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« la double peine » pour les enfants

B. Les conditions d’une scolarisation continue de l’enfant hospitalisé

Pour les coordinatrices parisiennes de l’Ecole à l’hôpital, « plus la structure hospita-lière est petite et plus il faut faire preuve de souplesse et d’inventivité pour maintenir les jeunes patients en lien avec leur scolarité. Et encore plus quand ils sont en hospitalisation à domicile ».

Le travail des enseignants de l’Educa-tion nal’Educa-tionale comme de l’associal’Educa-tion doit s’organiser avec les parents et les équipes médicales, les soins et la scolarité étant intrinsèquement liés pour les enfants et jeunes hospitalisés. Comme elles le rappellent, « les enfants ont des conditions de santé variables d’un jour à l’autre et parfois d’un moment à l’autre. Un cours, qui a été prévu, ne peut pas toujours être tenu dans de bonnes conditions et il est alors parfois préférable de le repousser au dernier moment ou d’en modifier le contenu pour l’adapter à l’état de l’enfant. Dans ces condi-tions et dans un contexte où les équipes médicales préservent le secret médical, les parents doivent être de véritables parte-naires notamment concernant le partage d’information »240.

Outre la collaboration étroite des médecins et des parents, s’assurer du partenariat des équipes pédagogiques des lieux de scolari-sation d’origine des enfants est également

primordial pour la continuité de la scolarisa-tion des élèves hospitalisés. Le PAI, quand il existe, précise également qu’en cas de périodes d’hospitalisation ou de maintien à domicile, les enseignants de l’école ou de l’établissement d’origine veilleront à assurer le suivi de la scolarité en conformité avec les recommandations données dans la circulaire n° 98-151 du 17 juillet 1998, relative à l’assis-tance pédagogique à domicile en faveur des enfants et adolescents atteints de troubles de la santé évoluant sur une longue période.

Les professionnels et bénévoles interrogés ont, cependant, tous témoigné de l’implication très variable des équipes pédagogiques des lieux de scolarisation d’origine des enfants.

« Les enseignants sont souvent démunis face au fonctionnement de la scolarisation des enfants hospitalisés et insuffisamment sensibilisés au rôle primordial qu’ils ont à jouer dans la transmission d’information sur l’avancée de la classe, sur la préservation de la place de l’élève dans sa classe d’origine.

Pour les élèves du second degré, le conseiller principal d’éducation et le professeur principal ont des rôles clefs à jouer »241.L’établissement d’une fiche de liaison individuelle pour chaque enfant malade pourrait permettre de faciliter la coordination des acteurs (enseignants d’ori-gine, SAPAD, association, personnel médical) et le suivi de la scolarisation de ces enfants.

Recommandation 28

Le Défenseur des droits recommande une sensibilisation des enseignants et des chefs d’établissement concernant l’importance de leur rôle et leurs obligations durant des périodes d’hospitalisation ou de maintien à domicile de leurs élèves.

Le numérique et les techniques de l’informa-tion et de la communical’informa-tion (TICE) consti-tuent également des enjeux majeurs pour favoriser la continuité des apprentissages.

Aussi, le Défenseur des droits recommande la mise à disposition gratuite d’une connexion internet pour les mineurs hospitalisés en âge d’être scolarisés.

L’attention qui doit être portée aux délicates transitions hôpital-école constitue une autre condition d’une scolarisation continue. Il ressort des auditions effectuées que, lors de la sortie du centre scolaire de l’hôpital, la rupture peut être brutale et perturbante pour les enfants et les familles. La rescolarisation, hors période éventuelle d’hospitalisation à domicile, est standard. « Les patients-élèves passent d’une prise en charge douce, à la carte, personnalisée à une prise en charge collective qui peut manquer de souplesse pour réintégrer les élèves convalescents »242. Par ailleurs, les prises en charge ambula-toires se multiplient dans le cadre des hospitalisations de jour et ces «  interrup-tions perlées  » peuvent s’avérer encore plus déstabilisantes pour la scolarisation.

Il peut s’agir de prise en charge à l’hôpital deux ou trois fois par semaine pendant cinq

semaines ou d’une journée par semaine pendant plusieurs semaines. Les centres scolaires hospitaliers prennent alors le relais pour éviter les ruptures et stimuler l’enfant.

