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La multiplication des défaillances au sein des marchés financiers ont mis à jour le rôle fondamental des théories financières modernes dans le façonnement des pratiques à l’origine de ces défaillances. A l’aune des critiques sur l’irrationalité et l’immoralité de certaines pratiques financières, des chercheurs affirment que l’éthique appliquée au champ de la finance ne peut se limiter au respect d’un code déontologique mais doit inclure la prise en compte de l’impact des outils de gestion, en particulier ceux qui contiennent une représentation du risque (Walter, 2012). S’interroger sur l’importance de la théorie financière moderne dans le façonnement des pratiques financières revient à mettre à jour la performativité de la théorie financière. Elle suggère que les acteurs du système financier sont encastrés cognitivement dans des théories irréalistes, mais qui prennent d’autant plus d’importance qu’elles prétendent résoudre les problèmes de l’entreprise par le calcul (Gond et Igalens, 2010). Ce constat permet de souligner le rôle sociopolitique déterminant de la théorie financière dans la construction de la réalité sociale. Par exemple, l’utilisation de l’Economic Value Added (EVA) comme critère de sélection des investissements par les gestionnaires de portefeuille assigne au management de l’entreprise l’unique mission de maximiser l’écart entre le profit réalisé et celui exigé par les bailleurs de fonds (créditeurs et actionnaires). Il s’agit d’une modification substantielle de la notion de rentabilité financière qui révèle une modification de l’éthique qui s’y rattache: la viabilité de l’entreprise n’est plus mesurée par la capacité d’autofinancement (CAF), traditionnellement fournie par la comptabilité ; mais par un

sur-profit, qu’il s’agit de maximiser dans le court terme, si nécessaire au détriment de l’intérêt des

autres parties prenantes. D’un point de vue éthique ce changement d’outil de mesure de la viabilité d’une entreprise transforme le rôle social de l’entreprise en tant que source de création de richesse partagée. Véritable machinerie de la finance professionnelle, Walter (2012) note que les outils de gestion transportant une représentation du risque et de sa rémunération ont un impact à la fois organisationnel (les procédures de contrôle), institutionnel (les normes de régulation internationale), technique (les méthodes d’évaluation et de sélection), et cognitif (les manières de penser l’incertitude pour s’en prémunir). Le modelage des activités financières par les instruments techniques et mentaux est appelé « performation » du système financier. Selon Walter, « il est de première importance de mieux comprendre le rôle joué par la performation dans la crise financière de 2007-2008 pour

80 que l’éthique de la finance puisse entrer dans les techniques qui façonnent le monde financier » (Walter, 2012).

La plupart des analyses de la crise financière ont ciblé la responsabilité des acteurs. Le rapport de la commission d’enquête créée en 2009 par le Congrès américain pour analyser les causes de la crise financière va dans ce sens. Ce dernier conclut que « la crise a été le résultat d’actions ou d’inactions humaines, pas celui de […] modèles informatiques qui ont déraillé ». Cette conclusion, outre qu’elle réduit les méthodes de gestion à des modèles informatiques, ignore totalement une réalité fondamentale: la gestion financière se base sur des pratiques professionnelles instrumentées, c’est-à-dire équipées par des outillages techniques et mentaux dont l’articulation est supposée rationnelle (Chiapello et Gilbert, 2009). Ces instruments variés formalisent de manière concrète l’action des praticiens, au point que la relation entre la gestion effective, les outils de gestion et les gestionnaires qui les utilisent a été qualifiée de « technique de gestion » (Gilbert, 1998). De nombreuses études ont démontré qu’il existe une véritable emprise des outils de gestion sur les comportements et les principes de normalisation organisationnelle (Berrebi-Hoffmann et Boussard, 2005). Même si l’on privilégie des analyses d’ordre déontologique dans lesquelles la volonté, le pouvoir ou le commandement seraient pervertis par la cupidité et l’avidité (la gestion étant d’abord une affaire de personnes), il n’en reste pas moins que ces décideurs « pervertis » sont aussi équipés par des outillages techniques et mentaux qui automatisent l’action des agents et réduit ainsi leur pouvoir décisionnel. Cette automatisation de la décision financière a été favorisée par la complexification de l’environnement informatif et la prévalence du court-termisme dans l’analyse financière. Les instruments mobilisés dans la gestion, en générale et financière et particulier, constituent un élément décisif de la structuration des situations et de leur évolution. Par conséquent, ils engendrent souvent mécaniquement des choix et des comportements échappant aux prises des volontés des hommes, parfois même à leur conscience et conduisent ainsi les organisations dans des directions difficilement justifiable et les rendent même résistantes aux efforts de réforme. Si l'on affiche aujourd'hui un grand respect pour les lois imposées par la discipline de gestion, on semble souvent ignorer celles imposées par ses instruments. Dans un ouvrage collectif qui a mobilisé plusieurs chercheurs

