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D.1 Introduction

H2 est la molécule la plus abondante de l’univers. On pense que dans l’univers actuel, les molécules H2 se forment essentiellement sur les grains, pour en être ensuite éjectées (voir Hollenbach & Salpeter 1971). Le gaz moléculaire étant le réservoir pour former les étoiles, on s’attend en principe à en observer beaucoup, en particulier dans les galaxies à flambée de formation d’étoiles. Ces galaxies sont en effet parmi les plus efficaces pour former des étoiles à un rythme élevé. Le H2est toutefois difficile à détecter directement. Outre les raies d’émission de l’infrarouge, il faut observer jusque dans l’UV lointain pour le mesurer en absorption (voir paragraphes suivants). Pour cette raison, d’autres molécules telles que CO sont souvent utilisées comme traceurs. Cependant, la relation entre CO et H2 dans les objets de faible métallicité fait encore l’objet d’un débat. En effet, le carbone et l’oxygène y étant relativement déficients (par rapport à la valeur solaire), il est possible que CO n’y trace pas correctement H2.

Les données Copernicus, ORFEUS et récemment FUSE ont montré que H2pouvait être détecté en absorption dans notre Galaxie, même dans des nuages aux faibles densi-tés de colonne de H i (. 1020cm−2). Ce sont des raies rotationnelles-vibrationnelles des bandes Lyman et Werner ; elles tracent le gaz diffus relativement froid (∼ 100-1000 K). Les molécules H2 absorbant des photon de l’UV lointain sont excitées vers un niveau électronique plus élevé. S’en suit une fluorescence vers l’état électronique fondamental par le biais de "cascades" à travers les transitions rotationnelles et vibrationnelles. Les excitations et cascades successives peuplent les niveaux excités rotationnels de l’état fondamental électronique et vibrationnel. Avec FUSE, on observe les raies de H2 dans chaque niveau rotationnel J de l’état vibrationnel fondamental.

H2 est aussi détecté avec FUSE dans les Nuages de Magellan (voir par exemple Friedman et al. 2000 et Shull et al. 2000). Tumlinson et al. (2002) détectent du H2diffus dans 92% des lignes de visée vers les sources brillantes du Petit Nuage de Magellan. Les valeurs typiques de températures rotationnelles mesurées dans la Voie Lactée et les Nuages de Magellan sont 80 − 130 K (Shull et al. 2000), 30 − 400 K (Tumlinson et al. 2002). La température rotationnelle est définie comme :

T01 = ∆E01/k

ln[(g1/g0)N(0)/N(1)] =

171 K

ln[9N(0)/N(1)], (D.1)

162 L’hydrogène moléculaire

et 1, g0et g1sont les poids statistiques. Noter que cette valeur de la température devrait s’identifier à la température cinétique du gaz dans les nuages de haute densité, dans lesquels la population des niveaux est dominée par les collisions. Cependant, H2 n’a pas encore été détecté dans les galaxies bleues compactes (Vidal-Madjar et al. 2000 ; Heckman et al. 2001 ; Thuan et al. 2002; 2005 ; Aloisi et al. 2003 ; Lebouteiller et al. 2004 ; Lecavelier des Etangs et al. 2004). Dans leur échantillon de galaxies à flambée de formation d’étoiles aux métallicité telles que 8.0 < 12 + log (O/H) < 9.3, Hoopes et al. (2004) ne trouvent que des valeurs limites supérieures sur les fractions d’hydrogène moléculaire f (H2) < 10−4, où :

f (H2) = 2N(H2)

[2N(H2) + N(H i)] (D.2)

