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moyennes : outils, enjeux et territoires

1. Les villes moyennes, enjeux flexibles des politiques publiques

1.1. Des espaces-cadres des politiques d’aménagement

Empreint d’une philosophie d’inspiration « rousseausiste » (Ottenhof, 1982), l’aménagement du territoire a accordé une attention particulière aux villes moyennes qui ont constitué successivement un objet d’intérêt et un refouloir des politiques publiques. Mais cet intérêt a été aussi tardif que fluctuant. A ses débuts, après la Seconde Guerre mondiale, la politique naissante d’aménagement du territoire a poursuivi deux objectifs prioritaires : limiter l’hyper-concentration de la région parisienne et organiser l’expansion économique du pays à travers les nouvelles structures territoriales en place (création des circonscriptions d’action régionale en 1955, révision générale du découpage administratif régional et des services de l’Etat). Les métropoles et les capitales régionales ont joué un rôle de premier ordre et les expériences qui y ont été conduites ont marqué et orienté les politiques qui suivront en direction notamment des villes moyennes. A l’époque du premier plan d’aménagement (encart n° 2.1), l’ensemble des dispositifs tentait de promouvoir, sans distinction, une modernisation globale du territoire français grâce à une politique de grands équipements privilégiant les actions susceptibles d’encourager la croissance. Cette vision d’un territoire homogène et fortement centralisé va perdurer jusqu’au début des années 1960.

Encart 2.1 – Aménagement du territoire et villes moyennes, chronologie commentée –

L’Aménagement du territoire et les villes moyennes, une chronologie :

1953 – Premier Plan régional français visant la modernisation et l’équipement du territoire. L’idée est que le développement des territoires passe par la création d’infrastructures et de superstructures. L’accent est mis sur les enjeux liés à la production de richesses et à la répartition de la population et des activités sur le territoire. A cette époque « le développement l’emporte sur l’aménagement » (Phlipponneau, 1986). L’ensemble des actions vise à obtenir de plus forts taux de croissance et à améliorer la compétitivité. Cette période est marquée par une priorité donnée à l’économie,

l’augmentation de la production est l’objectif prioritaire. 1955 – Création des circonscriptions d’action régionale

1958 -1961 – IIIe Plan qui repose essentiellement sur les impératifs de la reconstruction du pays et l’essor de l’appareil productif

1959 – Zones spéciales de conversion économique

1960 – Délimitation des circonscriptions d’action régionale

1962 -1965 – IVe Plan National d’Aménagement du Territoire impose le principe d’une armature urbaine hiérarchisée en trois niveaux : les métropoles régionales, les villes intermédiaires, les bourgs et centre ruraux et s’axe sur le développement régional. La notion de schéma d’armature urbaine se met en place 1964 – Mise en place des commissions de développement économique régional

1964 – Politique des métropoles d’équilibre

1966-1970 – Le Ve Plan met en place la Commission Nationale d’Aménagement du Territoire (CNAT) 1971-1975 – VIe Plan, trois autres commissions sont créées concernant : les villes, l’espace rural, l’eau. Il accorde une part importante à la réflexion autour du pouvoir des échelons locaux et impulse la politique nationale d’aménagement en direction des villes moyennes

1973 – Politique des villes moyennes – Il s’agit de la première mesure contractuelle mise en place pas l’Etat et spécifiquement en direction de cette échelle.

1976-1980 – VIIe Plan orienté autour de la répartition des activités sur le territoire et l’amélioration des cadres de vie. Création du CATCAV

1978 - 27 décembre – Prime de localisation des activités tertiaires (à hauteur de 15%). Elles devaient concerner les entreprises industrielles pour les inciter à s’installer dans les régions défavorisées et jugées prioritaires. Elles seront mises en place dans certaines villes moyennes. Mais l’expérience demeure un échec relatif.

1979 – Fin de la politique des villes moyennes – au total 73 villes se seront inscrites dans cette procédure 1982 – 29 juillet – Loi de création des Contrats de Plan (CPER). Ce document fixe les engagements de l’Etat et de la région autour d’une stratégie commune. Ils vont permettre d’assurer une certaine cohérence sur la durée des différentes politiques territoriales et contractuelles (Contrats de ville moyenne et, plus tard, contrats de pays, etc.)