81 en gestion69 certaines des questions fondamentales relatives aux instruments de gestion ont été examinées (Berry, 1983). Les auteurs de cet ouvrage cherchent à savoir si les instruments de gestion fonctionnent comme de discrets auxiliaires au service du pouvoir décisionnel ou si au contraire ils constituent « des éléments décisifs de la structuration du réel, engendrant des choix et des comportements échappant aux prises des hommes» (Berry, 1983)

3.1. La nécessité de réduire la complexité dans la prise de décision

Les instruments de gestion agissent en réponse à la complexité d’une situation : certaines situations de gestion ont une complexité qui dépasse les capacités d'analyse des hommes. Cette réalité prend un relief particulier dans un environnement d’interactions intenses où l'encombrement du temps des agents et l'urgence des choix insite au recours à des outils et des idées simples, des critères de jugement expéditifs. Une contradiction apparait entre d’un coté la fidélité de la description des phénomènes en cause et de l’autre l’exercice de simplification moins chronophage. Le choix de la simplicité conduit à prendre des raccourcis qui ne sont ni aléatoires ni anodins, ce qui peut aller à l’encontre de l'efficacité des agents et de leur pourvoir d'inflexion sur le déroulement des procédures. Les instruments de gestion induisent aussi des automatismes de décision et de comportement, pouvant dans certains cas se justifier par l’incapacité humaine de traiter toutes ces situations de manière optimale. Cela dit, il y un risque de tomber dans une véritable mécanisation des comportements, les instruments de gestion engendrant des rationalités autonomes, jugées aberrantes de l'extérieur, mais justifiées au niveau organisationnel.

Les instruments de l’analyse financière utilisés dans chacune des strates de la sphère financière se veut spécialisée (entreprises, fonds de placements, institutions bancaires, marchés boursiers). Cette spécialisation répond à une division des rôles issue de la désintermédiation des acteurs financiers. Chaque acteur appartenant à une organisation différente relève de critères différents et disposent d'instruments propres à sa fonction : ces instruments sont les moyens d'une diffusion du risque et d’une division de la vigilance. Cette spécialisation des critères rend parfois impossible l’instauration d’une cohérence globale des décisions financières. Il y a alors une contradiction entre les critères traditionnels du

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Ce groupement de chercheurs affilié au CRG de l’école Polytechnique compte Michel Matheu, Christophe Midler, Jacques Girin, Gérard de Pouvourville, Jean-Pierre Possard, Bertrand Colomb, Paul Mayer, Vincent Degot, Marie-Odile Cabridain, Jean de Kervasdoué, Jacques Sarrazin et Alain Jeunemaître

82 financement, fondés sur la croyance en une logique universelle posée a priori, et la marche effective d'une organisation régie par une juxtaposition de rationalisations locales engagées dans une incessante confrontation. La cohabitation de ces rationalisations divergentes est rendue difficile par la limite informationnelle, les coûts de supervision et l'opacité des pratiques. En conséquence, l’hétérogénéité et le manque de cohérence des mécanismes de rationalisation remettent en cause la pertinence du recours systématique aux procédures automatisées dans la prise de décision financière.