Ainsi, H2 semble être absent au moins dans quelques objets à formation d’étoiles de l’univers local, même quand CO y est détecté en émission. Il faut noter que FUSE n’échantillonne que le gaz diffus ; les nuages moléculaires denses où CO est présent ne participent pas au spectre d’absorption intégré. Il suffit en effet de très peu de poussières pour éteindre les sources ultraviolettes en arrière-plan. Les valeurs extrêmement faibles de f (H2) sont ainsi certainement dues au fait que la plupart du H2 se trouve dans des nuages denses. D’autre part, quand bien même ces nuages contribueraient au spectre global, il est probable que le facteur de remplissage des nuages moléculaires dans le MIS soit très faible par rapport au nombre de lignes de visée. Un effet de métallicité dans ces régions, dû à une sous-abondance de C et O, accentuerait encore le désaccord entre les quantités de H2 et CO dans les galaxies bleues compactes peu métalliques.

Pourquoi ne détecte-t’on pas non plus de H2 diffus ? Le biais observationnel favo-risant les lignes de visée les plus diffuses pourrait encore en être responsable. Même si les lignes de visée légèrement plus denses ne sont pas complètement éteintes, elles ne participent pas notablement au spectre global. cependant, les valeurs limites supé-rieures de la quantité de H2 vers les régions de formation d’étoiles sont cohérentes avec la relation H2−H i dans le gaz diffus de la Galaxie (Savage et al. 1977). On ne peut

néanmoins pas exclure que H2 soit réellement déficient. Dans les Nuages de Magellan,

f (H2) est par exemple de l’ordre de 10−2 comparé à 10−1 dans la Galaxie, pour des lignes de visée aux rougissements similaires (Tumlinson et al. 2002).

Le manque de H2 dans le gaz diffus des galaxies à flambée de formation d’étoiles par rapport à notre Galaxie peut être expliqué par la formation inhibée du H2 (dû à la faible abondance de grains et à la faible densité volumique de H i) et une destruction efficace (par le rayonnement UV intense des régions de formation d’étoiles). La poussière, quant à elle, est toujours présente car on observe un rougissement pour ces mêmes lignes de visée diffuses (sauf peut-être dans la galaxie bleue compacte IZw18 où la poussière n’a pas encore détectée).

D.2 Détections de H

2

dans des cibles extragalactiques proches

FUSE est désormais l’unique spectroscope permettant d’observer les raies

d’hydro-gène moléculaire en absorption. En utilisant ce télescope, Cannon et al. (2004) ont détecté du H2 dans la galaxie à flambée de formation d’étoiles NGC625. Les niveaux rotationnels J = 0, 1 et 2 y ont été détectés. La phase gazeuse tracée par H2 est relative-ment froide et peu turbulente. La température rotationnelle calculée est de ∼ 70-90 K.

D.3 Détection de H2 dans NGC604 163

Il se pourrait que le H2 diffus soit décalé vers le rouge par rapport aux espèces neutres (v = 401 ± 10 km s−1 contre 392 ± 10 km s−1).

H2 a également été détecté avec FUSE dans la galaxie spirale naine M33, vers les régions H ii géantes NGC588, NGC592 et NGC595 (Bluhm et al. 2003). Les au-teurs n’observe aucune raie dans NGC604, tandis que Keel et al. (2004) remarquent simplement une possible détection.

D.3 Détection de H

2

dans NGC604

Bien que CO ait été détecté dans NGC604 (voir par exemple Viallefond et al. 1992 ; Wilson & Scoville 1992), il n’est pas certain que H2 puisse l’être, étant donné les diffi-cultés évoquées dans la section D.1. Deux études ont déjà échouée dans leur tentative (voir section précédente). Profitant des possibilités offertes par la procédure d’ajuste-ments des profils Owens, développée à l’IAP par M. Lemoine et l’équipe française de

FUSE, nous avons entrepris d’effectuer une nouvelle démarche. Le programme Owens

permet l’ajustement simultané des raies d’absorption d’une ou plusieurs espèces (voir section 3.2.2). Dès lors, il est possible de déterminer les densités de colonne de H2 dans les différents niveaux rotationnels en bénéficiant du nombre considérable de raies dis-ponibles. L’ajustement simultané de nombreuses raies − même faibles − d’une même espèce revient à combiner les informations de toutes les absorptions. Nous utilisons les longueurs d’onde et forces d’oscillateur de Abgrall et al. (1993a;b; 2000).