Mais ils n’existent que dans certains hôpitaux et la mise en place d’heures d’enseignement volantes sur les prises en charge ambulatoire est très compliquée.

Pour éviter les ruptures quand l’enfant n’est plus hospitalisé mais qu’il n’est pas, non plus, en capacité de retourner dans sa classe d’origine, et en attente de l’intervention des services d’assistance pédagogique au domicile (SAPAD), les centres scolaires hospi-taliers prennent le relai. Il se pose alors bien souvent un problème juridique  : comment justifier l’accueil de l’enfant dans le centre scolaire hospitalier pendant cette période de transition alors qu’il n’est plus hospitalisé ? Il a été noté que les équipes étaient contraintes d’admettre virtuellement ces enfants et adolescents à l’hôpital ou en consultations pour qu’ils puissent avoir accès au centre scolaire hospitalier ce qui n’est pas satisfai-sant. Or, il serait nécessaire que les centres scolaires hospitaliers puissent être dûment autorisés à accueillir les enfants hospitalisés après leur sortie afin d’éviter des ruptures et des périodes de carences dans la scolarité.

Recommandation 29

Le Défenseur des droits recommande la création d’un mécanisme adéquat permettant aux enfants hospitalisés de continuer à être pris en charge provisoirement, après leur sortie, par le centre scolaire hospitalier, ceci afin d’éviter les ruptures et les périodes de carences dans leur scolarité.

Ces constats sont d’autant plus exacts en cas de la maladie chronique et de pathologies lourdes qui constituent des facteurs majeurs de rupture scolaire. D’abord, parce que la santé prime avant tout. Mais également parce que les retours dans les écoles d’origine sont souvent très difficiles et peuvent entraîner

des redoublements, des déscolarisations et des errances du fait du manque d’accom-pagnement, de perspective d’avenir, de vrai projet d’orientation alors que les enfants et adolescents hospitalisés ont un véritable besoin de projection. Les coordinatrices parisiennes relèvent que «  Les maladies

chroniques peuvent entraîner des retards scolaires eux aussi chroniques et une orien-tation vers les filières techniques peut tomber comme un couperet ». De manière générale, les orientations par défaut sont fréquentes pour les adolescents hospitalisés et leur réali-sation s’avère parfois impossible au regard de la pathologie de l’enfant243. La multiplicité des intervenants (médecins, équipe pédagogique, assistante sociale, famille, service de l’aide sociale à l’enfance parfois…) ne favorise pas une prise de décision concertée et respec-tueuse des désirs de l’adolescent. Pour quelques élèves-patients très structurés, le CNED constitue une ressource précieuse mais sans enseignant et coordinateur en appui, les réussites sont rares sur le long terme et très exigeantes pour l’élève.

La coordination et les moyens font souvent défaut, à côté des modèles que peuvent constituer des établissements tels que la maison des adolescents à Paris, dite Maison de Solenn, qui offre des soins pluridisci-plinaires en pédiatrie et en médecine de l’adolescent, dans le champ des troubles du comportement alimentaire, en psychologie et en psychiatrie pour les adolescents de 11 à 18 ans. La question de la scolarisation est abordée dans le cadre de la prise en charge globale du jeune. Et, pour les adolescents qui ont quitté l’école et qui y sont hospitalisés, est par exemple proposé un atelier pour retrouver le plaisir et le goût des apprentissages dans des groupes dits de «rescolarisation».

Evidemment, certaines structures existent. Qu’il s’agisse de « l’Ecole à l’hôpital » ou encore du CNED, elles apportent un appui qui, malheureusement, même s’il est présent, n’est pas assez développé. Dans mon cas, j’ai dû apprendre à travailler par moi-même. Rechercher les programmes scolaires de la 3

ème

à la terminale, les analyser pour me construire un emploi du temps personnalisé et adapté, et tenter d’instaurer un équilibre entre les différentes matières et le monde extérieur (car étudier dans un hôpital, c’est possible, mais c’est compliqué). Tout cela m’a permis d’acquérir autonomie, adaptation et ténacité, des compétences qui sont devenues de véritables atouts. Cependant, s’il avait été possible d’avoir plusieurs professeurs réguliers, pour m’aider dans mon apprentissage et m’expliquer les notions que je ne comprenais pas, cela aurait permis de gagner un temps précieux, de dépenser moins d’énergie et de sentir un soutien présent à mes côtés. Cet aspect est pour moi extrêmement important, car il sous-entend, pour l’enfant, d’être traité comme n’importe quel enfant en bonne santé et vivant en dehors de l’hôpital. Ce qui peut, à terme, être également un élément important pour la guérison, ou du moins la favoriser.

