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D iscussion générale

II. Epidémiologie du virus

La mise au point d’un outil moléculaire de détection de l’infection a permis d’étudier la prévalence de LbFV dans les populations naturelles de L. boulardi à l’échelle du quart sud-est de la France. Nous avons mis en évidence des valeurs de prévalence de LbFV très variables selon l’origine géographique des populations : celles les plus au sud présentent d’importants taux d’infection alors que celles les plus au nord échantillonnées à la limite de l’aire de répartition de L. boulardi présentent des prévalences très faibles voir nulles. Il s’agit de la première approche épidémiologique du virus sur la base d’un diagnostic moléculaire de l’infection. Il se pose désormais la question suivante : quels sont les facteurs pouvant

expliquer l’épidémiologie de LbFV ? Nous proposons différentes hypothèses, pas forcément exclusives les unes des autres, différents facteurs pouvant expliquer l’épidémiologie du virus.

Le mode de transmission d’un symbiote est un paramètre majeur pour la compréhension de son maintien et de ses effets dans les populations hôtes. Pour un symbiote à transmission exclusivement verticale, les intérêts des deux partenaires vont s’aligner et tout symbiote induisant un coût sur la fitness de son hôte sera contre-sélectionné (excepté pour les parasites de la reproduction). A l’inverse, pour un symbiote transmis horizontalement, les fitness des deux partenaires tendent à diverger et les symbiotes virulents pourront être sélectionnés, dès que leur virulence augmente leur transmission. La situation est plus complexe pour les symbiotes à transmission mixte (verticale et horizontale).

Dans le système L. boulardi / LbFV, les deux modes de transmission sont présents (Varaldi et al. 2003). Selon les conditions écologiques comme la densité en parasitoïdes et en drosophiles, les opportunités de transmission verticale et horizontale peuvent varier. La transmission verticale va permettre au virus d’établir de nouvelles voies d’infection via le potentiel de la transmission horizontale qui peut avoir lieu entre une larve de parasitoïde infectée et non infectée lors d’un événement de superparasitisme. Il se pose la question des conséquences des deux types de transmission sur la prévalence de LbFV dans les populations de L. boulardi en fonction de l’hétérogénéité environnementale.

Dans les cas d’un faible ratio parasitoïde/hôte (faible compétition pour les larves de drosophiles), les événements de superparasitisme sont faibles et par conséquent, la probabilité pour le virus de se transmettre horizontalement également. Dans ce cas-là, les prévalences de LbFV se maintiennent à un niveau bas. Si le ratio parasitoïde/hôte est fort (forte compétition pour les larves de drosophiles), les événements de superparasitisme vont être plus fréquents, augmentant la probabilité que des transferts horizontaux de particules virales se fassent. Il est par conséquent attendu une forte prévalence de LbFV.

Cette relation entre disponibilité en hôtes drosophiles et efficacité de la transmission des particules virales pourrait expliquer le gradient des prévalences de LbFV obtenu durant le travail de cette thèse. Les populations méditerranéennes présentent de fortes densités en parasitoïdes L. boulardi et la compétition pour les drosophiles est importante (Fleury et al. 2004). En remontant vers le nord, les populations de L. boulardi diminuent en densité (R. Allemand, com. pers.) avec, pour celles échantillonnées à la limite de l’aire de répartition de cette espèce, de petites populations nouvellement établies. Cependant, l’intensité du

superparasitisme mériterait d’être mesurée dans ces populations naturelles de L. boulardi réparties le long de la zone d’étude (zone méditerranéenne jusqu’au nord de Lyon). L.

boulardi étant une espèce dont l’aire de répartition est en progression vers le nord, un suivi

annuel nous permettrait de suivre l’évolution de la prévalence de LbFV en fonction de la remontée de son hôte et de pouvoir confirmer ces scenarii.

Un autre facteur pouvant être impliqué dans l’épidémiologie de LbFV est la température. Ce paramètre est variable entre les différentes localités où les populations de L.

boulardi ont été échantillonnées dans le but de mesurer la prévalence de LbFV. Cette

variabilité suit un gradient nord-sud croissant, tout comme les taux d’infection de LbFV. Il semble qu’une température trop élevée puisse être néfaste aux particules virales comme l’a suggéré l’étude de Varaldi (2003). Lors de l’analyse de la prévalence d’une population de Gotheron durant l’été 2003, il a été observé une brutale disparition du virus au mois d’août sans doute liée à l’exceptionnelle canicule de cette année (l’infection réapparaît ensuite en septembre). A l’inverse, il se pourrait qu’une trop faible température puisse réduire les taux d’infection du virus en agissant négativement sur sa réplication par exemple.

Un autre scénario pouvant expliquer le gradient nord-sud croissant des prévalences de LbFV peut être énoncé. Il est possible que l’invasion des populations de L. boulardi par LbFV soit récente ce qui pourrait expliquer ce gradient. Les populations africaines de L. boulardi auraient pu être infectées par ce virus au contact d’une autre espèce. Les populations de la côte méditerranéenne auraient par la suite été infectées et l’infection remonterait alors progressivement vers le nord. Les prévalences virales observées ne correspondraient donc pas à l’équilibre épidémiologique, l’invasion du virus étant en train de se réaliser. Ce type de scénario a été proposé pour d’autres types de systèmes insecte/virus afin d’expliquer l’invasion de certaines espèces par des infections virales (Carpenter et al. 2007).

Les études épidémiologiques de ce travail de thèse se sont aussi intéressées à la circulation du virus LbFV au sein de la communauté de parasitoïdes de drosophiles. L’efficacité de la transmission horizontale étant avérée au niveau intraspécifique et la compétition pour les hôtes entre L. boulardi et L. heterotoma pouvant être forte (événements de multiparasitisme probables), il se posait la question du transfert de LbFV de L. boulardi vers L. heterotoma. Nous n’avons pas mis en évidence la présence du virus chez L.

L. boulardi et L. heterotoma lors d’un événement de multiparasitisme. Il semble donc que

cette espèce soit réfractaire à l’infection (Patot et al. en préparation). Ce point est à compléter dans l’avenir en élargissant l’étude du spectre d’hôte du virus aux autres parasitoïdes en compétition avec L. boulardi (Asobara tabida ou l’hyperparasitoïde facultatif

Pachycrepoideus dubius). A partir de l’analyse d’une population naturelle, l’hôte D. melanogaster non plus ne semble pas infecté par LbFV (Patot et al. 2009).

LbFV semble être spécifique à L. boulardi et atteint de fortes prévalences dans certaines populations de cette espèce de parasitoïdes. Il se pose alors la question des conséquences de l’infection virale sur la structure des communautés de parasitoïdes de drosophiles.