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Ajustement des profils des raies .1Description de la méthode

Chapitre 2 Les raies d’absorption interstellaire

2.2 Ajustement des profils des raies .1Description de la méthode

Une méthode particulièrement puissante pour déterminer la quantité d’une espèce à partir d’une de ses raies d’absorption consiste à utiliser les informations fournies par le profil de la raie. Plus précisément, on estime la densité de colonne, définie comme

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Fig. 2.1 – Une illustration de l’interface entre le gaz ionisé de la région H ii (à gauche) et le gaz neutre environnant (à droite). Les nuages H2 denses qui sont enchâssés dans le gaz diffus sont opaques aux photons UV lointain ; ces lignes de visée ne contribuent donc pas au spectre global d’absorption. Les lignes de visée croisant le gaz diffus neutre uniquement permettent en revanche d’observer un spectre non nul sur lequel viennent se superposer des raies d’absorption des espèces interstellaires.

le nombre d’une espèce donnée par unité de surface sur une ligne de visée (voir sec-tion 2.2.3). C’est la méthode employée dans ce travail de thèse pour analyser le contenu en métaux des galaxies bleues compactes (voir chapitre 3) et des régions H ii géantes (chapitre 4). Une autre méthode utilise la largeur équivalente de la raie et la construc-tion de la courbe de croissance (voir annexe 2.A dans ce chapitre). Noter que plusieurs études ont utilisé les deux méthodes dans le cas de cibles extragalactiques et trouvent des résultats en accord dans les barres d’erreurs (voir par exemple Savaglio et al. 2004). Autour des raies interstellaires que l’on cherche à analyser, on choisit des fenêtres de calcul, larges de quelques angströms au plus. Les profils sont ajustés à l’aide du programme Owens, développé a l’Institut d’Astrophysique de Paris par Martin Lemoine et l’équipe française de FUSE. Une description peut être trouvée dans Lemoine et al. (2002) et Hébrard et al. (2002). Cette procédure permet d’analyser simultanément les raies de plusieurs espèces dans des nuages aux conditions différentes. Owens minimise le

χ2 entre un spectre synthétique et le spectre observé, en agissant de manière itérative sur tous les paramètres laissés libres, tels que les paramètres physiques (température

T , vitesse radiale v, vitesse turbulente vturb, quantité des espèces, ...) et les paramètres de l’ajustement (forme et intensité du continu, niveau zéro, décalages des fenêtres de calcul, ...). Le χ2 est défini comme :

χ2 = Σn i=1 (yi− xi)2 σ2 i , (2.2)

où n est le nombre de paramètres libres, xiles paramètres en question, yileur estimation théorique et σi les incertitudes sur chaque paramètre.

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en raies d’absorption. En effet, elle permet d’ajuster simultanément les profils de toutes les raies dans un spectre, et notamment d’étudier des raies mélangées avec le moins d’erreurs systématiques possibles. Par exemple, une raie de Fe ii, mélangée avec du H2 Galactique peut tout de même être utilisée pour contraindre la densité de colonne de Fe ii car la densité de colonne du H2Galactique (et par conséquent le profil des raies) est très bien contrainte par toutes les autres raies non mélangées ajustées simultanément. C’est une des raisons pour laquelle nous incluons dans les ajustements des fenêtres où se trouvent des raies d’hydrogène moléculaire de la Voie Lactée. D’autre part, en analysant simultanément des raies qui sont présentes dans 2 à 4 canaux de détection différents, on réduit les possibles erreurs systématiques sur le choix du continu, les décalages entre les expositions, la valeur de la fonction d’appareil, etc... (voir les sections suivantes). Enfin, l’ajustement simultané de plusieurs raies de la même espèce permet de minimiser les erreurs systématiques sur les données atomiques des transitions (longueur d’onde théorique λ, force d’oscillateur f ).

Nous listons ci-après les paramètres les plus importants de l’ajustement des profils. Ces paramètres sont soit liés à l’instrument, soit liés à la physique des nuages que nous observons. Ils peuvent être considérés dans la procédure Owens comme des paramètres libres, ou être fixés.

2.2.2 Paramètres liés à l’instrument FUSE Flux zéro

Il peut exister une lumière résiduelle (diffusion de la lumière dans l’instrument, bruit électronique, rayons cosmiques, ...) qui induit une valeur minimum du flux non nulle. L’ajustement des profils peut être faussé par une mauvaise estimation de ce paramètre. Le niveau zéro peut être déterminé à l’aide des raies fortement saturées, le flux devant être nul en leur cœur. À raison d’au moins une raie saturée par canal de détection, on estime le flux zéro que l’on applique en première approximation à toutes les autres fenêtres de calcul de ce canal.

