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Abundance differences between the neutral and the ionized gas of the dwarf galaxy IZw 36

Chapitre 5 Limites de la méthode

6.3 Enrichissement du gaz ionisé

La différence de métallicité entre les phases neutres et ionisées des régions H ii géantes pourrait être une conséquence de l’enrichissement du gaz ionisé par des mé-taux relâchés in situ par les étoiles massives. Ces mémé-taux pourraient provenir de la flambée actuelle (on parlera alors d’auto-enrichissement) ou d’une flambée antérieure ayant eu lieu approximativement au même endroit (on parlera d’enrichissement

addi-tionnel). Kunth & Sargent (1986) ont avancé l’hypothèse de l’auto-enrichissement pour

expliquer la difficulté à trouver des galaxies naines à flambée de formation d’étoiles très peu métalliques. Puisque les abondances chimiques y sont déterminées en utilisant les régions H ii, il pourrait exister un biais dû à une pollution par la formation d’étoiles actuelle. Les auteurs ont ainsi suggéré que les régions H ii de la galaxie naine IZw18 pourraient avoir déjà été enrichies et que la métallicité déterminée grâce aux raies d’émission du gaz ionisé des régions H ii pourrait ne pas être représentative de toute la galaxie. D’autre part, si la flambée d’étoiles dans IZw18 est la première dans l’histoire de la galaxie, il se pourrait que la métallicité mesurée représente une valeur minimale due à l’enrichissement par des étoiles de population III.

La principale différence entre l’auto-enrichissement et l’enrichissement additionnel concerne l’échelle de temps du mélange des éléments lourds dans la phase ionisée. Dans le cadre d’une formation d’étoiles dominée par des courtes flambées séparées par de longues périodes de quasi-inactivité, l’échelle de temps doit être de l’ordre de quelques millions d’années si les métaux sont issus des vents stellaires et des SNe provenant des étoiles de la flambée actuelle, ou de quelques centaines de millions d’années dans le cadre d’un enrichissement additionnel. Dans les deux cas cependant, les α-éléments, produits principalement dans les étoiles massives à faible durée de vie, devraient se mélanger tout d’abord dans le MIS environnant.

L’enrichissement in situ du gaz ionisé des régions H ii explique naturellement la différence d’abondances entre les phases ionisé et neutre. La faible métallicité du gaz neutre environnant dans les galaxies bleues compactes était d’ailleurs une prédiction de Kunth & Sargent (1986). Toutefois, cette hypothèse a été longtemps discutée. Quelques arguments observationnels sont en effet difficilement réconciliables. Notons par exemple que les régions H ii non corrélées dans une même galaxie naine montrent des abon-dances relativement uniformes. Si l’enrichissement in situ était réellement efficace, on attendrait des différences notables de métallicité. D’autre part, une sur-abondance de métaux a été observée en X dans la phase chaude du halo de quelques galaxies à flam-bée de formation d’étoiles. Martin et al. (2002) ont ainsi mesuré une métallicité de

6.3 Enrichissement du gaz ionisé 111

2Z¯ dans NGC1569. Ceci indiquerait que le gaz chaud s’échappant de la région H ii est enrichi. D’autre part, il semble que les α-éléments du gaz chaud du Grand Nuage de Magellan sont surabondants (Dennerl et al. 2001), suggérant que le mélange dans ce cas n’est pas encore complet.

Deux types de modèles tentent d’expliquer le devenir des métaux après avoir été produits dans une région H ii par un super-amas d’étoiles. Les modèles de Tenorio-Tagle (1996) prévoient par exemple que les métaux produits par la flambée actuelle sont piégés dans le halo à l’intérieur d’une superbulle très chaude (T ∼ 106-108 K, voir chapitre 1). La température étant supérieure à la limite de recombinaison, les éléments ne sont pas observables en optique mais restent détectables en X. La phase de refroidissement radiatif interviendrait ensuite et permettrait aux métaux de se condenser sous forme de "gouttelettes moléculaires" et de se disperser sur des échelles de plusieurs kiloparsecs dans la galaxie. Le processus pour parvenir à la dispersion complète et quasiment uniforme dans une région de plusieurs kiloparsecs de rayon durerait au moins 400-600 millions d’années (Legrand et al. 2001). Le mélange n’intervient que lorsque ces gouttelettes sont dissociées au sein d’une région de formation d’étoiles, en particulier dans le gaz ionisé des régions H ii où le champ de radiation est suffisamment intense pour dissocier les molécules et ioniser les espèces, aidé par les chocs dus aux SNe. Dans ce cadre, on pourrait observer une différence d’abondance entre les phases neutre et ionisée des régions H ii. Si nous admettons que toutes les galaxies bleues compactes

− et aussi NGC604 − possèdent une phase neutre sous-abondante, il faudrait alors

admettre également que dans tous ces objets une formation d’étoiles a eu lieu il y a quelques 108 voire 109 ans.