1983 – Lois de décentralisation

1984 – Contrat de Plan Première planification décentralisée (1984-1988) - le IXe Plan - entérine et réifie la coopération Etat-Région. Initialement mise en place pour suivre l’application des plans nationaux. A leur disparation, ils constitueront une donnée clé d’articulation des politiques et des priorités.

1989 – Premier Contrats de ville expérimentaux – Mise en place des DSQ 1990 – Politique des réseaux de villes

1992 – Programme Université 2000

1992 – Lancement de la procédure des Contrats de ville

1995 – Loi Pasqua dont un décret délimitera les zones de redynamisation rurale. La loi prévoyait initialement un schéma national d’aménagement afin d’encourager la création d’universités de plein exercice dans les villes moyennes, d’y promouvoir la recherche publique, des équipements culturels ainsi que de densifier le maillage routier afin qu’aucun point du territoire ne soit à plus de 50km d’un accès à

une autoroute. Le projet n’ira pas à son terme mais certains volets seront approuvés et mis en place par décret (ZRR) – LOADT : promulguée le 4 février 1995

1997 – CIADT d’Auch en faveur des villes moyennes et de la redynamisation rurale (ZRR). Lancement d’un projet expérimental sur 20 villes sur la période 1997-1999 pour la requalification des centres-villes et la valorisation des projets locaux – doté d’une enveloppe de 7,6 millions d’euros

1998 – Mise en place des systèmes productifs locaux (SPL). Les villes moyennes n’en sont pas directement la cible mais s’intègrent parfois dans leurs délimitations et leurs dynamiques

1999 – Loi Voynet, mise en place des schémas nationaux de services collectifs ayant pour objectif de faire émaner localement une dynamique de projets communs entre les collectivités (et non concurrentiel) : Création des pays ; création des contrats d’agglomération dans les villes de plus de 50 000 habitants (logique de subsidiarité). L’agglomération constitue un territoire d’intégration fiscale puisque les communes doivent se doter d’une taxe professionnelle unique (les lois Chevènement et Gayssot viennent ensuite notamment renforcer la coopération entre communes).

1999 – 11 mai Schéma de développement de l’espace communautaire (SDEC)

2000 – 19 septembre Décret d’instauration des schémas régionaux d’aménagement du territoire

2003 – Acte 2 de la Décentralisation, mise en place de la politique/possibilité d’expérimentation, "l’uniformité n’apparait plus indispensable au maintien de l’unité (Monod, 2004 : 120)

2004 – 14 septembre Lancement par la DIACT de l’Appel à projets pour l’identification d’une soixantaine de « pôles de compétitivité »

2005 – La CDC et la DIACT lancent un appel à projets intitulé « Soutien à la dynamique de

structuration des territoires par les villes petites et moyennes »

2005 juillet – « 22 mesures pour les villes moyennes et leurs agglomérations » contribution de la FMVM pour un CIADT

2007 – Lancement de l’expérimentation dans 8 villes moyennes. Pour une étude sur les universités localisées dans cette catégorie urbaine – Mise en place des contrats de projets

2007 – Appel à expérimentation sur 20 villes moyennes qui fait suite au CIADT du 6 mars 2006 présidé par D. de Villepin. Dans ce but, la DIACT est dotée de 2,2 millions d’euros pour développer les partenariats innovants, chaque ville recevra 100 000 euros de crédits d’ingénierie.

2009 – Expérimentation « 20 villes moyennes témoins »

2007-2013 – Programmes opérationnels de la nouvelle politique régionale européenne

L’organisation du territoire reflète notamment les impératifs, économiques de l’époque. Les orientations susceptibles d’accélérer la reconstruction et de participer à l’industrialisation du pays sont alors privilégiées. Dans un Etat traditionnellement centralisé, l’Administration est très présente à tous les niveaux territoriaux, elle conseille et oriente les municipalités dans leurs choix. Jusqu’aux années 1960, les villes moyennes ne sont pas reconnues comme une catégorie d’action clairement identifiée malgré des actions conduites dans les plus peuplées d’entre elles, à l’image des Plans de modernisation et d’équipement (PME) qui ont été mis en place dans les agglomérations de plus de 50 000 habitants. Globalement, les villes moyennes accueillent alors la

croissance plus qu’elles ne l’impulsent et restent ainsi dans le giron docile d’une économie nationalement planifiée.

