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Chapitre 2 : Notions d’empêchement et d’enfermement

2.4. Empêchement comme symptôme

2.5.2. Enfermement ou empêchement pulsionnel et émotionnel

Selon le dictionnaire de la psychanalyse Larousse, Freud cité par Chemama R. (1993), définit la pulsion à partir de trois points de vue :

- Point de vue topique : la pulsion est« l’interface du somatique et du psychique ». Cela met en œuvre différentes instances les unes à côté des autres. Celles-ci travaillent conjointement en agissant sur l’énergie pulsionnelle.

- Point de vue dynamique : elle est« le représentant psychique des excitations issues de l’intérieur du corps et parvenant au psychisme ». C’est-à-dire un processus dynamique solide dans une poussée qui fait tendre l’organisme vers un but. Or les phénomènes psychiques sont amenés à être considérés comme résultant d’une combinaison des forces antagonistes (forces de l’inconscient contre la répression du système conscient ou le moi, seul négociateur entre le ça, le surmoi et la réalité extérieure).

- Point de vue économique : la pulsion est « la mesure de l’exigence de travail qui est imposée au psychique en conséquence de sa liaison au corporel ». Il est question ici de la répartition de l’énergie qui aura des conséquences sur l’issue du conflit.21

L’enfermement pulsionnel va porter sur ces trois points de vue, dans un premier temps à l’annulation ou la défaillance de l’énergie pulsionnelle, la rupture entre les quatre éléments caractérisant la pulsion notamment sa source. La défaillance peut se traduire par la non disponibilité de la source, ou soit celle-ci est mal cernée ou mal identifiée. La poussée qui traduit l’aspect dynamique, le moteur de la pulsion, est inactive, passive ou immobile car la source n’est pas perçue, l’individu ne ressent rien, aucune tension. Sans la source aucune énergie (poussée) n’est mobilisée. L’autre aspect est aussi la difficulté liée à l’inexistence de l’objet. Suite au conflit entre pulsions de vie celles de mort, l’issue est malheureusement

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marquée par la domination du thanatos sur l’éros. Les pulsions de vie sont prises au piège, et enfermées par les pulsions de mort. Celles-ci poussent le sujet à l’inaction, ou à une sorte de compulsions répétitives visant à rétablir un état antérieur, sans tension, bref à un état inorganique (Freud S.). Le sujet est submergé par des ressentis et des pensées mortifères, une rumination désagréable marquée par des sentiments d’impuissance et de culpabilité. Il y a une sorte de dissociation entre les représentations et les affects qui incarnent des charges émotionnelles. Le sujet va cruellement manquer de force et d’énergie au plus profond de lui pour fonctionner harmonieusement. L’affect étant le point commun entre les pulsions et les émotions, fait ici défaut. Les pulsions vont avoir du mal à trouver les canaux des émotions pour s’exprimer (Freud). Quels sont donc les indicateurs de l’enfermement ou l’empêchement pulsionnel et émotionnel ?

Ils se traduisent par :

- une vague sensation ou impression de confusion et de désorientation, souvent exprimés par des réactions comme « fffffffffff », « je suis perdu… », « Humm ». Le sujet est en permanence en colère, toujours agressif, ralle ou se plaint tout temps. Il est toujours tendu et en mode défensif, et éprouverait les mêmes sentiments de peur, de honte, rongée par la culpabilité, des préoccupations qui sont à la limite des pensées obsédantes, recherche en permanence à s’identifier à son passé ou à des modèles inaccessibles et ou irréalisables. Plus les jours passent, plus ils se ressemblent, car c’est la même routine, les mêmes rituels et les mêmes expériences avec pour conséquences, le fait d’avoir toujours les mêmes pensées, émotions et presque les mêmes choix chaque jour. C’est le corps qui pense, car il tombe dans un automatisme, un fonctionnement mécanique.

- une forme d’idéalisation, le sujet s’accroche à un idéal inexistant, l’existence des idées de suicide marquée par un désir de ne plus souffrir, pourmettre fin au chagrin.

D’autre part c’est l’agitation, l’incapacité à rester calme, une perte d’intérêt pour les activités habituelles qui traduit un manque d’énergie pour entreprendre. On note de fréquentes irritations et une sexualité perturbée ou inexistante.

Illustration

Monsieur M. homme de 36 ans, marié et père de deux enfants respectivement âgés de 5 et 2 ans est reçu sur demande de sa famille (sa femme et ses parents). La demande faite par ces derniers parait très surprenante. A la question « que puis-je faire pour vous » ? Sa femme

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fond en larme avant de dire toujours en sanglots : « élé sibé amekuku nènè », pour traduire « il est comme un mort », «mi fon in midekuku » pour dire « réveillez-le pour nous s’il vous

plait ».

En effet M. avait été deux ans au paravent hospitalisé dans la clinique de psychiatrie et de psychologie médicale du CHU-campus pour une bouffée délirante aiguë (BDA), sur fond de conflit relationnel survenu dans son service suite à la restructuration. Il sort de l’hôpital cinq

jours plus tard, avec un traitement à base d’antidépresseur qu’il prendra durant trois mois, avant d’arrêter de son propre gré malgré les recommandations du médecin traitant. Pendant l’épisode de crise, d’après sa femme : « il faisait du tapage » et il aurait giflé son père,

insultant presque tout le monde, agressivité verbale et prolifération de menaces et propos incohérents. D’après son épouse, depuis sa sortie de l’hôpital, il est indifférent à tout, est devenu apathique : « on ne sait plus quand il est content ou triste, …humm, il est indifférent à

tout, il faut le lui demander, même sexuellement ne répond plus malgré mon insistance et demande, …humm, il est comme un bois sec… », Elle répète trois fois cette dernière petite

phrase et avant de poursuivre « c’est très difficile pour nous, les enfants et moi, j’aurai

préféré qu’on se dispute plutôt que ça… ». Durant tout l’entretien, nous remarquons que Mr

M. est indifférent, regard absent, et tête baissée et n’arrête pas de tchiper, d’émettre le son « humm » précédé de soupire. Nous relevons un détachement émotionnel, des expressions liées à des sentiments de culpabilité et de honte, « je suis maudit, je ne mérite pas de vivre

après avoir giflé mon père, je ne suis plus digne, je suis continuellement envahi par un malaise, des idées de mort et surtout des envies de disparaitre, j’ai des idées toujours ailleurs, dans un monde qui n’existe pas ». Il refoule son agressivité et son agacement en « tchipant ».

Malgré son jeune âge, il présente quelques rides sur le corps, faisant penser qu’il est plus vieux que son âge. Son langage est dominé par l’usage de la première personne « je », ce qui peut être synonyme de blocage accompagnant le refoulement des représentations.

L’enfermement, qu’il soit corporel, pulsionnel comme émotionnel, est la conséquence du vécu, des représentations et des croyances socioculturelles.

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