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la délivrance d’un certificat

A. Les enfants sans logement ou mal logés

L’hébergement d’urgence est un droit incon-ditionnel pour les personnes sans domicile en situation de détresse, selon les dispositions de l’article  L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles. Il doit permettre une prise en charge médico-sociale et une orientation « vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de [leur] apporter l’aide justifiée par [leur] état, notamment un centre d’hébergement et de réinsertion sociale, un hébergement de stabilisation, une pension de famille, un logement-foyer, un établissement pour personnes âgées dépendantes, un lit halte soins santé ou un service hospitalier ».

Les capacités d’accueil d’urgence ou tempo-raires ont fortement augmenté ces dernières années. Selon le 20ème rapport de la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement en France21, on compte aujourd’hui plus de 344 000 places dont 56 600 places d’accueil d’urgence et de

stabilisation, 45 000 places d’hébergement d’insertion, pour l’essentiel en CHRS, plus de 46 000 places pour les demandeurs d’asile et quelques 198 000 places en logements.

Malgré tout, le dispositif ne répond toujours pas aux besoins, comme le démontre le nombre d’appels au «  115  » qui restent sans réponse. La Fédération nationale des associations d’accueil et de réinser-tion sociale (FNARS) relève que la moitié des demandes d’hébergement ne sont pas honorées faute de places disponibles22. De ce fait, l’accueil en chambre d’hôtel est de plus en plus sollicité afin de répondre aux besoins d’hébergement, notamment des familles avec enfants.

Or, ce type d’hébergement hôtelier s’avère peu adapté aux besoins fondamentaux des enfants («  jouer  », «  faire ses devoirs  »,

« disposer d’une intimité »,…).

Il s’accompagne en outre de changements fréquents de lieu d’accueil, provoquant ainsi ce qui peut être appelé «  une instabilité résidentielle » lourde de conséquences pour les enfants concernés.

En moyenne, les familles sans logement changent 2,7 fois de commune de résidence chaque année et 1,7 fois de département de résidence, avec des variations selon les départements. A titre d’exemple, au bout d’un an d’hébergement, plus de quatre familles sur cinq hébergées dans l’Essonne, le Val-de-Marne ou le Val d’Oise ont quitté leur hôtel, alors que près d’un tiers des familles héber-gées en Seine-Saint-Denis sont toujours dans le même hôtel23.

L’enquête ENFAMS de l’observatoire du Samu social de Paris montre qu’en 2013 10 % des enfants sans logement âgés de 6 à 12 ans n’étaient pas scolarisés et que cette valeur atteignait même trois points de plus pour les enfants habitant en hôtel social24. Cette non-scolarisation est directement liée à l’instabilité résidentielle  : ainsi 31 % des enfants qui avaient déménagé une fois et plus durant les douze mois précédents n’étaient pas scolarisés (respectivement 10 % et 21 %), alors que le taux de non-sco-larisation des enfants n’ayant pas déménagé s’élevait à 4 %.

En effet, toute nouvelle inscription d’un enfant dans une autre école rend nécessaire de recommencer à accomplir des formalités administratives parfois difficilement compré-hensibles et réalisables pour des parents en grande précarité sociale, d’autant plus quand ils parlent pas ou peu le français. Elle va en outre se heurter aux obstacles déjà décrits avec le risque de déscolarisation auxquels ils conduisent. C’est sans doute pourquoi dans de nombreuses situations les enfants continuent à fréquenter l’école dans laquelle ils étaient jusqu’alors scolarisés malgré les distances accrues depuis leur nouveau lieu de vie, leurs parents étant soucieux de leur assurer

un minimum de stabilité sociale. L’école est appréhendée par ces derniers comme un pivot de la vie quotidienne qu’ils s’efforcent autant que possible de préserver malgré des temps de transport parfois supérieurs à 30 minutes25. Or, cet éloignement peut, sur le long terme, non seulement avoir des consé-quences négatives sur les apprentissages (fatigue, manque d’attention etc.), mais risque également d’amener à un désinvestissement de l’école, voire même une déscolarisation.

Le Défenseur des droits a ainsi accueilli avec satisfaction l’annonce en 2015 par la ministre du Logement et de l’Egalité des territoires d’un plan de réduction des nuitées hôtelières visant à offrir aux familles des condi-tions d’hébergement plus dignes et mieux adaptées à leurs besoins, en réorientant les crédits consacrés au financement des nuitées hôtelières vers des dispositifs tels que l’intermédiation locative, les résidences sociales ou encore les maisons-relais26. Il insiste sur l’enjeu de stabilisation effective des familles, laquelle devrait avoir des consé-quences bénéfiques sur le bon dévelop-pement des enfants et le respect de leurs besoins fondamentaux et de leurs droits, en particulier le droit à l’éducation.

Le Défenseur des droits recommande que dans l’attente des effets concrets des mesures annoncées, le changement de lieu de vie des familles bénéficiaires du dispo-sitif d’hébergement d’urgence n’intervienne qu’en dernier recours afin de garantir la continuité de la scolarisation et des appren-tissages. Il importe en effet de donner aux enfants concernés un maximum de chances pour bénéficier du droit à l’éducation.

De la même façon les processus d’orienta-tion des familles vers un lieu d’hébergement d’urgence doivent impérativement tenir compte du lieu de scolarisation des enfants, en tant que critère déterminant pour la décision.

Rappelons que ces processus relèvent de la responsabilité de l’Etat et sont mis en œuvre

par les services intégrés d’accueil et d’orien-tation (SIAO), créés par la circulaire du 8 avril 2013 et consolidés par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR. Ils ont notam-ment pour mission, dans chaque départe-ment, de recenser l’ensemble des demandes d’hébergement et l’offre disponible en matière d’hébergement d’urgence, de stabilisa-tion, d’insertion ou de logement adapté, afin

d’assurer l’orientation des personnes après une évaluation sociale en fonction de leur situation de détresse.

L’absence de prise en compte, aujourd’hui, de la dimension « scolarité » dans le processus vient méconnaître directement l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit être une consi-dération primordiale dans toute décision qui le concerne.

Recommandation 4

Le Défenseur des droits recommande aux préfets de veiller à la prise en considération des lieux de scolarisation des enfants des familles sans logement et du calendrier scolaire, à l’occasion des décisions d’orientation assurées par les services intégrés d’accueil et d’orien-tation (SIAO), en particulier en cas de déménagement d’une famille déjà accueillie dans le dispositif d’hébergement d’urgence.

Enfin, l’établissement d’enseignement peut dans les faits se trouver être éloigné du lieu de vie dans les situations où l’élève (sa famille) dispose d’une adresse administrative distincte qui est retenue pour l’affectation scolaire.

Cette situation se présente notamment en région parisienne, où le parc hôtelier du Samu social de Paris est étendu sur l’ensemble de

l’Ile-de-France. Or, dans le second degré, l’affectation dans un établissement scolaire déterminé est proposée par l’application AFFELNET27 qui ne contient qu’une rubrique concernant l’adresse ne permettant pas de différencier le lieu de domiciliation adminis-trative du lieu de vie réel.

Recommandation 5

Le Défenseur des droits demande au ministre de l’Education nationale d’intégrer dans le logiciel AFFELNET la possibilité de distinguer l’adresse administrative de l’enfant de son adresse de résidence effective afin que cette dernière puisse être utilisée dans les proposi-tions d’affectation.