 16ème et le milieu du 18ème siècle par des philosophes, des hommes d’affaires, et des pamphlétaires tel que Jean Bodin20 (1530-1596), Antoine de Montchrestien21 (1575-1621), ou encore John Locke22 (1632-1704). La pensée mercantiliste se cristallise autour de l’objectif « d’une balance commerciale excédentaire » indispensable à la puissance des États qui repose sur l’or et la collecte de l’impôt (Blaug et al., 1981). Avec les mercantilistes, la pensée économique commence à faire l’objet d’une réflexion autonome à laquelle on fixe l’objectif d’améliorer le sort et la puissance de l’État.

La pensée physiocrate de la deuxième moitié du 18ème siècle marque une avancée supplémentaire dans la relation entre l’enrichissement et le libéralisme. Durant cette période, la question de l’administration économique du royaume fait l’objet d’âpres discussions en France. Les écrits de François Quesnay (1694-1774), et notamment ses premières représentations macroéconomiques, en font un auteur majeur en matière d’économie politique (Piettre, 1973). Il contribue à l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert avec des entrées concernant l’administration économique du royaume comme « Fermiers », « Grains », « Homme », ou encore « Intérêt de l’argent ». Dans ces travaux, Quesnay analyse la politique économique d’une nation qui cherche à accroitre sa richesse, l’objectif étant toujours de faciliter la levée d’impôts et d’accroitre la puissance militaire. Il se positionne comme un fervent défenseur de la liberté en matière économique qui est selon lui la meilleure manière d’accroitre la richesse de la nation. Ainsi, la contribution majeure de la physiocratie23 est l’idée que l’économie repose sur un ordre naturel et qu’il faut laisser jouer cet ordre et ne pas

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Juriste de formation, avocat, puis magistrat il s’intéresse à l’histoire, à la philosophie et aux questions économiques. Il a écrit en particulier Les Six Livres de la république (1576)

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Un des pères de l’économie politique, auteur dramatique et économiste, dont on retient le Traité d’économie politique (1615)

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Philosophe anglais et un des principaux précurseurs des Lumières. Il donne une grande importance au commerce extérieur et initie la théorie quantitative de la monnaie. Connu pour ses Considérations sur les conséquences de l’abaissement de l’intérêt et de l’élévation de la valeur de la monnaie(1691), il a un « pied dans le monde classique », écrira à son propos J. M. Keynes

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Le terme de physiocratie signifie « gouvernement de la nature » (qui tient son origine de physis qui signifie nature et kratos, puissance)

30 intervenir dans l’économie. Cette croyance se cristallise autour d’une injonction qui deviendra célèbre « Laissez-faire, laissez-passer »24.

La révolution qu’a subit la pensée économique devenue science économique marque la fin d’une conception morale de l’activité économique, illustrée par les scolastiques, et le passage vers un discours économique prétendument détaché de toute légitimation philosophique et idéologique, érigé comme « la science naturelle de l’enrichissement ». L’unique questionnement en matière d’équilibre social se résume à définir les termes de la coordination des intérêts privés. La science mécanique newtonienne aux origines de la physique devient le seul mode de reflexion garant de neutralité (Laval, 2007). Ce divorce assumé entre normativité et scientificité constituera le principal ancrage doctrinal de la théorie économique classique qui naitra quelques temps après.

C’est donc la naissance de l’école classique, dès la fin du 18ème siècle, qui finira par émanciper l’analyse économique de toute influence ecclésiastique. Cette époque fût en effet caractérisé par un anticléricalisme féroce à l’image de certains penseurs des Lumières tel que Voltaire. On délimite souvent l’école classique en deux périodes phares qui ont vu l’émergence des pères de l’école classique25:1776, avec La Richesse des nations d’Adam Smith et 1848, avec Les Principes d’économie politique de John Stuart Mill. Ce qui nous intéresse alors, c’est de comprendre d’une part, comment les convergences intellectuelles qui existent entre les auteurs de l’école classique contribuent à formaliser le lien entre économie, libéralisme, utilitarisme, et d’autre part, comment, en négligeant certains aspects de leur travaux, l’école classique a renforcé le processus de « sécularisation » de l’économie faisant d’elle une « science naturelle » à part entière. Les développements de la révolution industrielle vont contribué à formater les thèses développées par les théoriciens classiques en limitant leurs réflexions à la seule question des conditions d’une croissance dans une économie marchande et capitaliste. Dans le prolongement des mercantilistes et des physiocrates, les classiques vont, à partir d’une définition matérielle de la richesse, proposer un cadre d’analyse de l’accumulation du capital tout en relayant la question (plus normative) de sa répartition à un plan secondaire. Conscient du caractère non scientifique de la croyance des physiocrates en un « ordre naturel » efficient, l’innovation des classiques va reposer sur la

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Expression que l’on attribue au marquis de Gournay, Vincent (1712-1759), négociant international qui deviendra Intendant au commerce en 1751.

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Qui regroupe entre autre des penseurs assez différents tels qu’Adam Smith (1723-1790), David Ricardo (1772-1823), Robert Malthus (1766-1834), Jean-Baptiste Say (1767-1832) et John Stuart Mill (1806-1873).

31 légitimation du libéralisme à partir d’une hypothèse utilitariste26 et par la mise en évidence de l’efficacité de la concurrence comme un des instruments de régulation. L’idée d’un « ordre naturel » autoréguler et efficient est une croyance, injustement attribuée à l’analyse scientifique des classiques, alors qu’elle leur est antérieure. Ainsi, comme l’indiquent Dardot et Laval (2007), la « conception naturaliste du marché » est injustement associée à l’école classique. En effet, les auteurs retrouvent dans la thèse de Bentham, l’idée d’un « interventionisme étatique » garant du bon focntionnement du marché. On comprend dès lors que loin de voir le marché comme un état de la nature dans lequel toute régulation exogène serait contrenature et innéfficace, les pères fondateurs de l’école classique reconnaissaient la nécéssité d’un marché régulé27. La pensée des classiques qui se veut positive et scientifique va donc se façonner à partir d’énoncés qui, bien qu’ils ne soient pas le fruit d’une justitifaction morale, n’en sont pas moins normatifs.

2.2. Les fondements moraux de la pénsée économique chez Smith

Adam Smith était un philosophe qui s’interrogeait, dès 175928, sur le rôle de la morale dans l’harmonie des sociétés. Selon lui, une société ne peut fonctionner simplement avec des attitudes et attentions moralement désirables. Celle-ci repose sur les comportements égoïstes des hommes, ainsi que sur le jugement moral – la sympathie – que chacun peut porter sur autrui. Dans Theory of moral sentiments (1759), la description psychologique de la

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