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Les enjeux de la territorialisation de l’action publique et sociale

moyennes : outils, enjeux et territoires

Carte 2.3 – Inégalités spatiales sur les 100 plus grandes aires urbaines françaises en

3.2.2. Les enjeux de la territorialisation de l’action publique et sociale

Aujourd’hui, la Politique de la ville constitue le dispositif principal de régulation de la pauvreté urbaine (Dupoux, Paugam, Op. Cit.) et de lutte contre l’exclusion sociale (Béhar, 1999 ; 1998). Sa mise en place repose sur un postulat fort, la territorialisation

l’analyse des revenus moyens déclarés par unité de consommation (UC) au niveau des quartiers révèle la ségrégation inter-quartier au sein de l’espace urbain à partir de l’échelle communale. Ces résultats reposent sur l’extrapolation des données à partir des IRIS et, en homogénéisant les situations au niveau des découpages INSEE, masquent une partie des inégalités situées à une échelle plus fine, au niveau infra-local.

des politiques sociales. Ce recours au territoire et la recherche d’un maillage adéquat (Ribardière, 2005) viseraient à conférer à la proximité un gage d’efficacité de l’action publique. Ce que certains auteurs ont qualifié de « renversement de la régulation territoriale » (Béhar, 2000) vise à avoir recours au territoire pour remédier aux difficultés actuelles de l’adéquation des dispositifs et de l’organisation territoriale. La territorialisation des politiques publiques veut, à la fois, rendre leurs actions plus locales, conformes aux réalités des transformations économiques et sociales et plus efficaces. Mais elle tente aussi d’impulser une certaine transversalité du fait du recours à un périmètre d’action circonscrit à partir duquel les dispositifs seront conduits et appliqués.

Cependant, si les politiques sociales ont contribué par leur efficacité à réduire la pauvreté absolue et monétaire, force est de constater qu’elles n’ont pas atteint leurs objectifs de cohésion et d’intégration (Simon, 2006 ; Epstein, 2004). Les visages de la pauvreté se sont complexifiés, masqués derrière une cohorte d’indicateurs167, laissant apparaître un certain malaise à considérer que le fonctionnement du modèle économique actuel ne permet plus d’assurer au plus grand nombre l’aide et la sécurité d’un accès durable à des conditions de vie satisfaisantes. Ce contexte, marqué également par les transformations du rapport de l’Etat aux territoires (décentralisation, contractualisation, partenariats, nouvelles gouvernances etc.), impose de repenser les modalités et les formes de l’action publique, notamment dans l’action sociale mais aussi, plus globalement, de l’ensemble des politiques sectorielles. Dans les faits, ce « recours obstiné au territoire » (Jaillet, 2007) pour répondre aux difficultés sociales et aux incertitudes de l’action publique – mais aussi comme donnée explicative et comme nouveau recours face aux processus de paupérisation et d’exclusion – présente plusieurs limites. Il se heurte tout d’abord à la détermination de périmètres et donc à la catégorisation de l’espace. Ces découpages, en reposant sur des indicateurs et des seuils établis au niveau national et de manière générique, peinent à coïncider avec la diversité des situations locales. D’autre part, si la territorialisation des politiques publiques apparaît comme une nécessité des politiques générales pour conserver une certaine « prise de terre » (Béhar, 2000), le statut et les rôles accordés à l’espace sont porteurs d’ambiguïtés. L’espace apparaît à la fois comme partie prenante des problèmes – à travers les quartiers en difficultés, ce sont bien des territoires qui sont les vecteurs et les cadres appropriés de l’action publique – mais aussi comme une partie des solutions proposées, quitte à courir le risque d’une forme de spatialisme qui sous-tend que les « formes spatiales matérielles détermineraient l’organisation et les pratiques sociales » (Lussault, 2003, Op. Cit.).

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Parmi les derniers parus, l’Indice Synthétique d’Exclusion (ISE) élaboré à partir de 13 indicateurs et reposant sur l’étude de grandes villes françaises, hors Île de France. Voir : Dumont Gérard-François, 2011, Géographie urbaine de l’exclusion dans les grandes métropoles régionales françaises, L’Harmattan, Paris, 268 p.