A r n a u d B o v i è r e , Ancien « enfant des hôpitaux », titulaire aujourd’hui d’un Master de l’Université Paris-Sorbonne et auteur de la pièce “Aux Fleurs du temps”

qui rend hommage à ses anciens camarades d’hospitalisation

La scolarisation des enfants placés dans des services de pédopsychiatrie ou des services de psychiatrie adulte peut s’avérer encore plus compliquée.

Pour des raisons de confidentialité mais également afin de préserver d’éventuelles chances de réintégration des jeunes concernés, les établissements scolaires d’origine des enfants et adolescents pris en charge ne sont pas contactés.

Lors de leur prise en charge hospitalière, les patients-élèves des services de pédopsy-chiatrie bénéficient de classes spéciales et/

ou de cours adaptés et ne sont habituelle-ment pas mélangés avec les patients-élèves des autres services de l’hôpital.

« L’Ecole à l’hôpital » témoigne d’un nombre important d’adolescents pris en charge en pédopsychiatrie faute de place en hospi-talisation de jour ou en structure propo-sant le « modèle soins-études » qui permet d’appréhender le sujet et sa maladie dans sa globalité en proposant une prise en charge pédagogique adaptée et en positionnant la scolarité comme un élément supplémentaire dans le combat contre la maladie244.

Quand le maintien à l’hôpital n’est plus possible et qu’il n’y a pas de place dans une structure adaptée, la réintégration dans une structure de scolarisation classique de l’Education nationale est proposée mais la transition brutale entre le milieu hospita-lier et le milieu scolaire peut faire replonger l’enfant ou l’adolescent dans sa pathologie.

« Les relations avec la famille des enfants et adolescents pris en charge en pédopsy-chiatrie sont également potentiellement plus compliquées notamment avec les équipes pédagogiques. Certains patients relèvent également par ailleurs de l’Aide sociale à l’enfance ce qui peut introduire un élément

supplémentaire de complexification des échanges et des relations.245»

Les retards scolaires peuvent ainsi se multi-plier de manière plus aiguë encore pour les patients-élèves des services de pédopsy-chiatrie. La question de l’orientation est également très compliquée. « Le jeune dans un service de pédopsychiatrie perd sa place d’acteur de son avenir. Face aux contraintes administratives et le peu de places adaptées disponibles, sa parole et sa volonté ont peu de poids. La seule chose qu’il peut faire c’est refuser, fuguer et donc s’inscrire un peu plus dans un parcours de rupture246».

L’ensemble des constats ainsi opérés sont aggravés pour les adolescents orientés vers des services adultes, dans lesquels il est alors très difficile d’accéder à la scolarité, à la construction d’un projet de vie professionnel adapté et à une véritable insertion alors que c’est un point essentiel247 de prise en charge des personnes atteintes de troubles psychiques et psychiatriques.

Par ailleurs, le Défenseur des droits regrette que le gouvernement ne se préoccupe pas davantage des difficultés d’accès aux soins psychiatriques rencontrées par les enfants vivant dans les territoires d’Outre-mer. Le plan psychiatrie santé mentale 2011-2015 ne mentionne pas plus l’Outre-mer que ne l’avait fait le précédent plan. Pourtant, comme sur d’autres sujets, le constat est alarmant. Comme le Défenseur des droits qui est notamment saisi de telles situations en Guyane, la Cour des comptes, constate qu’en Outre-mer, l’offre de soins en psychiatrie proposée aux adultes comme aux enfants est «  gravement déficiente  » et le manque de locaux et de professionnels criant, alors que les besoins sont plus importants qu’en métropole248.

C. L’enfant pris en charge