Durant cette période, parfois qualifiée de « temps des ingénieurs » (Hayer, 2005) tant les prérogatives techniques dominent sur les autres préoccupations, et alors que la crise du logement s’aggrave, l’Etat gaulliste a le souci de promouvoir un aménagement du territoire équilibré – sans toujours s’en donner structurellement les moyens. La notion d’équilibre territorial se traduit par la volonté d’un aménagement d’ensemble du territoire national, l’Etat se donnant comme objectif de contribuer à une réduction des déséquilibres. La planification est l’outil privilégié de ces premières politiques d’aménagement mais elle concerne davantage les nouveaux espaces urbains comme les villes nouvelles et les mutations des grandes villes, notamment à partir de 1964, sous l’impulsion de M. Delouvrier qui tente de promouvoir des schémas directeurs d’orientation, en particulier dans la région parisienne, avec la mise en place de schémas d’armature régionale. Déjà les zones urbaines prioritaires (ZUP), créées en 1957 et dont la mise en place par décret sera effective l’année suivante, traduisent la conception pyramidale de l’aménagement urbain centralisé. L’Etat décide ainsi des secteurs d’implantations des grands-ensembles dans les différentes strates de la hiérarchie urbaine à travers une logique de découpage et de zonage. Les rigidités de ces actions ne permettent pas réellement de composer avec la diversité des dynamiques à l’œuvre sur l’ensemble du territoire même si les besoins et l’urgence de la construction sont manifestes. Progressivement apparaissent les principales tendances qui s’accentueront dans les décennies qui suivront : polarisation du développement urbain et métropolisation, étalement urbain avec ses corollaires liés au développement de l’automobile et à l’essor des maisons individuelles, déplacement des activités en périphérie des grandes agglomérations, mutations de l’appareil productif. Face à ces mutations, l’Etat met en place une politique volontariste et globale s’axant sur les lignes de force du territoire français (métropoles d’équilibre, région parisienne, zones industrialo-portuaires). En ciblant particulièrement le sommet de la hiérarchie urbaine, l’Etat contribue à orienter la structuration de l’armature urbaine en intervenant directement sur le développement urbain, via la déconcentration industrielle, la planification des politiques du logement et le développement des grands équipements.

Au début des années 1970, le projet de Plan – alors exprimé au futur et sans allusion aux critères retenus – insiste sur « l’attention particulière portée au développement des villes moyennes ». Derrière le terme « développement », il faut comprendre une forme de croissance démographique et une assise économique soutenues et encouragées par l’Etat. Hormis les critères démographiques, aucune référence n’est explicitée concernant les caractéristiques de ces villes. Selon cette logique, le développement est impulsé nationalement, à charge pour les acteurs locaux de s’organiser et de prolonger la dynamique engagée. Cependant, les différentes mesures ne parviennent pas à endiguer, ni même à réguler, les tendances de fond. La loi

d’orientation foncière de 1967107

accentue au contraire le départ des classes moyennes résidant dans les ZUP, attirées par les perspectives d’acquisition de pavillons sur les marges de la ville. A cette trop grande rigidité en matière d’urbanisme et de planification s’ajoutent les difficultés inhérentes à la centralisation et, pour l’Etat, le manque de structures décentralisées adaptées108. C’est en réaction à cet aménagement trop rigide et décontextualisé que « les autorités municipales vont s’approprier un domaine jusque là confisqué par les opérateurs de l’Etat : celui de l’urbanisme » (Lussault, 1996 : 102).

Durant cette période (1950-1970), souvent considérée comme l’âge d’or de l’aménagement du territoire, l’intervention de l’Etat correspondait à une version spatialisée du keynésianisme au sens où l’Etat, principal acteur public, souhaitait mettre en place une politique de redistribution des fruits de la croissance afin de limiter les disparités spatiales nationales et régionales. Les Ve et VIe Plans ont consacré l’orientation des politiques d’aménagement en direction des villes moyennes en leur attribuant un rôle de rééquilibrage du territoire face à la concentration et à la croissance de la région parisienne. Cette politique repose sur deux leviers principaux : les mécanismes d’induction dont les territoires gagnants se feraient les porteurs et une logique de transfert d’investissements capables d’entraîner des effets multiplicateurs. Les crises économiques et structurelles des années 1970 vont imposer de repenser le modèle et les formes de l’action étatique en cherchant les possibilités de relais économique et de reconversion des territoires impactés : s’ouvre alors le temps du recalibrage de l’action publique.

1.2. La ville moyenne dans la refonte des territoires et de l’action

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