D’un autre côté, les modèles de Recchi et al. (2001) prévoient la formation d’un

vent supergalactique, entraînant les métaux dans le halo puis hors de la galaxie. Ces

modèles ne sont pas forcément discordants avec le principe des superbulles, puisqu’ils supposent des conditions physiques différentes. Selon l’énergie fournie par la flambée d’étoiles massives, soit une superbulle soit un vent supergalactique peut théoriquement se former. L’énergie seuil est cependant toujours débattue. Dans les modèles de vents galactiques, seuls les éléments relâchés dans des échelles de temps longues (en parti-culier N et Fe) seraient éjectés efficacement, profitant que les supernovæ de type II ont déjà "creusé" le plan de la galaxie. Une partie des métaux (principalement les α-éléments) resterait dans la région de formation d’étoiles et se mélangerait rapidement dans le milieu interstellaire (en quelques millions d’années), aidée par un refroidisse-ment conductif. Il n’est cependant pas clair si le mélange a lieu dans le gaz ionisé seul ou s’il peut s’effectuer au moins dans une partie du gaz neutre environnant. Noter que ces résultats concernent le cas d’une flambée unique. Si deux flambées successives ont lieues, les métaux produits lors de la seconde flambée quitteront plus efficacement la galaxie, quelque soit l’échelle de temps avec laquelle ils sont relâchés par les étoiles. Si le mélange a lieu dans le gaz ionisé principalement, une flambée unique pourrait expliquer les valeurs plus faibles de [O/Fe] dans la phase neutre de NGC604 et IZw18 (en prenant en compte l’étude de Aloisi et al. (2003) pour IZw18). Les valeurs de Le-cavelier des Etangs et al. (2004) pour IZw18 peuvent être expliquées en revanche par un mélange efficace dans les phases ionisée et neutre ou par deux flambées successives provoquant l’échappement des métaux produits lors de la deuxième flambée. Pour les autres cibles dont le gaz neutre a été étudié avec FUSE, d’autres raisons doivent être proposées.

112 Discussion

6.4 Photodissociation du H

2

en H i

Les nuages H i sont généralement considérés comme les réservoirs à partir desquels se forment des complexes de haute densité, favorisant la formation d’hydrogène mo-léculaire puis éventuellement la formation des étoiles. Un autre point de vue consiste à considérer les nuages H i comme étant issus de la photodissociation des nuages H2 (Allen 2002a). Dans ce contexte, le matériel formant les étoiles est déjà sous forme moléculaire. La principale différence des deux points de vue est ce que l’on considère comme cause et comme effet. En prenant l’exemple de la "loi de Schmidt", qui sup-pose que la densité surfacique d’étoiles formées par unité de temps (tracée par le flux surfacique en UV lointain) est une puissance de la densité de surface du gaz local1 (tracée par H i), Allen (2002b) inverse le problème. La densité locale de H i serait une conséquence du flux UV. L’explication avancée pour cette corrélation est que plus le flux UV est important, plus l’hydrogène moléculaire est dissocié dans les régions de photodissociation, libérant de l’hydrogène sous forme atomique. Il semble exister suf-fisamment de photons UV lointain pour expliquer la plupart, si ce n’est tout le H i que l’on observe dans les galaxies spirales (Allen 2002a). Cependant cette hypothèse soulève deux points importants : quelle est la quantité de gaz H2 total dans le milieu interstellaire et quelle fraction de H i est d’origine primordiale ? Ce sont des contraintes fortes sur la validité de cette hypothèse, mais elles restent encore sans réponses.

Les observations FUSE des nuages interstellaires de notre Galaxie montrent la pré-sence systématique de H2 associé aux espèces neutres, dont H i. Considérant à nouveau les relations de cause à effet, on peut expliquer cette association par la formation de H2 dans un nuage initial H i suffisamment écranté, ou par un nuage initial H2 se pho-todissociant en H i par l’intermédiaire de photons énergétiques d’étoiles proches, de rayons cosmiques, etc... qui sont suffisants pour dissocier H2 mais pas pour ioniser H i en H ii. Ce dernier point de vue s’accorde bien à notre étude d’abondances chimiques dans la phase H i des régions de formation d’étoiles, puisque le flux en UV lointain dû aux étoiles jeunes y est particulièrement intense. Il se pourrait donc qu’une fraction non négligeable du H i que l’on observe provienne de la photodissociation des nuages moléculaires avoisinant les régions H ii. Dans ce cas, nous devons nous poser la ques-tion de ce que deviennent les composés moléculaires métalliques coexistant avec le H2 dans les régions de photodissociation. Il est probablement plus difficile de casser toutes les liaisons des molécules métalliques que la simple liaison H2. Cette raison pourrait expliquer une détermination des abondances plus faible dans le gaz neutre que dans le gaz ionisé des régions de formation d’étoiles, dû à l’injection de H i dans le gaz neutre sans contrepartie en métaux.

Enfin il est à noter que si de la matière baryonique existe sous forme d’hydrogène moléculaire dans des nuages très denses (109cm−3) comme suggéré par Pfenniger et al. (1994) et Pfenniger & Combes (1994), l’hypothèse de Allen (2002a) pourrait expliquer l’injection de H i primordial dans la phase neutre dans les régions à flambée de forma-tion d’étoiles. Cette matière noire serait distribuée dans des clumps H + He dont la température est ∼ 3 K. Une fraction pourrait se trouver sous forme d’hydrogène solide autour des sites de nucléation. Ces clumps ne devraient pas être capables de contribuer

1La loi originelle concerne la densité volumique d’étoiles formées par unité de temps est une puis-sance à la densité volumique de gaz local (Schmidt 1959). Cependant, la paramétrisation en utilisant les densités surfaciques est aussi utilisée.