Décalage relatif des fenêtres de calcul

Les canaux de détection ne sont pas calibrés de la même manière et avec la même précision. Les fenêtres spectrales observées dans des canaux différents peuvent être décalées les unes par rapport aux autres (voir section 1.3.2). D’autre part, des phé-nomènes d’étirement ou de contraction de l’échelle de longueur d’onde nécessitent de recaler des fenêtres spectrales appartenant à un même canal. Il existe ainsi un paramètre par fenêtre de calcul, correspondant à un décalage relatif par rapport à une position de référence. Noter qu’il est nécessaire d’analyser au moins des raies de deux espèces possédant des vitesses radiales différentes pour contraindre la valeur la plus probable d’un paramètre. Les décalages mesurés sont généralement de l’ordre de ±20 km s−1. Fonction d’appareil

La fonction d’appareil (Line Spread Function, LSF) est par définition la réponse instrumentale à une raie infiniment fine. Pour cette raison, on la nomme parfois réponse impulsionnelle. Pour l’observation d’une source ponctuelle dans la fente, on s’attend

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à un élargissement de forme gaussienne d’environ 12 pixels (c’est-à-dire ≈ 20 km s−1, Hébrard et al. 2002). Cependant, la LSF peut varier d’un bout à l’autre du domaine de FUSE, et selon le canal considéré.

Élargissement de raies supplémentaire dû à l’observation

Il est possible de choisir le paramètre LSF comme étant libre dans Owens, et de déterminer sa valeur la plus probable dans chaque fenêtre de calcul. Pour ce faire, on utilise non seulement les raies intrinsèques au MIS de la cible étudiée, mais aussi les raies du MIS Galactique sur la ligne de visée. Les valeurs que nous mesurons sont la plupart du temps plus grandes dans l’étude de sources étendues que l’élargissement ins-trumental théorique pour une source ponctuelle. Il semble qu’il existe d’autres sources d’élargissement. L’une de ces sources est purement liée au processus de traitement des données et provient des erreurs dans la co-addition des expositions pour obtenir le spectre total de chaque canal. L’addition nécessite d’aligner les expositions entre elles. Cette procédure se révèle particulièrement incertaine pour les sources faibles à cause du faible rapport signal-sur-bruit de chaque exposition. Cela introduit des erreurs dans l’alignement qui peuvent causer des élargissements de ≈ 10 pixels.

2.2.3 Paramètres physiques Continu

Le continu à partir duquel est mesurée l’absorption des espèces est d’origine stellaire. On modélise sa forme par un polynôme de degré adéquat. Plus on utilise des fenêtres de calcul larges, plus le degré choisi doit être élevé pour reproduire les variations du spectre. En pratique, on se limite à des fenêtres de 5-6 Å de large. Le continu adopté doit ajuster les données aux endroits où il n’y a pas d’absorption interstellaire. De plus, il doit pouvoir être prolongé de part et d’autre de la fenêtre de calcul tout en restant en accord avec les données.

Largeur intrinsèque des raies (vturb, T )

La largeur intrinsèque des raies est due à l’élargissement thermique et à la turbu-lence dans les nuages interstellaire (voir annexe 2.A dans ce chapitre). Si les raies que l’on observe en absorption sont le fruit d’une seule composante (un seul nuage), alors la turbulence domine1 et b ≈ vturb. S’il existe en réalité plusieurs composantes que l’on ne peut distinguer, alors la vitesse turbulente que l’on mesure à partir de la raie globale n’a plus le même sens physique (Hobbs 1974). En effet, dans ce cas la largeur de la raie est due à la distribution des nuages absorbants répartis sur les multiples lignes de visée. Notons que pour chacune des composantes, la température peut alors ne plus devenir négligeable par rapport à la vitesse turbulente.

1Si on suppose une vitesse turbulente de vturb= 20 km s−1, nous calculons que la température doit être d’au moins 5 × 105K pour que la composante thermique contribue à hauteur de 50% de la largeur Doppler totale (calcul réalisé pour l’oxygène).

2.2 Ajustement des profils des raies 25

Élargissement de raies supplémentaire dû aux conditions physiques

La distribution spatiale des étoiles brillantes en UV lointain dans la fente d’ob-servation introduit un élargissement supplémentaire des raies. Cet effet géométrique touche toutes les raies interstellaires sur la ligne de visée, qu’elles prennent leur origine dans l’objet étudié ou dans la Voie Lactée. En tenant compte de cet élargissement, on peut essayer de se ramener au cas de multiples lignes de visée devant un nuage aux conditions physiques et chimiques homogènes, et s’approcher ainsi encore un peu plus du cas réaliste discuté dans la section 2.1.3.

Densités de colonne (N)

C’est le paramètre qui nous intéresse spécialement. Ce paramètre représente la quantité d’une espèce donnée par unité de surface sur une ligne de visée. On l’exprime en cm−2, le plus souvent en unité logarithmique.