3.2. Complexité des situations de gestion et impératifs de l'action

Dans les organisations complexes, les agents confrontés à des interactions intensives sont amenés à formuler des jugements et des choix en disposant d'une information incomplète et d'une fiabilité limitée ; en outre, la situation d'urgence qui préside souvent à la conduite de l'action, ne leur laisse que très peu de marge de manœuvre. Cette situation les poussent à formuler des opinons et des choix sans avoir le temps de les instruire comme ils le devraient. Les agents se fondent alors sur des abrégés, abrégés dont le choix n'est généralement ni aléatoire, ni anodin (Berry, 1983). Riveline (1991) distingue deux types d’abrégés : les abrégés du vrai et les abrégés du bon.

 Les abrégés du vrai qui se déclinent sous forme de données chiffrées ; on évalue par exemple le niveau de croissance économique d’un état à l'aide de quelques variables clés (PIB, inflation, chômage, solde du commerce extérieur, solde budgétaire) ; on évalue la santé d'une entreprise à travers quelques ratios comptables ; on mesure l’efficacité d’un service hospitalier au nombre d’interventions.

 Les abrégés du bon qui se présentent souvent comme des règles normatives énoncé de façon sentencié ; on annonce par exemple "le déficit budgétaire ne doit pas dépasser 3 % " ; "pour faire face à la concurrence internationale, il faut réduire les coûts de production" ; "un ratio de fond propre ne doit pas être inférieur à 50 %"

La fonction immédiate de ces raccourcis est de réduire la complexité de l’information et donc de gagner du temps: les décideurs demandent sans cesse qu'on leur fournisse des données chiffrées, des idées simples et faciles à appréhender. Le gain de temps que procurent ces

83 raccourcis doit s'analyser selon deux dimensions : d'une part cela permet de se fixer rapidement une opinion sur une situation donnée et d'autre part cela permet de justifier plus facilement ses choix. Puisqu’il n'existe pas de décideur unique et tout puissant et que chacun agent doit rendre compte de ses décisions; le fait que les « contrôleurs » et les « contrôlés » se fondent sur les mêmes grilles d'analyse leur permet d'ajuster plus rapidement leurs points de vue et réduit leurs occasions de divergence.

3.3. La performativité de l’information comptable

Le système comptable constitue la base de toute la production de l’information économique dont disposent les agents économiques. Pour Capron (2006), bien que la loi comptable invite les producteurs de comptes à fournir une «image fidèle » des résultats de l’entreprise, il est dangereux de croire en l’idée d’une « une vérité comptable, fournie par les chiffres, détachée des contingences sociales et de toute arrière-pensée stratégique de la part des dirigeants d’entreprise ». La représentation apportée par un système comptable dépend de principes, de normes, de conventions, de règles évolutives et malléables. Capron (2006) note que quatre grandes catégories d’acteurs interviennent avec des intérêts et des responsabilités divergentes dans la structuration de l’information comptable. Dans un premier temps on peut distinguer ses producteurs et ses utilisateurs. Les producteurs sont essentiellement des mandataires contraints de par leurs obligations légales de « rendre des comptes », autrement dit de fournir à leurs mandants (mais pas uniquement) des informations leur permettant de juger objectivement de la bonne gestion des biens qui leur ont été confiés. Les utilisateurs ou mandataires de ces informations comptables sont biensûr les actionaires (actuels ou à venir), mais ils ne sont pas les seuls. Les éléments de fiabilité et de confiance étant essentiels dans la relation entre producteurs et utilisateurs, le recours à une troisème typologie d’acteurs est essentiel. Les auditeurs (certifiés) apportent, grâce à leur expertise et leur supposée probité, une forme de garantie de « véracité » des comptes présentés. Cette caution apportée par les auditeurs ne suffit pas en elle-même. Elle recquiert en effet, en amont du processus comptable, le travail d’une quatrième catégorie d’acteurs que sont les normalisateurs, chargés d’édicter les principes, les conventions et les règles communes permettant une lisibilité élargie. Ces derniers jouent un rôle charnière car ils permettent de normaliser les évaluations forgées à partir d’estimations, d’anticipations voire de spéculations. Il s’agit alors d’attribuer des valeurs à des opérations ou à des phénomènes et d’induire une manière spécifique

84 d’appréhender l’information comptable, qui en dépit de son caractère factuel peut être sujet à une certaine malléabilité.

