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83Entretien avec Saif

Dans le document Habiter le camp de réfugiés (Page 84-87)

Entretien avec Saif, réfugié afghan, effectué le 22/04/2017 en polonais, traduit par mes soins.

Pourquoi avez-vous décidé de quitter l’Afghanistan?

Comme la plupart des réfugiés, je suis parti au moment où les Talibans ont pris du pouvoir. Surtout à cause du fait que j’avais fait mes études en URSS et les Talibans le savaient, j’ai reçu 40 coups de fouet. A cette époque il suffisait d’un rien pour se faire pendre, même juste avoir un ordinateur chez soi. Quand ils sont venus chez nous, ils ont frappé mon frère et moi- même. Ils ont vu que nous avions un ordinateur, donc nous avons tout de suite commencé à parler en pashto. Nous leur avons demandé d’attendre parce que notre ordinateur était musulman... Quand on a allumé notre ordinateur, il y a tout de suite eu des chants de Coran. Donc ils sont repartis cette fois-ci. Mais quelqu’un leur a dit que j’ai étudié à Moscou. J’ai été arrêté, j’étais en prison. Et cela même malgré le fait que nous avions une entreprise avec mon frère d’architecture et de construction et nous avons travaillé pour le bâtiment du ministère de l’Intérieur. Nous n’avons même pas été payé pour cela. C’était très dangereux, j’aurais pu mourir, mais mon frère a payé 40 000 dollars en pot de vin pour me faire libérer. J’ai immédiatement trouvé un passeur pour m’aider de quitter l’Afghanistan.

Je suis allé de Kaboul à Mazar-e-Sharif, puis en Ouzbékistan, puis par la Russie en Europe. Dans la nuit nous marchions 25 km, à travers les bois. On essayait plusieurs fois de traverser la frontière, mais on arrivait pas, il fallait donc repartir et essayer ailleurs. On a enfin réussi. Je suis arrivé en Suède. Le voyage a duré sept mois, mais on a réussi grâce à l’argent que mon frère a payé aux passeurs. Ils ont obtenu 16.000 dollars américains, mais pas tout de suite. Au milieu du parcours une partie a été transférée. Puis quand je suis arrivé en Suède, on a appelé mon frère et ils ont obtenu le reste.

Au cours de ce voyage, il y avait des femmes et des enfants. Pour des gens comme moi, ce n’était pas autant difficile que pour eux. Les enfants ont souvent été étouffés car ils ne devaient pas faire du bruit… C’était avant la grande vague de réfugiés, c’était beaucoup plus dangereux, et ça se passait principalement par la Russie, la Pologne, la République tchèque, en Hongrie. La partie est de l’Europe est la plus dure pour les réfugiés. Peu importe qui tu es, quand on te trouve, on t’arrête, et tu vas pour trois mois en prison. Ensemble avec les criminels. Tout simplement parce que tu ne disposes pas de papier d’identité? Personne n’a ces documents. Et même quand tu décides à demander l’asile, les conditions sont vraiment catastrophiques. Heureusement, il y a de plus en plus de bénévoles qui aident ces personnes là-bas. Mais même malgré le fait que je savais parler russe, je ne voulais plus jamais

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demander l’asile dans ces zones. Ainsi, le pays qui me semblait le plus tolérant, était la Suède.

Qu’est-il arrivé quand tu es arrivé en Suède ?

Quand nous sommes arrivés en Suède (en 2002), ils m’ont laissé dans une des rues à Stockholm et m’ont montré où aller. Je ne connaissais rien. Il se trouve que c’était un centre pour les réfugiés. On m’a dit, cependant, que je dois d’abord aller au bureau de l’immigration et m’inscrire là-bas. On m’a donné une carte avec toutes les directions et tickets de bus, et j’y suis allé. J’ai demandé l’asile. Ensuite, je suis retourné au centre. Là-bas, il y avait des gens du monde entier. Une expérience très intéressante ! J’ai pu rencontrer des gens de la Mongolie, l’Ukraine, le Bélarusse, l’Ouzbékistan, la Libye, l’Iran... de partout. Je partageais ma chambre avec deux gars de la Mongolie et un gars de l’Ukraine.

