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Les enjeux communicationnels entre État et acteurs locaux : contradiction entre communication politique et communication institutionnelle

Conclusion de la première partie

Chapitre 1 : La communication des institutions publiques : de la gouvernementalité à la dépolitisation du problème public

2.1. Les enjeux communicationnels entre État et acteurs locaux : contradiction entre communication politique et communication institutionnelle

Rappelons que l’ouvrage op cit dirigé par Dominique Marchetti montre comment le traitement de la sécurité routière est en lien avec des initiatives des pouvoirs politiques et administratifs dans la médiatisation de ce thème. Les productions journalistiques (PQR et journaux des institutions locales) observent les formes de dépendances des forces de l’ordre et de leurs représentants locaux qui repartissent l’information pour la fabrication des pages locales des collectivités territoriales.

Ce qui est frappant dans la construction d’information pratique pour la sécurité routière, c’est qu’elle montre deux cas : les pouvoirs politiques et administratifs qui s’appuient sur le préfet ainsi que les collectivités, pour faire de la politique sans qu’elle apparaisse comme telle.

Premièrement, l’ouvrage montre qu’au niveau local, les formes des pouvoirs politiques sont subtiles, structurées mais aussi « moins » directives sur un problème qui fait de ce thème «  un type idéal pour les promoteurs de la communication des institutions étatiques  » (ibid. p. 10). En effet, ces mécanismes de

dépolitisation s’opèrent par la technicisation des choix d’aménagements routiers et par la mise en avant des activités des services d’État, quand elles sont exclues des choix des pouvoirs politiques.

Deuxièmement, l’étude des dispositifs de sécurité routière au niveau local montre alors une «  territorialisation étatique plus qu’une répartition des fonctions et des compétences entre échelons et les niveaux, et la difficulté pour les acteurs locaux d’échapper au cadrage défini et imposé par l’État pour construire un autre » (Pailliart, Strappazzon, Poncin, p. 74). Les auteures diront que l’imposition conduit une double domination : et aux individus et aux collectivités car le thème de la sécurité routière a pour ordre de maintien et de renouvellement des positions publiques dans tout le territoire. L’avantage du local est donc l’efficacité d’une communication qui rend l’effectivité du changement des comportements sur un problème.

Troisièmement, pour garder la maîtrise de ce thème, l’État va réorienter des actions et multiplier ses partenariats avec des acteurs privés ou publics afin de créer des échanges et des belles scènes d’actions durables dans le temps. Le thème de la sécurité routière devient alors un objet de consensus entre parties prenantes par l’imposition de ses références et par les objectifs qu’elle véhicule. Objectifs au niveau local seulement car les résultats se veulent double : et au niveau national et au niveau local.

L’enjeu communicationnel de cette partie dégage alors qu’il n’y a pas d’autonomie des collectivités dans la mise en place des dispositifs face à l’omniscience de l’État dans les territoires. La question de la compétence à partager est évoquée par la nomination d’un élu référent pour faire l’intermédiaire entre services d’État et acteurs locaux, même si les indécisions des collectivités remettent en cause ses modalités de gouvernance sur le traitement public de la sécurité routière.

Une fois de plus, la communication publique montre que normaliser les comportements des individus c’est amoindrir l’accentuation du domaine de la sphère privée plus que les formes de gouvernance et maintien d’ordre social de l’État comme nous l’avons déjà vu dans le cas de la maladie (Lafon, Pailliart, 2007). Le fait que l’État diversifie ses (actions) politiques est donc une stratégie affirmative de ce qu’il est : « l’intégration dans des politiques plus larges indique donc que la sécurité routière n’est pas une question locale mais une stratégie d’affirmation de l’État qui se démultiplie avec le chantier présidentiel, reposant sur la personnalisation du thème avec l’intervention des ministres (pour les bons résultats comme pour les accidents les plus importants), l’empilement des structures, le partenariat avec une coordination unique, les références régaliennes avec l’imposition des figures de la police et de la gendarmerie ainsi que l’omniprésence du préfet dans la presse locale comme - et cela de la manière la plus inattendue - dans les journaux municipaux » (ibid, p.91).

La diversification des actions publiques se trouvent aussi dans les cas d’emprise des acteurs politiques dans « Les paradoxes de la prévention des cancers : publication et privatisation » (Pailliart, Strappazzon, 2007). Dans lequel l’article en question aborde les politiques qui cherchent à maîtriser les enjeux communicationnels sur la question de l’objectivation du malade au niveau national par la «  présidentialisation  » et au niveau local par la « territorialisation ».

Cependant, Dominique Wolton dira que la communication est indispensable au fonctionnement de la démocratie de masse. Dans sa définition de la communication politique reprise à partir du n°4 de la revue Hermès intitulé «  Le nouvel espace public  » de 1989, il annonce que cette démocratie de masse est rendue possible grâce à l’interaction entre «  l’information, la politique et la communication, elle apparait comme un concept fondamental d’analyse du fonctionnement de la démocratie de masse » (Wolton, 2008, p. 31).

Cela nous conduit, une fois de plus, à considérer les ruptures du champ politique cherchant à imposer sa vision du monde et de l’activité de l’État d’avec l’ajustement du champ journalistique (Marchetti, 2008). Rompre les intérêts de la politique dans la communication des institutions revient à rompre la contradiction entre communication politique propagandiste et communication institutionnelle ou sociale, celle qui est considérée comme la « plus démocratique » (ibid) d’après l’ouvrage de Marchetti. Or, Dominique Wolton affirme tout de même l’effacement de cette facette démocratique : « la communication politique apparait comme la scène sur laquelle s’échangent les arguments, les pensées, les passions, à partir desquels les électeurs font leur choix » mais qu’ « à la limite, elle est un dispositif « neutre », comme la démocratie, c’est à dire un ensemble de procédures, - mais au rôle, en réalité, essentiel - sans lesquelles il n’est plus possible d’exercer la démocratie dans la société de masse dominée par l’opinion publique et les médias » ( Wolton, 2008, p.42).

Enfin, les caractéristiques de la communication politique selon les dires de Wolton est « un processus indispensable à l’espace politique contemporain en permettant la confrontation des discours politiques caractéristiques de la politique : l’idéologie et l’action pour les hommes politiques, l’information pour les journalistes, la communication pour l’opinion publique et les sondages. Ces trois discours sont en tensions permanente car chacun détient une partie de la légitimité politique démocratique et peut donc prétendre interpréter la réalité politique du moment en excluant l’autre » (ibid., p.43)

Pour notre cas, interroger les enjeux communicationnels entre acteurs locaux et État revient une fois de plus à interroger la conception des actions de communication mise dans des dispositifs de mise en valeur de la commune de Chamonix Mont- Blanc (presse locale, site, radio, journaux) à partir des acteurs qui la composent et des publics concernés.

Ainsi les discours mettent-ils l’intérêt d’étudier les interactions entre citoyens, pouvoirs locaux et pouvoir étatique, mais également la distinction du métier de communicant territorial qui traite la communication publique de la mairie et du journaliste territorial qui traite l’actualité locale et son environnement dans un contexte de territoire en construction et en mutation socio-économique. Notons encore que par là, les thématiques de recherche en SIC sur les questions environnementales ouvrent sur les autres recherches comme en géographie, aménagements du territoire, écologie, hydraulique…

2.2 Construction d'information pratique dans la médiatisation des risques