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Abréviations des noms des régimes et des substrats utilisés

Chapitre 2 Méthodes d’étude de la communauté bactérienne du rumen

II. Techniques microbiologiques

2. Empreintes moléculaires

Plusieurs techniques permettent de réaliser rapidement, par électrophorèse de fragments d’ADNr préalablement amplifiés par PCR, une empreinte moléculaire des communautés microbiennes présentes dans un écosystème. Ces méthodes d’empreintes moléculaires ou fingerprints se basent sur la mise en évidence de la variabilité de longueur et/ou de composition des amplicons d’un marqueur de diversité (souvent le gène codant pour l’ARNr 16S). Le tableau 4 résume les différentes méthodes d’empreintes moléculaires.

La migration électrophorétique des empreintes moléculaires est soit réalisée sur des gels (DGGE, TGGE, TTGE, AFLP), soit réalisée dans des capillaires (appelés CE pour Capillary Electrophoresis) gérés par un séquenceur (T-RFLP, CE-SSCP, ARISA). Les techniques en gel sont capables de détecter les espèces bactériennes qui constituent plus de 1% de la communauté totale (Zoetendal et al., 1998). L’avantage des bandes de gel est qu’elles peuvent être récupérées afin de les séquencer et déterminer l’affiliation phylogénétique (Schmalenberger et Tebbe, 2003).

50 Figure 3. Principe de la CE-SSCP. Exemple avec trois séquences d’ADN. (1) Amplification de la région variable du gène d’intérêt avec des amorces marquées d’un fluorochrome (étoile jaune). (2) Dénaturation des amplicons. (3) Refroidissement rapide des amplicons et maintien de leurs conformations grâce à la formamide désionisée. (4) Migration en électrophorèse capillaire, les amplicons adoptent une forme différente selon leurs longueurs et leurs compositions en acides nucléiques. (5) Détection de la fluorescence par un laser. D’après Moletta M. (2005).

51 Les techniques en capillaire sont plus précises, plus reproductibles et plus rapides que les techniques en gel (Hong et al., 2007). Les techniques de fingerprints permettent d’avoir rapidement une image représentative de l’ensemble de la communauté microbienne. Elles sont moins onéreuses et peuvent donc être utilisées pour comparer les communautés bactériennes de plusieurs échantillons, par contre elles ne permettent pas l’affiliation phylogénétique.

Dans ce travail, nous avons choisi d’utiliser la technique CE-SSCP. De ce fait, seule cette technique sera développée en détail. En effet, la CE-SSCP a été utilisée dans l’étude d’écosystèmes divers et variés allant du tube digestif (Brinkmann et al., 2008) au sol (King et al., 2007) mais aussi la mer (Livi et al., 2006). La figure 3 résume le principe de la technique CE-SSCP. Une région variable d’un gène d’intérêt est amplifiée avec des amorces marquées d’un fluorochrome (étape 1). En effet, une des deux amorces utilisées en PCR est marquée par un fluorochrome ce qui aboutit au marquage d’un seul des deux brins des amplicons. Les amplicons sont dénaturés à 95 °C (étape 2). Ils sont ensuite rapidement refroidis à 0°C et leur conformation est maintenue stable grâce à de la formamide désionisée (étape 3). Les amplicons adoptent une conformation tridimensionnelle selon leurs longueurs et leurs compositions en acides nucléiques. Les amplicons migrent en électrophorèse capillaire (étape 4). Un laser détecte la fluorescence et l’information est acquise sous forme de pics (étape 5). La conformation adoptée dépend du nombre d’acides nucléiques dans le brin d’ADN, de sa composition en bases azotées et de l’ordre de succession de ces dernières.

Les simples brins d’ADN sont déposés dans un capillaire ayant un potentiel électrique à chaque extrémité, qui provoque la migration électrophorétique des brins d’ADN. A travers les mailles du gel, les petites molécules vont migrer plus loin que les grosses molécules. Un scanner va capter l’intensité de fluorescence émise par le fluorochrome et produit un signal traduit sous forme d’un pic de taille proportionnelle à l’intensité. Tous les pics enregistrés forment alors un chromatogramme Les fluorochromes utilisés sont le 6-FAM et le ROX et servent respectivement, à marquer les brins d’amplicons et d’étalon interne. Grâce aux signaux qu’il émet à intervalles réguliers lors de la migration, l’étalon interne sert à aligner les profils entre eux. A la sortie du séquenceur, le résultat obtenu est un chromatogramme avec des pics représentant les espèces dominantes au sein de la communauté microbienne et un bruit de fond ou background qui est l’aire sous la courbe en enlevant l’aire sous les pics (Figure 4). Ce bruit de fond peut renseigner sur les espèces minoritaires (Fromin et al., 2002).