Capron (2006, p.119) souligne une situation tout à fait paradoxale relative à l’exigence de transparence et à la nécessité d’une certaine opacité imposée par l’environnement ultra-compétitif de l’économie moderne: « les documents comptables doivent montrer, tout en cachant »70. Ce paradoxe constitue à la fois le dilemme et le « grain à moudre » des concepteurs et des normalisateurs comptables. Ajoutons à cela la nécessité de masquer les rapports sociaux qui peuvent impacter sensiblement la perception des évaluateurs. Cette « schizophrénie » comptable a des effets pervers. Comme le note Capron (2006), les « zones grises » favorisent les manipulations, souvent à la limite du légal71.

La mutation des normes comptables a été exacerbée par la financiarisation de l’économie72. Selon Richard (2005), les normes IFRS généralisent une conception actuarielle de l’évaluation comptable, née aux Etats-Unis dans les années 80. La valeur de rendement a tendance à remplacer la valeur de marché, conduisant à de profonds changements pour la comptabilité française amenée à reconnaitre un bénéfice potentiel sur des actifs immobilisés à long terme non destinés à la vente. Le changement de dénomination des normes elles-mêmes qui passent de « normes comptables » à « normes de reporting financier » témoigne d’un changement plus que symbolique : celle-ci n’est plus au service d’un développement économique fondé sur la production de biens et de services, mais est censée servir l’extrême rapidité et le court-termisme des marchés de capitaux. Ainsi, la comptabilité n’est pas un instrument neutre du point de vue éthique. Comme le souligne Capron « sous les apparences d’une technique – plus ou moins complexe ou ésotérique aux yeux des profanes – la comptabilité est en fait un ensemble de constructions sociales, historiquement datées et génératrices d’effets économiques » (Capron, 2006, p.115).

3.4. L’éthique du « risque nul » en finance

Le risque constituant la première source de régulation qui s’impose à la recherche de la rentabilité maximale, il dessine naturellement les limites du champ décisionnel financier à

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Les coûts de revient sont par exemple un secret jalousement gardé par la comptabilité de gestion

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Les pratiques de manipulations comptables existaient déjà à la fin du 19ème (Lemarchand et Praquin, 2005)

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Capron note par exemple que la détermination de la valeur ajoutée et sa répartition n’est plus possible si la ventilation des charges par fonction venait à se substituer à l’actuelle ventilation des charges par nature (Capron, 2006)

85 travers une pondération des perspectives de gains espérées. Le risque encourru et le profit éspéré sont donc les vases communicants qui garantissent une forme d’autorégulation des échanges financiers. Ils ne peuvent (en théorie) faire l’objet d’une analyse dissociée dans le schéma cognitif des agents.

Deux problèmes nous apparaissent fondamentaux dans la conceptualisation du risque en finance. D’une part, un premier constat lié au développement de l’intermédiation financière et la « déconnexion » entre les marchés financiers et l’économie réelle, nous pousse à intégrer la dissociation de plus en plus marquée entre risque économique et risque financier. En effet les pratiques d’investissement actuelles sont essentiellement façonnées par des modèles probabilistes sensés décrire l’incertitude dans les anticipations exprimées par les agents. Elles ne prétendent aucunement refléter l’incertitude relative à l’éspérance de gain économique effective (Orléan, 1999). Ainsi, on a pu voir le développement, en marge d’une analyse « fondamentale » basée sur l’appréciation de critères de performance économique tangibles, d’une analyse dite «technique » fondée sur des représentations probalististes des anticipations des agents. Ces deux méthodes d’analyses, qui concrétisent l’opposition entre risque économique et risque financier, loin de se nourrir mutuellement, peuvent parfois se réveler contradictoires (Orléan, 1999). Ces modèles probabilistes de represéntation du risque financier ont pris une dimension performative. Leurs utilisateurs ont naturellement tendance à valider ex-post les arguments rhétoriques qui forment leur génome.