Nous détectons l’hydrogène moléculaire dans NGC6041, dans les deux observations

FUSE LWRS et MDRS (voir les spectres dans l’annexe B). Les niveaux de détection

sont confortables et contrastent avec l’échec de Bluhm et al. (2003). Cette réussite est rendue possible par l’ajustement simultané de plusieurs dizaines de raies. Dans la table D.1 nous reportons les niveaux de détection et les densités de colonne mesurées pour chaque niveau rotationnel.

Nous avons utilisé ces résultats pour tracer le diagramme de d’excitation (figure D.1)

1Nous ne détectons pas de H2 provenant de la composante à vitesse intermédiaire sur la ligne de visée (voir section 4.3.3).

Tab. D.1 – Densités de colonne du H2 pour les deux observations FUSE. Les erreurs sont à 2σ. La densité de colonne totale reportée H2,tot est obtenue en sommant tous les niveaux rotationnels détectés. Les niveaux supérieurs à J = 4 ne sont pas détectés ; nous négligeons en première approximation leur contribution. Noter que pour un niveau rotationnel donné, le niveau de détection est calculé (avec la méthode du χ2) en utilisant toutes les raies.

H2,J=0 H2,J=1 H2,J=2 H2,J=3 H2,J=4 LWRS 16.39+0.20−0.29 16.51+0.23−0.31 15.12+0.49−0.53 16.17+0.30−0.57 14.40+0.48−0.60 niveau de détection ∼ 12σ ∼ 14σ ∼ 7σ ∼ 13σ ∼ 4σ H2,tot : 16.86+0.25−0.34 MDRS 16.08+0.32 −0.47 16.60+0.16 −0.28 15.08+0.58 −1.20 16.29+0.22 −0.39 14.30+1.12 −3.30 niveau de détection ∼ 6σ ∼ 6σ ∼ 2.5σ ∼ 6σ ∼ 2σ H2,tot : 16.86+0.23 −0.36

164 L’hydrogène moléculaire

Fig. D.1 – Diagramme d’excitation du H2 diffus dans NGC604. Les densités de colonne des niveaux rotationnels divisés par les poids statistiques sont tracées en fonction de l’énergie d’excitation. Le rapport des niveaux J = 0 et 1 donnent une température rotationnelle de T01= 112 ± 10 K.

et calculer la température rotationnelle qui vaut T01 = 112 ± 10 K. Cette valeur s’accorde bien avec les différentes mesures effectuées dans le MIS de la Voie Lac-tée et des Nuages de Magellan. Nous remarquons que la vitesse des raies de H2 est

−250.4 ± 2.1 km s−1 dans l’observation LWRS, et −252.2 ± 3.4 km s−1 dans la MDRS, ce qui est légèrement décalé vers le bleu par rapport à la vitesse des espèces neutres (voir section 4.5.2), bien que cohérent dans les barres d’erreurs.

Puisque l’essentiel de l’hydrogène moléculaire devrait se trouver dans les niveaux rotationnels faibles (comme il est observé par Tumlinson et al. (2002) dans les Nuages de Magellan), nous calculons la densité de colonne totale de H2 en sommant les ni-veaux J = 0-4. Nous trouvons des valeurs similaires dans les deux observations, avec log N(H2,tot) ≈ 16.86 (voir tableau D.1). La fraction d’hydrogène moléculaire résultante est 2.6 × 10−4 (voir la section 4.4.1 pour la détermination de la densité de colonne de H i). Cette mesure extrêmement faible se compare bien aux valeurs limites supérieures calculées par Hoopes et al. (2004) dans quelques galaxies à formation d’étoiles et in-dique que la plupart du H2 se trouve dans des nuages denses invisibles en UV lointain.