Si l’espace est ainsi convoqué dans la désignation des situations prioritaires et dans le calibrage de l’action publique, c’est que le rapport au territoire tend à ancrer les situations de pauvreté et que s’accroît, particulièrement dans les grandes villes, les processus de fragmentation urbaine contre lesquels les politiques de la ville tentent de s’opposer. Mais peut-on dès lors évoquer ces mêmes tendances dans les villes moyennes ? La fragmentation urbaine recouvre « un processus d’éclatement d’un objet spatial considéré comme porteur d’une unité sociale » (Navez-Bouchanine, 2002 : 5). Elle pose explicitement la question de la séparation dans la ville, dans l’espace et par l’espace, de l’obsolescence pour partie mythique de la « ville cohésive » (Genestier, 2002 : 121). Si elle recouvre des situations diversifiées (Séguin, 2011), la fragmentation urbaine est avant tout une clé de lecture parmi d’autres des processus actuels à l’œuvre visant notamment à expliciter la remise en cause de l’idée de solidarité et d’interdépendance attachée à l’espace urbain.

On pensait les villes moyennes relativement épargnées par les processus de relégation et d’exclusion, or l’analyse montre qu’elles ont, elles aussi, des quartiers touchés par de graves difficultés, avec des situations comparables aux quartiers sensibles des grandes villes. En 1997, la FMVM168 recensait que, parmi les villes adhérentes, 185 avaient des zones urbaines sensibles, ce qui représentait plus de la moitié de la totalité (360) des ZUS métropolitaines. Laurent Courtois (2008) détaille, dans une thèse consacrée à ce sujet, le processus de formation d’un « ghetto » à l’échelle d’une ville comme Angoulême. Il y apparaît que les fractures sociales et économiques sont autant marquées que dans ce que l’on peut considérer comme le point cardinal de la relégation territoriale, la formation d’un ghetto prenant à cette échelle urbaine un sens d’autant plus fort. Le poids des représentations, la constitution d’une organisation sociale autour, reposant sur le racisme et l’enfermement, accentuent la cristallisation des rôles sociaux et la ségrégation territoriale. Les ressources des villes moyennes rendent difficile la mise en place d’opérations de rénovation urbaine d’envergure (Avenel, 2011).

Si on suit l’analyse économique de la ségrégation (Bouzouina, 2008), le principal vecteur de ségrégation à l’échelle de l’espace urbain des villes moyennes repose sur la structure du parc de logements et particulièrement du logement social.

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Dans la même étude, il est précisé également que les villes moyennes de l’association regroupent 224 zones de redynamisation urbaine et 15 sont dotées de quartiers en zone franche. Voir : FMVM, 1997,

Villes moyennes. Des expériences dans les quartiers, Enquête réalisée avec le soutien de la DIV, 1er

Graphique 2.4 – Part de logements sociaux et ségrégation dans les aires urbaines moyennes (80-130 000 habitants)

Source : Bouzouina, 2008, Op. Cit. : 199

Comme le démontre L. Bouzouina (2008), à l’échelle des villes moyennes, l’effet de la part des HLM dans les logements de l’aire urbaine explique 62% de la variance de l’indice de ségrégation. Dans les grandes villes, les ressorts de la ségrégation apparaissent plus complexes et liés notamment à la structure économique et aux effets de la métropolisation sur l’organisation urbaine (fortes polarisation, processus d’exclusion, gentrification, forte tension foncière). Ceci souligne l’importance de la question du logement, et particulièrement de la répartition des logements sociaux, pour les aires urbaines intermédiaires.

Certains espaces sont ainsi devenus les emblèmes des difficultés et de la crise sociale. Le ciblage des quartiers défavorisés a contribué à faire de ces derniers les symboles de la territorialisation de l’action publique et sociale, témoins de la relégation sociale et spatiale. En relais des politiques publiques sectorielles, l’espace est devenu, à travers la politique de la ville, l’outil de la lutte contre ces formes d’exclusion et de relégation spatiale. Cette approche existait déjà en 1991 où la loi d’orientation sur la ville (LOV) marque le choix d’un traitement des situations de pauvreté dans la ville par le logement en tentant de promouvoir les politiques de mixité sociale et de diversification des fonctions. Elle tend aujourd’hui à s’amplifier et à se systématiser en touchant l’ensemble des villes françaises engagées dans des opérations de rénovation urbaine. Les politiques publiques, progressivement, « font du logement social leur outil majeur » (Driant, Lelévrier, 2006) pour promouvoir un nouvel ordre urbain dont les clés

reposeraient sur la mixité – essentiellement résidentielle169 – et la réduction des inégalités sociales et territoriales, se rattachant ainsi à l’objectif de cohésion sociale.

4. Les politiques du logement, un levier d’action pour les villes

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