52 Chaque technique d’empreinte moléculaire possède une résolution maximale qui correspond à un nombre maximum de pics qui peuvent être identifiés. Cependant, les écosystèmes étudiés sont souvent complexes et possèdent un nombre d’espèces microbiennes supérieur au nombre maximum de pics ou de bandes identifiables, on observe alors, un phénomène de co- migration dès que le nombre d’espèces présentes dans la communauté excède 10 (Loisel et al., 2006). Les pics susceptibles de co-migrer possèdent une structure tridimensionnelle proche mais ne sont pas nécessairement proches d’un point de vue phylogénétique. De ce fait, l’approche CE-SSCP est sujette à un manque de résolution pour l’étude des communautés riches et ne donne qu’une image représentative des espèces dominantes du microbiote.

Des biais peuvent exister lors de l’extraction de l’ADN et l’amplification PCR. Dans ce travail, nous avons utilisés le QIAamp® DNA Stool Mini kit (Qiagen Ltd, West Sussex, Angleterre) pour extraire et purifier l’ADN, reconnu être bien adapté pour l’extraction et la purification de l’ADN des contenus digestifs d’autant plus que (Yu et Morrison., 2004), démontrent une augmentation de la quantité et de la qualité de l’ADN extrait en utilisant le kit QIAamp® DNA Stool Mini kit avec une lyse mécanique (Beadbeater) au préalable. D’où le choix de cette procédure dans notre travail. Quant aux biais liés à la PCR, il est nécessaire que les amorces soient spécifiques à la zone amplifiée en ciblant au maximum les espèces d’intérêt au sein de la communauté et au minimum les espèces non sélectionnées.

Le choix de l’enzyme est tout aussi important, car il faut trouver un compromis entre son taux d’erreur et son rendement. En effet, une enzyme ayant un faible pourcentage d’erreur a un rendement moins élevé; par conséquent, il faut augmenter le nombre de cycles PCR pour avoir une bonne quantité d’amplicons. Sachant que, l’amplification de l’ADN extrait est réalisée au cours des 5 ou 6 premiers cycles et les cycles suivants ne font que ré-amplifier les brins déjà obtenus. Dans ce cas, si les amorces ont une forte complémentarité avec d’autres séquences d’ADN, elles seront alors amplifiées. Cependant, si la communauté microbienne étudiée est diverse, ce biais ne semble pas être très important (Suzuki et Giovannoni., 1996). D’ailleurs, une étude des communautés bactériennes de fèces humaines par la technique DGGE n’a pas montré de différence entre 20 et 35 cycles d’amplification PCR (Zoetendal et al., 1998).

La technique CE-SSCP est robuste, reproductible et offre l’avantage d’obtenir une image qualitative de l’ensemble de la communauté microbienne d’une manière rapide et peu

53 coûteuse. Par ailleurs, dans le but d’exploiter l’ensemble des informations contenues dans les profils CE-SSCP, notre équipe a développé un outil méthodologique (Michelland et al., 2009), un logiciel permettant de traiter les données fournies. C’est pour ces raisons que nous avons choisi d’utiliser la technique CE-SSCP.

3. Séquençage

Différentes méthodes ont été utilisées pour déterminer le nombre d’espèces bactériennes présentes dans les écosystèmes digestifs : microscope, estimation à partir de séquençage aléatoire de banque de clones ou plus récemment détermination par séquençage à très-haut débit (pyroséquençage). Bien que la quantité estimée varie en fonction de la méthode utilisée, tous les travaux convergent vers un nombre qui varie entre 300 et 1000 espèces bactériennes en fonction des espèces animales et même des individus au sein d'une même espèce.

- Clonage et séquençage (méthode de Sanger)

Lors du clonage et du séquençage par la méthode de Sanger, le gène d’intérêt d’une communauté microbienne est amplifié par PCR. Ensuite, chaque amplicon est cloné dans le génome d’une cellule d’Escherichia coli. Les cellules sont par la suite, isolées individuellement et mises en culture. Chaque clone est alors séquencé suivant le protocole de Sanger (amplification PCR classique avec ajout d’une faible concentration de désoxynucléotides ou dNTP marqués avec des fluorochromes différents). Les amplicons obtenus sont de taille variable et sont généralement séparés par électrophorèse. La couleur de fluorescence des différentes bandes du gel permet d’attribuer un nucléotide (A, T, G ou C) à chaque paire de base. Cette technique a permis les progrès de la génomique jusqu’en 2006 mais ses applications sont limitées par le coût et le temps, ce qui diminue le nombre d’échantillons analysés.

