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Les enseignements des réformes fiscales danoise et allemande : l’importance du contexte conjoncturel

Dans le document Impact sectoriel des allègements de charge (Page 99-103)

La TVA sociale du point de vue de l’efficacité économique : quels enjeux en termes de

3 Les enseignements des réformes fiscales danoise et allemande : l’importance du contexte conjoncturel

Le système danois a clairement arbitré en faveur d’un financement de la protection sociale par l’impôt, les cotisations patronales ayant toujours été faibles ou inexistantes dans ce pays. Ce parti pris a été renouvelé à la fin des années quatre-vingt-dix, ce pays confirmant par ce choix sa préférence pour un impôt sur la dépense plutôt que sur le travail. L’Allemagne, plus récemment, a opté pour un allégement des cotisations sociales financé par une augmentation de TVA. Pour en mesurer les effets, il faut clairement identifier dans chacun des cas les circonstances dans lesquelles ces réformes ont été mises en œuvre.

En effet, chacune de ces réformes s’inscrit dans un contexte conjoncturel et structurel bien particulier qui ne permet pas de préjuger des conséquences macro et micro-économiques qu’induirait la réforme en France. Ces deux cas illustrent le fait que la portée d’une réforme est très largement tributaire des circonstances dans laquelle elle s’inscrit et des

déséquilibres de départ qu’elle vise à corriger. Le moment où la réforme s’inscrit dans le cycle économique est décisif. Elle peut l’amplifier dans un sens ou dans l’autre. Dans le cas danois de 1987, dans un contexte de récession voulu par les autorités publiques, la TVA sociale participe au freinage de la demande interne et vise à court terme à offrir une bouffée d’oxygène sur les marchés extérieurs aux entreprises en manque de débouchés. Dans le cas allemand, cet objectif de compétitivité est absent. Dans les deux cas, l’emploi est clairement la cible de long terme.

La réforme appliquée au Danemark en 1987 n’était en fait qu’un élément mineur d’un ensemble de mesures d’austérité fiscale et budgétaire visant à stabiliser une économie en surchauffe et dont la compétitivité extérieure était menacée. Les éléments principaux de cette cure d’austérité consistaient en un élargissement de l’assiette de l’impôt sur le revenu et des impôts locaux, en parallèle d’un effort de stabilisation des dépenses sociales et d’une restriction de la déductibilité des intérêts d’emprunt qui entretenait une bulle immobilière et alimentaient le surendettement des ménages (annexe).

Dans le train de réformes de 1987, la TVA sociale apparaît avant tout, dans les analyses de l’époque19, comme un moyen d’alléger le coût du

travail dans un souci de compétitivité-coût. Elle ne saurait donc être jugée, à elle seule, décisive dans les modifications de la conjoncture survenues au cours des années suivantes. A contrario, le redressement de la balance des paiements relève plus d’un effet « différentiel de croissance » que d’un effet compétitivité stricto sensu. Entre 1987 et 1988, la chute de la demande interne (graphiques 18 et 19)., souhaitée par le gouvernement, a permis de diminuer les importations et n’a plus laissé que la demande externe pour alimenter la croissance, et ce jusqu’en 1990. La compétitivité prix des exportations danoises s’est en effet améliorée suite à l’introduction de la TVA sociale et à la modération salariale, permettant une reprise des exportations après 1987 et un arrêt de l’érosion des parts de marché danoises. L’inflation s’est transitoirement accélérée pendant les deux premières années de récession (de 1 à 1,5 points) en lien avec un probable élargissement des marges bénéficiaires des entreprises. Le chômage, en hausse en 1987, a continué à s’accroître dans les 5 à 6 années suivantes pour atteindre 12% en 1994.

19 Etude citée ci-dessus, ainsi que Danemark 1989-1990, Etudes économiques de l’OCDE,

Graphique 24 : Contributions de la demande intérieure et des exportations nettes à la croissance du PIB au Danemark

-4 -2 0 2 4 6 8 10 1971 1972 1973 1974 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 Contribution externe Contribution interne C i d PIB Croissance annuelle en % Source : OCDE

Graphique 25 : Inflation, chômage et balance courante au Danemark

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 1971 1972 1973 1974 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 -9,0 -7,0 -5,0 -3,0 -1,0 1,0 3,0 5,0 7,0 9,0

Balance courante, échelle droite Prix à la consommation, échelle gauche

Taux de chômage, échelle gauche

En % En % du PIB

En Allemagne, le gouvernement d’Angela Merkel a fait passer au 1er janvier 2007 le taux de TVA de 16 % à 19 %, en partie pour financer la protection sociale, puisque les cotisations sociales en Allemagne ont été réduites de l'équivalent de 1,2 point de TVA : cette TVA n’était donc majoritairement pas une « TVA sociale ». Par ailleurs, la hausse de TVA ne vient pas en appui du financement d’un régime universel mais de l’assurance chômage. La décision de hausse de la TVA, comme la suppression de nombreux avantages fiscaux et subventions, avaient clairement pour but prioritaire de rétablir durablement l’équilibre des finances publiques dans un contexte de baisse continue, depuis 2000, des recettes fiscales. S’inscrivant dans le prolongement d’un processus de désinflation compétitive / modération salariale engagé depuis plus de 5 ans, la hausse de TVA allemande n’est pas motivée par un souci de compétitivité ; L’enjeu de moyen terme est bien de diminuer la fiscalité sur le travail pour favoriser l’emploi.

Les effets de court terme déjà perceptibles sont :

- Un surcroît d’inflation de l’ordre de 0,9 à 1 point, ce qui signifie que jusqu’ici les entreprises ont non seulement répercuté la baisse de cotisations mais probablement également légèrement diminué leurs marges ;

- Des effets de calendrier assez prononcés, stimulant la consommation de biens durables à la fin de 2006, et provoquant quelques hausses de prix par anticipation. Ces comportements, apparemment marginaux, ont permis à certaines entreprises de ne pas répercuter la hausse de TVA par la suite ;

- Seuls certains secteurs (automobile et distribution notamment) semblent avoir été fragilisés par la mesure à court terme.

Globalement, bien qu’il s’agisse majoritairement d’une simple hausse des prélèvements, la mesure est considérée comme un succès, car elle s’inscrit dans un contexte non prévu d’accélération de la croissance qui permet d’atténuer les effets récessifs de la mesure. Le « bon timing » de la mesure au regard de la conjoncture est avancé comme jouant un rôle décisif dans son succès et sa large acceptation par la population.

Dans le document Impact sectoriel des allègements de charge (Page 99-103)