Outre la question de sa définition, le second problème relatif à la conceptualisation du risque financier fait référence à son traitement. Dans son article intitulé « l’éthique de la finance après le virus brownien », Walter (2010) présente le virus brownien comme « une maladie de la pensée qui attaque nos conceptions de l’incertitude » mettant ainsi en lumière l’impact des représentations mentales dans le fonctionnement des marchés. Selon lui cette « maladie » pousse les acteurs financiers à croire que les risques sont systématiquement estimables, maitrisables et donc annulables. Bien que l’argument comportemental fournisse une explication tangible de certaines dérives qui ont caractérisées la crise financière de 2007, il ne permet pas d’expliquer la façon dont certains comportements irresponsables des acteurs financiers sont ancrés dans de fausses représentations du risque façonnées de manière instrumentale. Afin d’analyser les causes de tels comportements il est nécessaire de

86 s’intéresser à la croyance en une mesure mathématique du risque (Bourguinat et Briys, 2009; Walter, 2010).

Walter (2010) parle de « carence conceptuelle » lorsqu’il analyse l’attitude naturelle des professionnels devant la mesure et la gestion du risque. Cette carence cognitive aurait éliminée leur appréhension du risque jusqu’à les pousser à croire que le risque n’existait plus. Cette carence conceptuelle met en évidence une défaillance éthique plus profonde qui se traduit par une recherche absolue du risque nulle (Bourguinat et Briys, 2009). Ainsi, le concept de « l’actif sans risque » est devenu un concept prédominant dans la manière dont les analystes actualisent la performance d’un placement financier. Comme en témoignent certains dogmes de la théorie financière tels de la modern portfolio theory ou certaines pratiques récentes telles que la titrisation fractionnée d’actifs ou le recours aux instruments de couverture, la gestion du risque se légitimise selon des principes d’ « évitement » (avoidance), de « dilution » (diversification), ou de « transfert » (transfer) systématique du risque. Ce choix de principe, au détriment d’autres conceptions telles que la mutualisation du risque, illustre le positionnement éthique prévilègié pas les concepteurs de ces outils.

Plus encore, l’éthique du risque apparaît non seulement dans la façon dont les agents considèrent et assument le risque mais également dans la façon dont ils le relient à leur rémunération : le risque de défaut assumé par les créanciers vis-à-vis des débiteurs est lié au caractère contractuel et prédéterminé de la rémunération. Cette solidarité limitée diffère de la solidarité absolue des associés dont la rémunération est résiduelle. L’éthique joue ainsi un rôle clé dans la mise à jour du risque. Vu comme élément permettant de discerner parmi différents critères de décision, « l’éthique n’aurait aucune place dans un monde déterministe parfaitement transparent où l’avenir serait connu avec certitude » (Perrot, 2008, p.119). L’existence d’un futur incertain induit une considération éthique du risque.

3.5. L’hypothèse de marché aléatoire ou la « croyance boursière »

Alors qu’aujourd’hui l’hypothèse d’une marche aléatoire décrivant le comportement des cours boursiers est considérée par beaucoup comme empiriquement justifiée depuis la synthèse de Fama sur l’efficience informationnelle en 1970, certains auteurs ont mis en lumière l’origine historique et morale de cette hypothèse. Pour Walter (2013) , l’hypothèse de marche aléatoire en finance peut être considérée comme issue de la confrontation de trois préoccupations

87 différentes : une préoccupation morale exprimée par Jules Regnault (1834-1894), une préoccupation scientifique qui s’est traduite par les travaux de Louis Bachelier (1870-1946), et une préoccupation financière avec Alfred Cowles (1891-1984). Ces trois préoccupations répondent à des objectifs distincts: celui de la justification éthique de la bourse chez Regnault, celui de sa scientificité chez Bachelier et celui son efficacité professionnelle chez Cowles. Ainsi, selon Jovanovic (2001), le choix de l’hypothèse d’une marche aléatoire résulte d’un « contexte historique particulier, de l’utilisation d’un modèle scientifique, de l’émergence d’un nouvel objet d’étude scientifique et de considérations morales ». Pour ce dernier, le choix de la loi normale répondrait davantage aux préoccupations éthiques de Regnault et du

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