Vitesses radiales (v)

Ce paramètre représente la vitesse d’une espèce (ou d’un groupe d’espèce), calculée en utilisant les raies ajustées. En combinant les informations sur toutes les raies dis-ponibles pour une espèce (ou un groupe d’espèces), la précision obtenue sur la vitesse radiale peut être meilleure que 20 km s−1 qui est la réponse impulsionnelle de FUSE. 2.2.4 Profil apparent

Dans le cadre de la méthode d’ajustement des profils, on ne peut distinguer faci-lement les différentes sources d’élargissement citées plus haut. On fera appel dans la suite de ce texte au paramètre élargissement des raies qui inclut toutes les sources, excepté l’élargissement intrinsèque des raies dû à la largeur Doppler, qui est traité comme un paramètre indépendant par Owens. Les raies d’absorption observées sont donc la convolution du profil théorique (voir annexe 2.A), de la réponse instrumentale et des différentes sources d’élargissement additionnelles :

Iobs(λ) = [I0(λ)e−τ (λ)] ⊗ ΦSF(λ) ⊗ Φext(λ), (2.3) où ΦSF est la réponse instrumentale, en première approximation assimilable à une gaussienne, et Φext correspond aux autres sources d’élargissement. Dans les analyses que nous évoquons dans ce rapport, nous supposerons que Φext est également une gaussienne. Notons que lors de la convolution des deux fonctions ΦSF(λ) ⊗ Φext(λ), les largeurs s’additionnent quadratiquement. Après convolution, les raies peuvent paraître non saturées alors que leur profil théorique l’est. Il est donc nécessaire de bien estimer le paramètre élargissement des raies représentant la fonction ΦSF(λ) ⊗ Φext(λ). Une méthode consiste à examiner les raies de H2, dont la largeur Doppler est relativement faible. Elles permettent ainsi d’estimer une valeur limite supérieure à l’élargissement

des raies. La procédure Owens peut également, si on le souhaite, laisser ce paramètre

26 Les raies d’absorption interstellaire 14 14.2 14.4 14.6 14.8 log N(NI) 12464 12466 12468 12470 12472 12474 12476 chi^2

Fig. 2.2 –Exemple de courbe de ∆χ2. On peut voir la variation du χ2 pour plusieurs valeurs contraintes de la densité de colonne de N i dans les spectres de la galaxie bleue compacte IZw36. Grâce à une telle courbe, on estime les erreurs statistiques autour de la densité de colonne la plus probable.

2.2.5 Calcul des erreurs

L’ajustement des profils des raies peut mener à un minimum local dans l’espace des paramètres libres. Il est éventuellement possible de savoir si le minimum est local en calculant les variations du χ2 en fonction d’un ou plusieurs paramètres. On peut alors s’orienter vers des jeux de paramètres résultant en un χ2 plus faible, c’est-à-dire permettant de mieux reproduire les données, et parvenir au minimum global.

Les erreurs sur la détermination d’un paramètre lors d’un ajustement sont de deux types : les erreurs statistiques liées au bruit sur les données, et les erreurs systématiques liées aux hypothèses de travail (choix de la LSF, nombres de composantes, etc...).

Les variations du χ2 sont un moyen d’estimer les barres d’erreurs statistiques. La méthode consiste à lancer la routine d’ajustement des profils Owens plusieurs fois, en contraignant plusieurs valeurs du paramètre dont on veut estimer les erreurs (par exemple la densité de colonne d’une espèce), et en calculant pour chaque valeur le χ2 minimum de l’ajustement. On obtient alors une courbe qui trace le ∆χ2 (différence entre le χ2 d’un ajustement contraint et le χ2 minimum global). Dans le cas où le χ2 est du même ordre de grandeur que le nombre de degrés de liberté (nombre de pixels + nombre de paramètres libres), une augmentation du χ2 de n unités par rapport au minimum global correspond à une barre d’erreur à n σ. Ceci suppose que les erreurs

sont gaussiennes. Les figures 2.2, 2.3 et 2.4 donnent des exemples de courbes de ∆χ2. Des paramètres tels que le choix de la valeur de l’élargissement des raies, la forme du continu, l’intensité du continu, ou la valeur du niveau "zéro" sont des paramètres libres de l’ajustement (bien qu’ils puissent être contraints au besoin). Les erreurs estimées par la méthode du χ2 incluent les incertitudes liées à ces paramètres.

2.3 Raies analysables dans le domaine de FUSE 27 14 14.5 15 15.5 16 16.5 log N(H21) 13210 13215 13220 13225 Chi^2

Fig. 2.3 – Exemple de courbe de ∆χ2. Ici l’on voit la courbe pour la densité de colonne de H2,J=1 dans IZw36. Le χ2 n’augmente pas vers les densités de colonne les plus faibles. Ceci signifie qu’on n’est pas en mesure d’isoler une valeur la plus probable, H2,J=1n’est pas détecté. On peut en revanche calculer une limite supérieure à nσ.

15 16 17 18 19 20 log N(OI) 528 530 532 534 536 538 chi^2

Fig. 2.4 – Exemple de courbe de ∆χ2 pour la densité de colonne de O i dans IZw36 en utilisant uniquement la raie saturée à 1039.23 Å. Dans ce cas, on voit que la détermination de la densité de colonne est très incertaine car le χ2 ne varie pas significativement sur plus de deux ordres de grandeur.

2.3 Raies analysables dans le domaine de FUSE