- Nouvelles technologies de séquençage

Plusieurs technologies de séquençage à très haut débit sont apparues depuis quelques années (Roche/454 Genome Sequencer FLX; Illumina/Solexa Genetic Analyzer; Applied Biosystems SOLiD). Les différences entre ces technologies résident dans la technique utilisée, il en

54 résulte des différences dans la quantité, le type de données générées et la qualité des données (taux d’erreurs).

Dans ce travail, nous avons choisi d’utiliser la technique 454 GS FLX. Il s’agit d’une technique de séquençage utilisant une mesure de luminescence (Figure 5), par le système luciférine/ luciférase, produite par le pyrophosphate libéré lors de l’incorporation de nucléotides triphosphates. Une amorce oligonucléotidique spécifique de la cible recherchée est utilisée pour ce séquençage. Celle-ci s’hybride avec le produit de PCR dénaturé. Les quatre désoxyribonucléotides triphosphates sont ajoutés successivement en présence d’enzymes. Si le nucléotide qui est présent dans le milieu réactionnel correspond à la séquence, il sera incorporé et libérera un pyrophosphate (PPi). Ce PPi est transformé en ATP par l’ATP sulfurylase. Une luciférase couple cet ATP à une luciférine ce qui produit une oxyluciférine en émettant un signal lumineux capté par le scanner du séquenceur. Les nucléotides en surplus dans le milieu réactionnel sont alors dégradés par une apyrase. Le processus se poursuit avec l’ajout d’un autre nucléotide (Ronaghi et al., 1998). Toutefois, la taille des séquences obtenues est faible (400 à 500 paires de bases) car à chaque ajout de nucléotide l’activité des enzymes utilisées diminue (Ronaghi, 2001). Le pyroséquençage est une technique de séquençage relativement récente qui présente trois avantages majeurs par rapport au séquençage de Sanger :

- sa rapidité. A titre d’exemple, la technologie 454 associée au séquenceur GS FLX (Life Sciences et Roche Diagnostics) séquence environ 5 millions de bases par heure contre 5000 pour la technologie Sanger actuelle.

- l’absence d’une étape de culture de clone. En écologie microbienne, c’est une avancée majeure qui permet de séquencer directement l’ADN présent dans l’échantillon et représente un gain de temps considérable.

- son faible coût, environ 10 fois moins cher par base nucléique que la technique Sanger.

Le pyroséquençage offre donc de nouvelles perspectives pour analyser les microbiotes digestifs, notamment pour des analyses métagénomiques ou pour comparer plusieurs écosystèmes.

55 Figure 5. Technologie GS FLX 454. Les réactions se réalisent sur des billes de capture présentes en excès (A). Chaque bille est déposée dans un puit (B). Le séquenceur capte un signal lumineux issu de l’activité de la luciférase et de la sulfurylase et le produit sous forme d’un pic (C). Les nucléotides

en excès sont détruits par une apyrase(C).

Cette étude bibliographique montre le potentiel des techniques moléculaires naissantes. Cependant, comme toute technique, elles peuvent être limitées par des biais et des limitations méthodologiques. L’échantillonnage, la lyse des cellules lors de l’extraction des acides nucléiques et le clonage sont susceptibles de ne pas être aussi efficace suivant les échantillons. La principale étape engendrant des biais est l’étape d’amplification par PCR. L’amplification préférentielle de certaines séquences, la formation de séquences chimériques ou l’amplification d’ADN contaminant sont des biais qui peuvent être introduits. L’analyse des séquences doit être alors minutieuse afin de détecter les séquences issues de ces contaminations. De plus, comme pour la spécificité des milieux lors de l’utilisation des méthodes de culture, les outils moléculaires sont soumis à la pseudo universalité des amorces. Ces amorces sont réalisées à partir des bases de séquences déjà connues et conditionnent la détection des nouvelles séquences.

56 III. Interprétation des données : Appréhension de la diversité bactérienne

La composition de la communauté représente les différentes espèces constituant cette communauté, tandis que la structure prend en compte à la fois la composition en espèces et l’abondance de chaque espèce. La diversité quant à elle, est un indicateur qui prend en compte le nombre d’espèces (richesse) et l’abondance relative de chaque espèce.