Il y avait, alors, les problèmes liés à cette diversité culturelle?

Il n’y avait pas de problème majeur. Etant donné que je parlais russe, c’était facile de s’entendre, être de bonne humeur. On était serré. Mais on a eu 3 repas par jour. Avant mon arrivée les gens qui n’avaient pas de papiers d’identité étaient enfermés dans des centres de détention. Mais à mon arrivé, ça n’existait plus.

Le centre dans lequel je me trouvais était temporaire. Ensuite, on nous séparait et envoyait dans les zones peu peuplées de la Suède. On m’a même proposé un appartement avec deux chambres à Kiruna. Mais je ne suis pas allé là-bas, j’ai entendu qu’il y faisait très froid. J’ai rencontré un ami qui avait étudié avec moi en Russie, et il vit à Stockholm. Il m’a aidé, m’a donné sa chambre. L’État suédois était heureux parce que je me suis débrouillé tout seul, et quelqu’un d’autre qui avait plus besoin d’aide que moi pourrait bénéficier de cet appartement.

Ensuite j’ai du beaucoup travailler. Même si j’avais un diplôme universitaire, je ne pouvais pas travailler dans ma profession en raison de manque de connaissance de la langue. Je travaillais où je pouvais, et le soir j’avais les cours de suédois. Cela me fait mal de voir les réfugiés qui pensent que tout leur appartient quand ils viennent ici. J’ai dû apprendre tout seul, je suis allé à l’école ici, je voulais avoir toutes les chances de mon côté. Même si je n’ai pas terminé l’école de la langue, j’ai fait beaucoup de cours techniques. Plus tard, j’ai pu ouvrir ma propre entreprise.

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Oui, nous avons eu des cours intensifs sur la culture, comment se comporter etc. Petit guide pour les étrangers. Je trouve que c’était nécessaire et très important. Apparemment maintenant il n’y est plus. Je suis tombé sur l’un des meilleurs centres apparemment, où il y avait beaucoup de possibilités. Par exemple, on nous posait la question sur la religion, puis chacun avait la nourriture en fonction. Tout le monde recevait 500 couronnes. On nous a demandé si nous avions de l’argent, j’ai dit que j’en avais 50 dollars, et je n’ai pas pu obtenir les couronnes. On se moquait de moi parce que j’étais trop honnête. Les autres avait sur eux des milliers de dollars américains et disaient d’avoir rien.

Il y avait aussi trois cabines téléphoniques, on pouvait appeler nos familles.

Quel était votre lien avec les Suédois ? Comment vous vous êtes senti ?

Quand je vivais au centre, je ne rencontrais pas beaucoup de Suédois, à part les employés. C’était rare de voir le racisme. Il me semble que la plupart des gens sont tolérants. Mais parfois, je le voyais. Par exemple, une entreprise recherchait quelqu’un pour travailler. Quand je l’ai appelé, apparement l’annonce était déjà prise. Puis, un ami suédois l’appelait et on lui disait d’envoyer son CV.

Aujourd’hui, les conditions dans les camps ne sont pas les mêmes qu’ils étaient. Aujourd’hui, il y a beaucoup plus de migrants en Suède. La Pologne compte près de 40 millions de personnes, et elle a eu peur d’accepter 7000. La Suède compte 7.000.000 d’habitant et a acceuilli 40.000 juste des Afghans.

Si les politiciens voulaient vraiment mettre fin à cette guerre, ils auraient pu le faire. Ces groupes de terroristes pour moi sont dirigés par des grandes puissances mondiales. Aider un réfugié en Turquie ou en Jordanie coûte beaucoup moins cher qu’ici en Suède. Si seulement c’était possible de payer directement les populations qui en ont le plus besoin, ça aurait éviter toute la crise. Mais ce n’est jamais le cas. Peut-être 2 pour cent arrivent dans les mains de cette population, mais le reste disparait… C’est malheureux.

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